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PLUME DE FAN : LE TEMPLE DE DÛSHARA

Chapitre 1 : Disparue.

Paris, par une belle journée d'automne. Mais pour moi, cette journée n'a plus rien d'agréable, contrairement à ce que je pensais encore il y a quelques heures. Me voilà, moi, George Stobbart, en train de contempler la Seine du haut de la berge du fleuve. Qu'avait-il bien pu se passer pour que j'en arrive là ? Qu'est-il advenu de mon amie, Nicole Collard ? Où donc se trouve-t-elle ? Je n'en ai pas la moindre idée... Et pourtant, il faut que je la retrouve au plus vite, avant qu'il ne se passe quelque chose de pire !
Bon, récapitulons : premièrement, je suis assis à la terrasse du Café de La Chandelle Verte, en attendant que la serveuse m'apporte un croissant accompagné d'un jus d'orange. Là, je reçois un coup de téléphone sur mon portable, lequel m'indique qu'il vient de Nico, mon amie journaliste. Je décroche. Et voilà que la voix de Nico pousse un cri qui traverse mon cerveau de part en part. Stupéfaction suivie d'incompréhension, je me hâte de quitter le Café et de héler un taxi :
- Eh ! S'il-vous plaît !
- Oui ? Où puis-je vous emmener, monsieur ?
( le type sent l'alcool à plein nez mais je n'ai pas le choix, tant pis pour les ivrognes )
- 361 Rue Jarry, je vous prie.
- Aucun problème, monsieur. Montez !
- Merci.
Le trajet me semble interminable alors que le chauffeur, quasi dans les pommes, ne cesse de me parler :
- Dites, monsieur, comment vous appelez-vous ?
- George Stobbart. Avec deux « b » et deux « t ».
- Ah , vous êtes américain .
- Exact . Californien , pour tout vous dire .
- Chouette coin , la Californie , il paraît... et que faites-vous à Paris , monsieur Stobbart ? Du tourisme ?
- Non , pas vraiment . Juste revoir une amie de longue date .
- Ah...
Je pousse un immense soupir de soulagement lorsque , sur le pas de l'immeuble de Nico , je regarde le taxi s'éloigner en crissant les pneus ; ça m'apprendra à monter dans la voiture du premier chauffeur venu . Je gravis les marches de l'escalier quatre à quatre , m'attendant au pire...
Je contemple le triste spectacle , sans cadavre toutefois , c'est déjà ça : meubles renversés , papiers de toute sorte jonchant le parquet , lit et canapé lacérés à coups de couteau... et nulle trace de Nico .
Lentement , je fouille les décombres pour finalement trouver deux choses : une petite bourse en cuir , accrochée à une mince tresse d'or , que je décidai de ne pas ouvrir pour le moment , et un mot de la main de Nico , à mon intention . Il y est écrit : « Johan Observait , Rigide , Déserts Arides , Nues Inexistantes Enfuies . 1812 . » Je n'y comprends rien , en conséquence de quoi je quitte l'appartement en charpie d'un pas las , pour me retrouver ici , en bord de Seine , perdu dans mes pensées de plus en plus floues .

Chapitre 2 : Le message et l'anneau.

« Johan Observait , Rigide , Déserts Arides , Nues Inexistantes Enfuies . 1812 . » . Qu'est-ce que cela peut bien signifier ? Car il y a obligatoirement un sens à ce message . Mais lequel ? Qui pouvait être ce Johan , pourquoi regardait-il les déserts arides et , surtout , pourquoi forcément en 1812 ? Quel casse-tête... Je dois bien me rendre à l'évidence , j'ai besoin d'une aide extérieure . Seulement , en ce qui concerne la seule personne me venant à l'esprit , je n'éprouve pas une très grande envie de la revoir . Ceci dit , je n'ai pas vraiment le choix . André Lobineau , alias l'historien à la queue de cheval , était devenu expert en manuscrits anciens après des études d'Histoire durant lesquelles il avait fait la connaissance de Nico . L'unique endroit où je puisse espérer le trouver , c'est au musée Crune : il y passe le plus clair de son temps libre , toujours à étudier des sceaux ou un quelconque vase étrusque . Une perte de temps cependant justifiée , à mon goût . Après tout , à chacun ses passions . Je détache donc mes yeux du fleuve parisien et me dirige vers le musée . Sur place , le gardien m'accueille avec un grand sourire tout en bombant le torse pour bien me prouver que son uniforme ne comporte pas la moindre tache de poussière . Comme prévu , André est là . Je m'approche de lui et l'interpelle brusquement pour le sortir de ses pensées :
- Salut , André !
- Tiens , Georgie... que fais-tu ici ?
- J'ai besoin de ton aide... et ne vas pas t'imaginer que je dise ça pour te flatter .
- Ben voyons ! Comme si tu pouvais éviter les ennuis pendant plus de cinq minutes...
- André , Nico a été enlevée .
- Comment ?!? Tu te moques de moi ?
- Non . Mais elle m'a laissé ce message .
Je le lui tends afin qu'il puisse le lire .
- « Johan Observait , Rigide , Déserts Arides , Nues Inexistantes Enfuies . 1812 . »... George , je suis désolé , mais je n'ai pas la moindre idée de ce que cela peut signifier . Il n'y avait rien d'autre ?
- Si . Il y avait ça .
Je sors de ma poche la petite bourse en cuir que je n'ai toujours pas ouverte et la montre à André qui la regarde d'un air perplexe :
- Sais-tu ce qu'il y a à l'intérieur ?
- Non . Je l'ai mise dans la poche de mon jean lorsque je l'ai trouvée et ne l'en ai pas sortie jusqu'à maintenant .
- Dans ce cas , c'est le moment de l'ouvrir , George .
Je m'exécute , les doigts tremblants , et attrape quelque chose de solide . C'est un anneau d'or , tel que je n'en ai encore jamais vu : large d'un demi pouce , ciselé tout autour , il porte en son centre deux pierres jumelles , également scintillantes . L'une , d'un rouge éclatant , est incrustée d'une croix d'argent tandis que l'autre , verte émeraude , porte un croissant de lune .
André paraît comme foudroyé par la surprise :
- George , là , nous avons une piste .
- Laquelle ?
- Le croissant de lune sur fond vert , George... Le croissant de l'Islam . Tout ce que je peux t'affirmer avec certitude , c'est qu'il y a donc un rapport avec le Proche-Orient .
- Le Proche-Orient ? Tu veux dire les pays dans la zone de la Syrie , de l'Iraq , de la Jordanie ?
- Exactement .
- Attends une minute ! « Jordanie » ? C'est ça , André ! En Jordanie !
- Je ne te comprends pas . Où veux-tu en venir ?
- Regarde le message : chacun des mots le composant commence par une majuscule . Relies-les entre elles de gauche à droite , que lis-tu maintenant ?
- « JORDANIE . 1812 . »...
- André , que s'est-il passé là-bas en cette année ?
- Je n'en sais strictement rien , George . Je suis désolé . Mais je connais quelqu'un qui pourrait peut-être t'aider , un expert en tout ce qui concerne l'Histoire du Proche-Orient...Tiens , quand on parle du loup , le voilà .
Il me montre un homme d'âge mûr , imposant , mais dans ses yeux , je décèle une indicible mélancolie . Il semble avoir remarqué que nous parlions de lui car il se dirige vers nous d'un pas décidé et s'adresse à André :
- Monsieur Lobineau , par quel hasard vous trouvez-vous ici ?
- Eh bien , je suppose qu'il s'agit du même hasard que celui par lequel vous vous trouvez vous-même ici , Monsieur Ludwig Burckhardt . En fait , nous voulions justement vous voir .
- Ah ? Et pourquoi , je vous prie ?
Je prends le relais de la conversation :
- Nous avons besoin de votre aide , Monsieur Burckhardt , pour retrouver une amie , Nicole Collard , qui a été enlevée . Il semblerait qu'elle se trouve actuellement en Jordanie , mais nous ne savons pas où .
- Comment voulez-vous que je le sache ? Je ne suis pas un devin !
- Bien sûr , mais pourriez-vous répondre à une question ?
- Posez-la toujours...
- S'est-il passé quelque chose d'important en Jordanie , en 1812 ?
- Plusieurs , Monsieur ... ?
- Stobbart . George Stobbart . Plusieurs , dites-vous ? Mais encore ?
- Si vous ne me donnez pas plus de précisions , Monsieur Stobbart , je ne pourrais pas vous aider davantage .
- Hmmm... Avez-vous entendu parler d'un certain Johan , en cette année ?
Brusquement , son visage pâlit jusqu'à devenir blanc comme un linge . Je me précipite vers lui alors qu'il tombe tel une pierre sur le plancher , inconscient :
- Monsieur Burckhardt ! Réveillez -vous !
- Que s'est-il passé ? Que m'est-il arrivé ?
- Vous vous êtes évanoui lorsque je vous ai demandé si vous aviez déjà entendu parler d'un certain Johan , en Jordanie , en 1812 .
- Ah oui...En effet , Monsieur Stobbart , je sais de qui il s'agit . En fait , je descends de lui , voyez-vous . Imaginez ma surprise lorsque je vous ai entendu prononcer son nom... En 1812 , c'est bien cela ?
- Tout à fait .
- Johan Ludwig Burckhardt fut reconnu par les explorateurs du monde entier lorsqu'en 1812 , il retrouva une fabuleuse et envoûtante cité dissimulée dans un massif montagneux du désert de Jordanie . Elle est aujourd'hui connue sous le nom de « Pétra la rose » .
- « Pétra la rose » ?!?
Je sens une panique soudaine m'envahir ; Petra avait beau être le nom de cette prétendue cité enfouie , il était également celui d'une meurtrière auquel Nico et moi avions déjà eu affaire... (blonde , par ailleurs)
- Oui .
- Que pouvez-vous me dire d'autre ?
- Peuplée par la tribu arabe des Nabatéens , Pétra est une cité caravanière fort prospère qui assure le commerce entre l'Arabie et la Méditerranée . Elle atteint son apogée entre la fin du premier siècle avant notre ère et le commencement du deuxième siècle de notre ère . C'est à cette époque qu'elle creuse dans ses falaises de grès rose ses plus beaux monuments . La ville n'est accessible que par une gorge , étroite et sinueuse , appelée le Sîq , qui s'étend sur plus d'un kilomètre et ne dépasse pas deux mètres de large par endroits . Pétra est truffée de tombeaux dont le plus magnifique se nomme le Khazné . Mais malgré cela , Pétra est bien loin d'être une nécropole : c'est une ville à part entière . Elle possède ses boutiques , et ses édifices publics - théâtres , bains , fontaines - construits dans un large cirque .
- Comment se comportaient les Nabatéens ?
- Pétra est le centre d'une intense vie religieuse : les prêtres y honorent les dieux dans des temples . Le sanctuaire principal est consacré à Dûshara , le dieu dynastique et national , adoré sous la forme d'un bétyle , ou pierre sacrée non décorée , constituant l'habitacle du dieu . Les rites consistent à lui présenter des sacrifices d'animaux et à l'asperger de sang . Maintenant , d'après la légende , certains Nabatéens , durant une période précise de l'année définie dans le plus grand secret , procédaient à des sacrifices humains... mais aucune preuve n'a pu être établie .
- Je trouve ça plutôt logique : si tout cela a ne serait-ce qu'une parcelle de vérité , il n'allaient quand même crier à la ronde qu'ils tuaient des humains , vous ne croyez pas ?
- Monsieur Stobbart , pensez-vous réellement que le peuple des Nabatéens ait pu procéder à ce type de sacrifices alors qu'ils ont construit la prodigieuse cité de Pétra ?
- Les Mayas aussi faisaient partie d'une civilisation brillante . Ce qui ne les a pas empêchés de sacrifier hommes , femmes , enfants à leur dieu Tezcalipoca . D'autre part , les morts ne parlent pas et l'habit ne fait pas le moine . Cependant , je vous remercie , vous m'avez été d'une aide précieuse .
- Que comptez-vous faire ?
- Je vais me rendre en Jordanie , dans le désert , et retrouver Nico . A moins que je ne me trompe , je suis quasiment certain qu'elle se trouve à Pétra . Encore merci pour votre aide .
Je me dirige vers la sortie du musée lorsque , tout à coup :
- George !
André me fait signe de l'attendre , haletant après deux mètres de course . Je m'impatiente :
- Qu'est-ce que tu veux ?
- George , je t'accompagne en Jordanie .
- Pardon ?Il n'en est pas question , André !
- Et comment feras-tu pour retrouver Nico sans moi ? Je suis le seul à pouvoir te fournir un bon argument d'aller à Pétra car , vois-tu , c'est un site archéologique . Et en cette qualité , seule une personne possédant un permis de fouilles , comme moi , est en droit de s'y rendre . Tu n'as pas appris ça ,durant tes études de droit ?
- Et toi , as-tu la moindre idée de la manière dont il faut rédiger un brevet , dans le cadre de la propriété industrielle ?
- Non .
- Alors , tais-toi ! C'est bon , tu viens avec moi mais je te préviens : on a intérêt à se serrer les coudes si l'on veut retrouver Nico , c'est compris ?
- C'est compris .
- Parfait . Prépare tes valises , nous partons pour la Jordanie dans trois heures . Rendez-vous dans la salle d'embarquement .

Chapitre 3 : Bienvenue en Jordanie.

- « Mesdames et messieurs , nous venons d'atterrir à Amman et nous espérons que vous avez passé un agréable vol en notre compagnie . Nous vous souhaitons un agréable séjour en Jordanie . »
La voix off du commandant de bord me vrille les tympans alors que je me réveille difficilement . Dormir était , me semblait-il , le meilleur moyen d'éviter toute conversation avec André . Hors de l'appareil , la température est pour le moins étouffante , ce qui nous amène tous deux à retirer nos pulls , idéaux pour la France mais d'aucune utilité ici . Nous sortons de l'aéroport en silence et cherchons un taxi , chacun de son côté ; André s'avère être le premier à en dénicher un . Nous embarquons .
- Bien le bonjour , mes amis touristes . Où donc aurais-je l'immense honneur de vous emmener , pour votre plus grand plaisir ?
Regards réciproques entre André et moi :
- Eh bien , André , tu as perdu ta langue ? Monsieur t'a posé une question , il me semble .
- Pourquoi devrais-je lui répondre ? Pourquoi pas toi ?
- Parce que TU l'as appelé , pas moi . Ensuite , parce qu'il est grand temps pour toi d'apprendre la communication avec les autres , et enfin parce que sans moi , tu ne serais pas là .
L'érudit en manuscrits anciens me jette un regard noir auquel je réponds par un sourire amusé et satisfait . En conséquence de quoi il s'adresse au chauffeur du « taxi » :
- Nous voudrions nous rendre à Pétra . Pourriez-vous nous y emmener ?
- Non , je le regrette , mon ami touriste . En revanche , je peux vous conduire à la lisière du désert où l'un de mes frères se fera un plaisir de vous administrer des moyens de locomotion plus appropriés et de vous servir de guide pour aller à la cité rose .
Ce qui , en gros , se traduisait par : préparez votre portefeuille , vous allez en avoir besoin . J'enchaîne :
- Très bien . Allons-y !

Chapitre 4 : Sheitan , Safran , préparatifs et talents de cavalier.

Après une interminable route en taxi , lequel taxi nous a plongés dans une véritable torpeur tant la température est élevée , nous arrivons à l'endroit indiqué : une sorte de ferme miniature se composant d'un point d'eau pour les bêtes , d'un enclos en bois , d'une maisonnette et d'un vieil hangar . Une foule d'enfants se groupe autour de nous alors que nous venons à peine de descendre du véhicule qui lui-même semble n'en plus pouvoir . Ils ne voient probablement pas souvent des étrangers s'aventurer chez eux .
Omar , le chauffeur , se précipite pour embrasser un homme d'une trentaine d'années , sans doute son frère . Affirmatif . Il nous fait signe de le rejoindre et , immédiatement , la discussion s'installe entre lui et moi :
- Venez , mes amis , approchez ! Omar vient de me raconter ce qui vous amène ici . Ce serait un grand privilège pour moi que de vous guider jusqu'à la cité rose .
- Fort bien , mais comment nous y rendrons-nous ?
- Premièrement , l'un de vous deux possède-il un permis de fouilles ?
- Oui , mon « compagnon » .
- Une bonne chose de réglée . Comment vous nommez-vous ?
- Lui , André Lobineau , moi , George Stobbart . Et vous ?
- Mohamed . Votre ami n'a pas de langue ?
- Oh , si . Il éprouve seulement quelques difficultés d'élocution et de communication . Vous savez , à force de ne vivre que dans le passé...
- Oui , en effet . Suivez-moi , je vais vous montrer vos montures respectives .
- Nos... quoi ?
- Vos montures , George . A moins que vous ne préfériez marcher à pied ?
- Pas vraiment , merci .
Mohamed nous entraîne vers l'enclos et nous désigne deux magnifiques chevaux , de véritables oeuvres d'art . Robustes , ils lèvent leurs têtes vers nous en frémissant des naseaux avant de nous rejoindre , piqués par la curiosité . L'un possède une robe couleur café au lait , l'autre est d'un noir de jais hormis l'étoile blanche qu'il porte sur le front .
- Le café au lait , nous annonce Mohamed , se nomme Safran . Il est pour vous , monsieur Lobineau .
André semble parfaitement horrifié autant qu'incrédule ; je n'ai jamais eu tant de mal à me retenir d 'éclater de rire .
- George , vous monterez Sheitan , le noir .
- J'en suis ravi . Que signifie ce nom ?
- « Diable »... Mais c'est un véritable prince du désert . Je pense que vous vous entendrez bien , tous les deux . Savez-vous monter à cheval ?
- Moi , oui . André ?
- Non , justement . Je ne pourrai jamais tenir sur le dos de cet animal .
- Tant mieux . Euh... je veux dire...Mohamed , que pouvons-nous faire ?
- Rien de plus simple : nous vous attacherons , monsieur Lobineau , grâce à une corde à la selle de Safran . Ainsi , vous ne pourrez pas tomber . Mais avant toute chose , il vous faut d'autres vêtements . Suivez-moi .
Nous nous dépêtrons donc tant bien que mal de nos vêtements « européens » et commençons à nous revêtir d'habits semblables à ceux que portent les touaregs , les habitants du désert . Une sacrée transformation mais qui n'est pas pour me déplaire , il faut être franc . André , en revanche , a l'air parfaitement ridicule . Je ne manque pas de le lui faire remarquer ce qui me vaut une véritable fusillade du regard . Qu'importe , ce n'est pas comme ça qu'il se débarrassera de moi . Pendant ce temps , Mohamed a préparé les chevaux et les provisions nécessaires à la route que nous sommes sur le point de commencer . Notre guide se met en selle avec légèreté , j'enfourche Sheitan et l'un des enfants se met en quête d'attacher André à Safran à l'aide d'une mince corde . Sitôt fait , Mohamed prend la parole :
- Si nous prenons le départ maintenant , nous arriverons demain matin à Pétra . Laissez vos chevaux galoper s'ils le souhaitent , ils connaissent le chemin sans doute mieux que moi-même . George ?
- Entendu . Je suis prêt .
Nous donnons de brefs coups de talons dans les flancs de nos chevaux ; le résultat ne se fait pas attendre : nous galopons à toute vitesse à travers le désert , le front happé par le vent . Une liberté parfaite ! Une liberté tellement grisante que j'en oublie mon inquiétude pour Nico .
- Eh ! Attendez-moi !
Je me retourne et laisse éclater mon rire que j'ai trop longtemps contenu : André n'est pas encore tombé de cheval mais c'est tout juste s'il arrive à tenir les rênes de sa monture . Safran a de toute évidence compris que son cavalier n'a aucune expérience et compte bien en profiter . Je lance à l'historien :
- Eh bien , André ? Tu as le feu aux trousses ?
- Très drôle ! Tu ne serais pas capable de le maintenir en place si tu le montais !
- Je n'en serais pas si sûr , à ta place . Regarde , nous faisons route dos au soleil . Si tu étais un tant soit peu plus perspicace , tu aurais compris que Safran est effrayé par son ombre . Si tu veux le calmer , tu n'as qu'à rabattre le cache du filet sur ses yeux . Un cheval qui ne voit pas ralentit , c'est bien connu . Enfin , pas pour toi , apparemment .
André décide de suivre mon conseil et cache les yeux de Safran , lequel ralentit aussitôt . L'érudit me regarde avec soulagement :
- Je suis certain qu'un jour je le regretterai mais... merci , George .

Chapitre 5 : la légende de l'anneau.

La nuit s'est abattue sur nous , nous dévoilant un superbe firmament . André dort déjà à points fermés sous la tente de notre campement mais moi , je ne parviens pas à m'endormir . Durant toute la chevauchée de l'après-midi , au fur et à mesure que nous approchions de Pétra , l'inquiétude recommençait à me serrer la gorge et elle n'a fait que s'accentuer avec la fin du jour . Je tiens maintenant entre mes doigts l'étrange anneau trouvé à Paris et le fait briller à la lueur du feu de camp . Son éclat d'or calme un peu mon esprit angoissé . Lorsque brusquement , un bruit de pas dans mon dos me fait sursauter : Mohamed s'avance lentement vers moi . Je ne pourrai jamais dire pourquoi mais j'avais confiance en lui . Il me dévisage un instant puis me demande :
- Vous ne pouvez pas dormir ?
- Non . Et vous ?
- Je suis un fils du désert et je ne me lasse pas d'observer le ciel nocturne . Toutes les constellations possibles et imaginables sont visibles ici . Les étoiles me guident , George . Ce sont elles qui me racontent les histoires ancestrales qui nourrissent mon esprit . L'histoire de ce monde depuis la nuit des temps est enfouie en ces lieux . Votre ami ne croit qu'à ce qu'il voit mais vous ,non . Cela se lit sur votre visage .
- André n'est pas mon ami . Il est ici parce qu'il possède un permis de fouilles sans lequel nous ne pourrions pas pénétrer dans l'enceinte de Pétra . Sinon , je n'aurai jamais accepté qu'il m'accompagne , croyez-le bien .
- Ah , ah ! Je comprends mieux votre ironie à propos de sa manière de monter à cheval . Je vais vous raconter une petite histoire , mon ami . Ecoutez bien...
Je me laisse envelopper par sa voix en regardant les étoiles : c'est bien vrai qu'elles ont l'air de contenir des millions d'histoires . Elles me transportent loin d'ici , apaisent mon esprit . Mohamed commence :
« Il y a bien longtemps , un homme vivait heureux dans un campement du désert . Entre lui , la nature et les siens régnait une parfaite harmonie . Un jour , l'homme était allé conduire le troupeau de bétail au point d'eau pour qu'elles puissent s'abreuver et se nourrir d'herbe fraîche . Alors qu'il remplissait son outre de l'élément liquide vital , l'une des bêtes fut prise dans un brusque tourbillon qui l'attira au fond de l'eau . Alors une voix se fit entendre , une voix merveilleuse qui disait à l'homme : « Je t'ai pris une bête pour me nourrir , j'en suis conscient . Pour te dédommager , je t'offrirais ce que tu voudras , je t'en donne ma parole . Mais attention , tout ce que tu demanderas et que tu obtiendras de moi , ton voisin le possèdera également . Réfléchis bien . » Alors l'homme se mit à songer . Il se disait qu'il pourrait demander tout l'or du monde ou alors les plus belles femmes . Mais chaque fois le même problème le retenait de formuler sa demande : sa cupidité . Il ne pouvait se résoudre à accepter d'offrir ce qu'il désirait à son voisin . Puis , il s'adressa à la voix et formula son souhait : « Puisque mon voisin aura tout ce que j'ai , et que je ne peux rien faire pour l'empêcher , alors crève-moi un oeil ! » .
Mohamed me regarde avec bienveillance , attendant mon avis et mes réflexions :
- Elle est bien , ton histoire , Mohamed . C'est une belle morale ainsi qu'une belle sentence . Mais pourquoi ne pas l'avoir racontée à un moment où André aurait pu l'entendre ?
- Il n'y aurait pas prêté d'attention . Je lis une grande inquiétude dans vos yeux , George . Ce n'est pas la cité rose qui vous attire ici , il y a une autre raison , n'est-ce pas ? Que recherchez-vous ?
- Une de mes amies , Nico , a été enlevée . Je pense qu'elle se trouve à Pétra .
- Qu'est-ce qui vous fait croire cela ?
- Un message et cet anneau . L'avez-vous déjà vu ?
Je le lui tends afin qu'il puisse l'examiner . C'est alors qu'il s'exclame :
- L'Anneau de Salim ! L'Anneau disparu ! Comment en êtes-vous entré en possession ?
- Je l'ai trouvé à Paris . Qu'a-t-il de si particulier ?
- L'Anneau de Salim a plusieurs particularités mais la plus importante d'entre elles consiste dans le fait que , de nos jours , seul un homme serait en droit de le passer à son doigt sans qu'il le brûle . L'Anneau est très ancien , il date du temps sombre des croisades . Il symbolise une union pour le moins particulière à cette époque .
- Quelle union ?
- C'est une longue et belle histoire . Bertrand de Beauce , un Templier , combattait en Terre Sainte depuis déjà deux ans et Salim n'était encore qu'un chef musulman , jeune et valeureux certes , mais loin d'avoir la renommée qu'il eut par la suite . Un jour , Bertrand attaqua par surprise un campement . Les hommes du campement se défendirent avec courage mais les chevaliers du Temple l'emportèrent et ils firent prisonniers leurs ennemis . Parmi les nombreux captifs , Bertrand aperçut une jeune femme qui venait juste d'accoucher d'un fils . Son allure , ses vêtements richement brodés , ses bijoux prouvaient qu'elle était de haute naissance et l'épouse d'un chef important . Bertrand aurait pu , comme il était d'usage , l'emmener pour en tirer une rançon mais il n'en fit rien . Au contraire , il ordonna qu'on les libère , elle et son enfant , qu'on installe une tente pour l'abriter , qu'on lui rende ses servantes et même qu'on lui donne une chamelle pour allaiter le nouveau-né . Or cette femme était l'épouse de Salim et l'enfant , son premier-né . A l'annonce de l'attaque du campement , il accourut , désespéré et s'attendant au pire . Il les retrouva ainsi que je viens de vous dire , alors il jura une gratitude éternelle au chevalier qui avait respecté sa femme et son fils . Il fit faire cet anneau et envoya un messager l'apporter à Bertrand de Beauce . Celui-ci fut touché et porta désormais la bague , de jour comme de nuit . Mais un jour il fut pris dans une embuscade où il perdit la vie en même temps que sa femme et son fils , né d'un mois à peine et l'Anneau ne fut pas retrouvé . Et Salim en ressentit tant de colère qu'il jura de retrouver ces hommes , plus brigands que soldats , et de les exterminer à son tour pour leur faire payer ce crime...
- Y parvint-il ?
- Je ne le sais pas , George . Personne ne le sait . Imaginez ma surprise lorsque vous m'avez montré l'Anneau ! Vous comprenez maintenant ce que symbolisent les deux pierres ? La rouge ornée de la croix d'argent représente Bertrand et la verte Salim . Mais quoi qu'il en soit , il est temps de dormir , mon ami . Oubliez le temps d'une nuit ce que je viens de vous raconter à l'aide des étoiles et reposez-vous . Nous avons encore de la route à faire .

Chapitre 6 : Pétra la rose.

Je galope sur Sheitan, cheveux au vent, en direction de Pétra. Aucun son ne se fait entendre hormis le martèlement des sabots de l'étalon lancé dans sa course. Rien ne pourra m'arrêter, je retrouverai Nico. Droit devant moi, le Sîq s'étend, de plus en plus étroit. Je laisse donc Sheitan et m'avance à pied entre les deux parois de pierre de la gorge, déserte, délaissée par toute présence humaine. Toujours pas le moindre bruit lorsque soudain, un déclic se fait entendre derrière moi ! Je me retourne pour voir, braqué sur mon torse, le canon béant d'un revolver...Celui qui le tient a le visage dissimulé par une capuche et son doigt se crispe sur la gâchette :
- Adieu, Stobbart ! Bon voyage en enfer !
La balle part dans une détonation qui retentit dans tout le Sîq et cherche à se ficher dans mon coeur. Je pousse un dernier cri ; je sais que c'est la fin , autour de moi, il n'y a plus que ténèbres :
- Noooon !
- George ! George , réveillez-vous !
-... Mohamed ?
- Vous avez fait un mauvais rêve . Levez-vous , il est temps de partir d'ici . André Lobineau est allé chercher Sheitan et Safran mais je doute qu'il parvienne à les ramener ici .
Je pousse une profonde inspiration alors que notre guide s'éloigne. Je reste seul de longues minutes et c'est heureux car j'éprouve un certain mal à chasser ce cauchemar de ma tête... Un hennissement me tire hors de mes réflexions , celui de Sheitan ; Mohamed et André m'attendent,mon cheval aussi . Je monte rapidement en selle et nous nous dirigeons tous trois vers Pétra bien que le soleil nous fasse déjà courber la tête . Je me mure dans le silence lorsque le Sîq apparaît : selon Mohamed, les esprits des anciens Nabatéens y reposent et surveillent avec vigilance l'accès à leur cité. A l'entrée de la gorge,une sorte de pâle imitation de garde nous barre la route :
- Holà ! Vous ne pouvez pénétrer ici que si vous êtes en possession d'un permis de fouilles . En avez-vous un ?
- Oui, j'en ai un . déclare André . Voici mon assistant, George Stobbart . Comment ça, son assistant ?!? Pour qui se prend-il donc ?
- Très bien. Passez.
Mohamed nous explique qu'il n'a pas la permission d'entrer dans la ville morte et qu'il nous attendra donc ici. Nous mettons pied à terre et commençons de traverser le Sîq, en silence .Je ne me sens pas à mon aise, j'ai l'impression d'être observé. Je m'oblige à fixer mon regard sur les parois de la gorge tout en tendant l'oreille, attentif au moindre bruit.
- George...
- Qu'est-ce qu'il y a encore , André? Tu ne voudrais pas te taire juste un moment ?
- George...
Voilà qu'il devient muet maintenant !Soit il le fait exprès pour m'énerver, soit il voit quelque chose d'invisible à mes yeux. C'est alors qu'un léger sifflement me parvient aux oreilles. Je me retourne lentement, regarde dans la même direction que lui , vers une roche aplatie , presque polie et à son sommet... Bon Dieu ! Un courant glacial parcourt tout mon corps tandis que deux yeux nous fixent. Les yeux d'un cobra. Je détestais les araignées mais les serpents , je n'avais jamais pensé en rencontrer un seul. Mauvaise pensée, à l'évidence. Le reptile se dresse comme un « i » et darde sa langue fourchue vers nous. Son sifflement se répète inlassablement, je n'en peux plus ; j'imagine sans arrêt qu'il va prononcer mon nom ! « Sssstobbart »... quoi de plus charmant, après tout ? Je sens de grosses gouttes de sueur couler de mon front et mouiller ma chemise. Cependant, ce n'est rien comparé à André : il semble totalement paralysé par la peur, et, pour la première fois, j'ai réellement pitié de lui . Aux dernières nouvelles, je ne m'appelle pas encore Indiana jones. Mais que puis-je faire face à un cobra qui, pour couronner le tout, siffle de colère ? Une colère froide de cobra. On ne bouge pas , d'accord. Et après ?
- George, regarde...
- Quoi ?
- Le cobra.
- Nooon ? Parce qu'il y a autre chose à regarder, peut-être ?
- On dirait...qu'il mâche.
En effet, le serpent gonfle la tête par intermittence, comme s'il mastiquait, pour finalement nous dévoiler ses deux crochets luisants. Lorsque, venant de derrière nous :
- George Stobbart ! Quelle bonne surprise !
Je me retourne le plus lentement possible pour me retrouver face à face avec...
- Duane Handerson ! Mais...que faites-vous en plein désert de Jordanie ?
- Tu connais Pearl, George. On lui a dit qu'ici, elle pourrait se procurer des objets datant du premier siècle de notre ère.
Duane Handerson et Pearl, sa femme, étaient deux américains « hors norme » qui parcouraient le globe à la recherche d'antiquités ou de quoi que ce soit qui aurait pu épater leurs voisins. L'imperturbable sifflement me ramène à la réalité des choses.
- Duane, écoutez-moi. Il y a ici, dans mon dos, un immense cobra. Allez donc cherchez quelqu'un qui puisse nous en débarrasser, s'il vous plaît.
- Tout de suite, George.
Il s'engouffre dans le Sîq pour en ressortir aussitôt accompagné d'un garde, lequel garde s'approche lentement d'André, par ailleurs toujours immobile, et de moi. Il va même jusqu'à nous dépasser, tire un couteau de sa gaine et le lance en direction du reptile qui, quelques secondes plus tard, s'effondre, mort. Notre sauveur se retourne vers nous, nous sourit et finit par nous dire quelque chose en arabe, à quoi nous répondons par un sourire de soulagement. Il repart en emportant son trophée de chasse avec lui. Qu'il le garde ! André ne bouge toujours pas mais maintenant qu'il n'y a plus de danger immédiat, je ne vais certainement pas me fatiguer à l'aider à se relever. Faute de quoi, je me retourne vers Duane :
- Merci. Vous nous avez tirés d'un sacré pétrin.
- Je t'en prie, George. Dis-moi plutôt ce que tu fais dans ce trou perdu de la planète.
- En fait, je suis à la recherche d'une amie qui a,semble-t-il, été kidnappée.
- Oh, je vois. Et tu penses qu'elle s'est réfugiée ici, pas vrai ?
- Duane, elle a été enlevée ! Elle n'est pas partie de son plein gré sinon elle m'aurait prévenu.
- En es-tu certain, George ?
- Où voulez-vous en venir ? Vous l'avez vue ?
- Possible... Pourrais-tu me la décrire ?
- Brune, assez grande, mince et très soupe au lait.
- Est-elle photographe ?
- Disons qu'elle connaît bien le domaine de la photographie.
Situation pour le moins étrange ; d'habitude, c'est moi qui pose les questions.
- Va donc faire un tour du côté du Khazné, George. C'est le plus grand et le plus ancien tombeau de cette ville, je pense que tu ne seras pas déçu. Bon, je vais te laisser, il faut que j'aille convaincre Pearl de partir.
- Bien...Merci pour tout, Duane.
André se décide enfin à se relever et nous nous dirigeons en silence vers le Khazné, dans la direction que Duane m'a indiquée avant de partir. Je sens mon coeur battre de plus en plus vite au fur et à mesure que nous approchons du tombeau. Le soleil est maintenant au zénith et mes yeux sont presque aveuglés par la lumière de l'astre de feu. Pourtant, au pied du Khazné, j'entrevois une svelte silhouette qui a pour effet de nous faire accélérer le pas. La silhouette se précise pour bientôt apparaître parfaitement nette à nos yeux et, contre toute attente...
- Nico !
Oui, c'est bien Nicole qui se tient là, parfaitement libre et qui ne semble pas en revenir que nous soyons là. La preuve:
- George ?!? André ?!? Mais...que faites-vous ici ?
Nous nous regardons, André et moi, ne sachant plus vraiment quoi penser et nous commençons à parler, juste assez fort pour qu'elle puisse nous entendre :
- George, que fait-on ?
- Que fait-on ? On va faire équipe, pour une fois.
- Pourquoi ?
- POUR ENTENDRE DES EXPLICATIONS CLAIRES ET NETTES ! VOILÀ POURQUOI ! J'AIMERAIS ENFIN COMPRENDRE CE QU'ON FICHE ICI, BON SANG !

Chapitre 7 : révélations.

Le premier choc passé et ma colère tombée, je me précipite, fou de joie et de soulagement, vers Nico qui ne semble toujours pas en revenir que nous soyons là, André et moi. Elle m'accueille cependant avec son plus beau sourire, lequel me pousse au comble du ravissement. André, lui, devra se contenter d'une simple poignée de main, ce qui n'est pas pour me déplaire. Nous restons immobiles de longues minutes, nous dévisageant sans fin jusqu'à ce que nos rires respectifs éclatent pour se propager avec retentissement dans tout le Sîq. Nico, qui paraît réellement s'amuser de nos vêtements, s'avère être la première à retrouver son sérieux, nous demandant ainsi de faire de même. Après quelques minutes, nous y parvenons enfin et Nico, souriante, se décide à prendre la parole, s'adressant à moi tout en guettant chaque crispation de muscle de mon visage :
- Et maintenant, George, peut-être pourrais-tu m'expliquer ce pourquoi vous êtes ici, André et toi ?
- Nous ? Ce serait plutôt à toi de nous expliquer ce que tu fais là et surtout, à quoi rime toute cette comédie !
- Une comédie ? Quelle comédie ? De quoi parles-tu ?
- Par exemple, du coup de téléphone que tu m'as passé il y a deux jours...et du reste.
- Mais...je ne t'ai pas appelé par téléphone récemment ! Et qu'est-ce que tu entends par « le reste » ?
- Tu te moques de moi, n'est-ce pas ?
- Je te jure que non.
Je raconte donc toute l'histoire à Nico, du début à la fin, en essayant de n'omettre aucun détail, aussi petit soit-il. Elle m'écoute en silence, consternée, suspendue à mes lèvres. La chaleur environnante nous enveloppe dans une sorte de torpeur consciente qui n'en est que plus insupportable encore. Nico me demande doucement de lui donner le message et l'anneau, les deux objets qui nous ont guidés jusqu'ici. Je m'exécute. Elle les observe alternativement en silence, me rend l'anneau mais s'attarde sur le petit bout de papier. Les secondes me semblent interminables tandis que ses sourcils se froncent pour finalement arracher à sa bouche un petit cri d'exclamation trop longtemps contenu :
- George, je n'ai jamais écrit ce message ! Certes, c'est bien mon écriture qui est lisible dessus mais ce n'est pas moi qui l'aie écrit ! Je t'en avais laissé un autre dans lequel je te faisais clairement savoir que je me trouvais en Jordanie pour un reportage à l'occasion du 192ème anniversaire de la re-découverte de cette ville par un explorateur suisse, Johan Ludwig Burckhardt, et que tu ne devais pas t'inquiéter pour moi. Quant à cet anneau, je ne l'ai jamais vu auparavant, ni quoi que ce soit lui ressemblant.
- Donc, quelqu'un aurait imité ton écriture. Je crois que je commence à comprendre...
- Pas moi. fait remarquer André. Et pourtant, je me suis creusé la cervelle !
- Avec une cervelle creusée, on peut difficilement réfléchir logiquement. Je vais vous expliquer : après ton départ, Nico, une personne quelconque, de toute évidence une femme, s'introduit chez toi par effraction et...
- Pourquoi spécialement une femme ? me demande Nico.
- A cause de sa voix. La voix que j'ai entendue au téléphone, si ce n'était pas la tienne, c'était néanmoins celle d'une femme. Donc, j'entends un cri féminin à travers mon téléphone qui, par chance, localise les appels, et m'indique qu'il vient de toi. Cette femme sait pertinemment que, par inquiétude pour toi, je vais arriver d'un moment à l'autre. Par conséquent, j'en déduis qu'elle a voulu m'attirer chez toi ; cependant, il ne lui reste pas beaucoup de temps : pour ajouter de la crédibilité au tableau, elle massacre ton appartement. Elle lacère gentiment et précautionneusement le lit et le canapé à coups de couteaux, renverse les meubles et les papiers après avoir, auparavant, imité ton écriture à la perfection pour écrire ce message et remplacer le tien, qui m'aurait rassuré. Délibérément, elle le rédige sous la forme d'une énigme de telle sorte qu'à sa vue, mon inquiétude s'accentue et que je tente de le déchiffrer seul, en vain. Elle sait donc parfaitement qu'il me faudra un certain temps et que j'aurai besoin de l'aide d'un historien à cause de la date présente sur le message, soit « 1812 ». Encore faut-il qu'il le trouve, cet historien, s'est-elle dit. Alors, comme elle sait aussi que, dès lors, je ne vais pas lâcher prise, elle se dépêche de quitter les lieux, satisfaite et persuadée...Mais persuadée de quoi ? Pour le moment, c'est encore un mystère...
Toujours est-il que, j'arrive chez toi pour ne voir qu'un appartement en lambeaux. Et, bien évidemment, je crois que tu as été kidnappée. Je fouille donc les décombres et trouve le message qui ne fait qu'accentuer mon inquiétude. Mais il s'est passé quelque chose à laquelle elle ne s'attendait pas : elle a perdu la petite bourse en cuir contenant l'anneau, lequel anneau nous a permis, à André et moi, de comprendre bien plus vite que ce qu'elle avait prévu, l'énigme. Le reste, vous le savez.
- Puissamment raisonné, George. me félicite Nico en souriant.
- Merci.
- Mais il y a quelque chose qui me chiffonne : pourquoi avoir écrit un autre message alors que le mien te faisait également savoir que je me trouvais en Jordanie ?
- C'est très simple : ton message m'aurait rassuré, comme je te l'ai déjà dit, et je ne serais pas venu ici...alors que le sien a suscité mon inquiétude à ton sujet et, par conséquent, m'a en quelque sorte « obligé », de prendre le premier avion pour Amman pour partir à ta recherche.
- Ce qui veut dire, en clair ? me demande ironiquement André.
- Ce qui veut dire, André, que nous sommes bel et bien tombés dans son piège : on a voulu nous attirer ici ! Pourquoi ? Ça reste à découvrir...

Chapitre 8 : La descente des ténèbres.

Nous attirer ici...Qui ? Pourquoi ? Cette histoire ne me dit rien qui vaille... Nico et André bavardent maintenant en toute sérénité tandis que le silence m'envahit, me déstabilise, m'effraie. Tout cela n'est pas normal. Non, quelque chose de bien plus sombre se cache dans les ténèbres, dans les profondeurs de la cité rose. Quelque chose de malveillant, quelque chose de maléfique...
Je lève les yeux et demeure sans voix : le site de Petra paraît irréel tant sa beauté est ahurissante ! Sous les rayons du soleil, le grès des falaises change de couleur ; d'abord blanches, ses veines s'animent brusquement pour rivaliser de tons différents : rouge, rose, ocre, jaune et même noir. Le décor est on ne peut plus somptueux. D'étranges corniches sculptées par l'eau et le vent se détachent des rochers alors que de rares arbres tentent de s'agripper aux parois de pierre. Et soudain, mes yeux se perdent dans la contemplation d'un monument absolument magnifique à la façade rose : le Khazné.
De longues minutes s'écoulent sans que je puisse prononcer un seul mot. J'éprouve une sorte de transe, d'extase : la façade du monument, haute d'une quarantaine de mètres, est polie. Il existe une harmonie parfaite entre les formes, une douceur infinie entre les teintes. C'est la voix de Nico qui me rappelle à la réalité des choses :
- George, réveille-toi !
- Pardon ?
- Redescends sur Terre, George.
- Oui, tu as raison...dis-moi, puisque tu es là depuis plus longtemps que nous, as-tu entendu quelque chose d'étrange à propos de cette ville ?
- Pas que je sache, désolée.
- Tu en es sûre ? Rien de théologique, de légendaire ?
- En quoi cela pourrait-il nous aider ?
- Ah ! Donc, tu as bien entendu quelque chose !
- Oui, mais...
- Raconte !
- Puisque tu y tiens tant que ça...le Khazné tire son nom arabe d'une ancienne légende selon laquelle une urne jadis déposée au sommet de l'édifice renfermerait un trésor laissé là par un pharaon. D'où le nom « Khazné », car il signifie « trésor » en arabe. On raconte que des Bédouins ont tenté de s'emparer de ce trésor à l'aide de leurs armes à feu. Mais leurs salves n'ont réussi qu'à mutiler les reliefs. La légende narre également que l'urne en question serait à présent cachée quelque part dans l'enceinte gigantesque de Petra et que seule une « clé de lumière » pourrait l'ouvrir pour en découvrir son éventuel contenu.
C'est tout ce que je peux te dire...
- Une « clé de lumière »...effectivement, c'est pour le moins étrange.
- Peux-tu maintenant m'expliquer pourquoi ça t'intéresses à ce point ? Tu te passionnes pour l'Histoire de la Jordanie, peut-être ?
- Ne sois pas stupide. Je cherche simplement à comprendre la raison pour laquelle nous nous trouvons ici.
- Tu penses réellement que nous sommes tombés dans un piège ? D'ailleurs...
Mais je ne saurai sans doute jamais ce que Nico allait dire après ce « d'ailleurs » car une voix interrompit notre conversation, ô combien passionnante, en hurlant à qui voulait l'entendre :
- Approchez, amis touristes ! Approchez ! Venez visiter le Khazné, le monument le plus précieux de la cité rose ! Découvrez son atmosphère unique au monde et laissez-vous envoûter par le mystère qui hante ces lieux depuis des âges lointains... Nous nous regardons, Nico et moi, esquissons un sourire et rejoignons l'homme en question, après avoir appelé André.
L'homme nous conduit à l'intérieur du Khazné : il est orné de deux colonnes dégagées, elles-mêmes ornées de chapiteaux corinthiens à double rangée de feuilles d'acanthe. La tholos, ou petit temple rond, est décorée d'une Tyché qui tient dans sa main gauche une corne d'abondance. Deux Amazones dansent en faisant tournoyer des haches au-dessus de leur tête. Décidément, le Khazné semble présenter beaucoup de parallèles avec la Grèce antique. La sobriété de l'intérieur contraste avec la richesse du décor de la façade. Aucun de nous ne parle, chacun est occupé à observer le moindre détail du temple. Le vestibule dans lequel nous nous trouvons donne accès à trois salles différentes, creusées dans le grès qui laisse apparaître ses veines chatoyantes. Ces salles me remplissent brusquement de peur, je ne sais pas pourquoi. Le saurai-je un jour ? Quoi qu'il en soit, dans le silence le plus complet, nous pénétrons dans la salle de droite. Il fait sombre. Instinctivement, nous nous rapprochons les uns les autres...Lorsque brusquement, un cri parvient à mes oreilles ! Ou plutôt des cris. Des cris de haine et de colère ! Je n'ai pas le temps de réaliser ce qui m'arrive et reçoit dans la pénombre un coup violent sur ma nuque. Je titube...les ténèbres descendent lentement et m'engloutissent peu à peu. Mes jambes ne me portent plus...je perds conscience de ce qui se passe autour de moi et tout n'est plus que nuit noire.

Chapitre 9 : Prisonniers de l'ombre.

Je reprends conscience, étalé de tout mon long sur le sol dur et froid. J'éprouve un mal de tête particulièrement douloureux et je ne vois pas à trois mètres devant moi. Ma vue est complètement floue. Je frissonne dans l'obscurité et me relève tant bien que mal en tentant de garder le plus de lucidité possible...Je passe machinalement ma main dans mes cheveux avant de la retirer... rouge. Un filet de sang coule de mon front. Nos agresseurs n'y sont pas allés de main morte ! Je n'ai pas la moindre idée de l'endroit où je me trouve mais une chose est certaine : je ne suis pas seul. Une respiration, lente et régulière, me parvient aux oreilles avant qu'une voix s'élève de la pénombre :
- Salaam, ami ! Et soit le bienvenu en enfer.
- Qui êtes-vous ? Et où donc vous trouvez-vous ? Je ne parviens pas à vous voir.
- Cela n'a rien d'étonnant, ils t'ont drogué. Ta vue devrait bientôt redevenir normale. Mon nom est Karim, pour te servir.
- George Stobbart. Pourquoi êtes-vous ici ?
- Pour la même raison que toi, je suppose. J'ai cherché à comprendre ce qui se passait ici et je l'ai chèrement payé. Je suis enfermé dans cet endroit depuis longtemps, très longtemps, trop longtemps. J'ai perdu la notion du temps, oublié la lumière du soleil et celle de la lune pour ne plus connaître que l'ombre de cette salle.
- Vous n'avez jamais tenté de sortir ? Et comment avez-vous fait pour survivre ?
- J'ai bien évidemment essayé de m'évader, cela est indiscutable. Mais toujours en vain et l'espoir m'a abandonné...On ne peut pas sortir d'ici, serais-tu même un magicien. Je ne dois ma survie qu'au cours d'eau que tu peux entendre ainsi qu'à quelques racines riches en vitamines...
Karim se mure dans le silence. Sa silhouette décharnée témoigne du temps qu'il a dû passer dans cette prison noire. Je m'assieds sur le sol et observe mon compagnon ( du moins ce que j'en vois ) sans un mot. Mes yeux se ferment tandis que le sang bat à mes tempes, me martelant la tête. Un bruissement d'eau se fait entendre, tout doucement. Au moins, je ne mourrai pas de soif, c'est déjà ça...
Combien de temps suis-je resté ainsi, je ne saurai le dire. Mais à en juger par la température, la nuit doit à présent être tombée. J'ai la gorge sèche, tarie, presque aride. Assoiffé, mes pas guidés par mon ouïe, je trouve le cours d'eau et bois, inlassablement, de longues gorgées. A cet endroit, seuls les murs et le plafond sont de pierre, tout le reste est recouvert de terre et de poussière. Je m'apprête à me relever pour retourner auprès de Karim lorsque mon attention se trouve attirée par le sol. J'y passe lentement mes doigts et ne peut retenir un cri de stupéfaction ! Car ce sol qui, sous l'effet des multiples gouttes d'eau tombées de mes lèvres, aurait dû devenir boueux ou tout au moins mouillé, s'est au contraire creusé pour laisser apparaître de très minces cavités...

Chapitre 10 : D'où l'importance de l'eau.

Fasciné, je réitère l'opération ; aucun doute possible, l'eau stagne dans de minuscules fissures de pierre. Karim, piqué par la curiosité, me rejoint pour rester figé sur place face au phénomène. Il tremble de tous ses membres, comme s'il pensait être victime d'une hallucination mais, dans ses yeux, je perçois une lueur d'espoir minuscule et gigantesque à la fois. Alors, comme des éperdus, animés par le désir irrépressible de la liberté, nous nous précipitons sur l'eau pour en asperger la terre. Peu à peu, d'autres fissures apparaissent et se mettent à converger en un même point, formant ainsi un cercle liquide.
Au centre de ce cercle, une pierre polie par l'Homme. Elle ne semble attendre qu'une seule et unique chose : être « actionnée ». Ma main, tremblante, s'en approche, s'y appuie et, comme je m'y attendais, s'enfonce avec elle. Un déclic se fait entendre. Dans un bruit sourd, des mécanismes et des rouages se font entendre, s'entrechoquent, se rencontrent, fusionnent sous le sol, témoignant du génie des nabatéens. Et au-dessus de nous, à une trentaine de mètres de haut, une trappe rocheuse de forme circulaire s'ouvre lentement, laissant les rayons pâles de la lune percer violemment les ténèbres qui nous entourent. Karim pousse un cri de joie :
- Allah soit remercié ! De la lumière, enfin !
Mon compagnon m'apparaît comme un enfant qui aurait vieilli trop tôt, trop vite. Il est d'un âge déjà respectable, les traits fatigués de son visage en témoignent. Mais le bonheur le submerge, il en pleure de gratitude, et, poussé par une force extraordinaire, bénit le ciel de l'avoir sorti de la pénombre infinie de cet endroit. Quant à moi, je suis littéralement absorbé par le mur se trouvant en face de moi : le reflet des rayons de la lune sur l'eau y a formé une phrase ainsi qu'une étrange suite de lettres en relief qui scintillent sous mes yeux ahuris. Ces lettres peuvent s'enfoncer dans le mur. Voici ce que je peux lire :

« Ici est cachée la clé de ta liberté, la mériter n'est pas gratuit. Les marches tu graviras lorsque le fils de Al-Uzzah le permettra. Pour réussir, ne t'y trompes pas, seul le 2 t'aidera. »
DAURSOHIAUREA

Le fils de Al-Uzzah ? Le chiffre 2 ? Qu'est-ce que cela peut bien vouloir dire ? Je m'empresse d'appeler Karim qui, interloqué, observe le mur puis se met à rire de bon coeur. Je l'interroge :
- Vous pourriez me dire ce qu'il y a de drôle là-dedans ?
- Connais-tu le nom du dieu principal des nabatéens ?
- Oui. Il s'agit de Dûshara, si mes souvenirs sont exacts.
- Tout à fait. Dûshara n'est autre que le fils de Al-Uzzah et si tu ne lis qu'une lettre sur deux, tu verras apparaître son nom. Je pense que ce sont uniquement ces lettres qu'il nous faut pousser...
- Si vous le dites...après tout, nous n'avons rien à perdre !
Nous nous exécutons donc et, quelques secondes plus tard, le nom du dieu se trouve enfoncé dans le mur. Une détonation assourdissante retentit dans toute la salle et les murs se mettent à vibrer, déclenchant de petits, mais nombreux, éboulements. Nous nous jetons à plat ventre et, pendant un long moment, les entrailles de la Terre semblent rugir de toutes leurs forces pour nous engloutir. Lorsque nous relevons les yeux vers la trappe circulaire, nous demeurons stupéfaits ! A l'aide d'un gigantesque mécanisme, des marches se sont dégagées des murs, nous offrant une voie parfaitement sûre et libre pour, enfin, sortir des ténèbres. Alors que nous gravissons les marches quatre à quatre, je me jure de ne plus jamais gaspiller de l'eau.

Chapitre 11 : « Promenade » au clair de lune.

Nous voici à présent en hauteur mais où précisément, je n'en ai aucune idée et Karim non plus apparemment. Devant nos yeux s'étend toute l'immensité et toute la magnificence de la cité rose, qui paraît prendre vie et s'éveiller en douceur sous un ciel constellé d'innombrables étoiles. C'est une curieuse sensation que celle que j'éprouve...Cette ville abandonnée depuis des siècles pourtant si belle, si vivante. Les rares bruissements de feuilles, presque imperceptibles, qui me parviennent aux oreilles donnent à Petra une lente respiration, sereine et calme. Quel est donc cet endroit où les morts parviennent à vivre dans l'âge des falaises sculptées par la main de l'Homme ?
Et Nico...cette fois-ci, j'ai peine à croire qu'il s'agisse d'un coup de théâtre...et, à propos de théâtre...
Karim me montre du doigt un grand hémicycle, à plusieurs centaines de mètres. Je me souviens des paroles de Monsieur Burckhardt, à Paris : « Petra possède ses boutiques, et ses édifices publics - théâtres, bains, fontaines - construits dans un large cirque. »Je crois que nous avons donc en face de nous le théâtre de la cité rose. Nous entreprenons alors de nous y rendre, ce qui n'est pas chose aisée vu la raideur de la pente.
Arrivés sur place, nous nous accordons une courte pause. Karim, semble tellement heureux d'être sorti de cette prison qu'il en oublie sa fatigue. Je crois qu'il en est de même en ce qui me concerne.
Le théâtre possède trente-trois rangs de gradins taillés dans un grès bigarré d'une couleur dominante grise assez terne. A vue de nez, je dirais qu'ils pouvaient accueillir entre 3 000 et 4 000 spectateurs. Ces gradins se développent donc en demi-cercle en face d'un bâtiment de scène dont il ne reste que les fondations et quelques colonnes redressées.
Il n'y a pas âme qui vive autour de nous. Enfin, presque pas...Karim et moi échangeons un regard à la fois surpris et inquiet : là-bas, plus au sud-est, des voix nous parviennent aux oreilles, troublant ainsi le silence nocturne. Et pour couronner le tout, j'aperçois la faible lueur dorée de torches enflammées... Après un moment d'hésitation, nous nous remettons en marche, dans cette direction, sans oublier auparavant de jeter un dernier regard au monumental vestige d'une dramaturgie passée.
Et voilà que dans la paisible nuit s'élèvent ces quelques paroles que nous entonnons à mi-voix : « Trois kilomètres à pieds, ça use, ça use...Trois kilomètres à pied... »

Chapitre 12 : Le Haut-lieu

Selon Karim, nous nous trouvons entre le Khazné et le théâtre, à la sortie du Sîq. Quelques mètres plus loin, j'aperçois un écriteau sur lequel sont inscrits les mots "High Place". Il nous indique un escalier (aux marches plutôt imposantes) qui semble mener au-dessus de l'embouchure du Sîq. Nous nous y engageons tandis que les voix se rapprochent au fur et à mesure que nous avançons. Après vingt-cinq minutes d'ascension pour le moins fatigante, nous faisons face à un ravin mais, n'étant pas suicidaires, nous préférons nous engager sur la droite. Karim m'explique par la même occasion que nous nous situons actuellement sur le massif de Zibb Attuf.
Et voici que soudain, au beau milieu de nulle part, se dressent deux obélisques, hauts de six mètres environ ! Ben voyons ! Comme si la Grèce ne suffisait pas, il faut aussi qu'il y ait des concordances avec l'Egypte ! D'ailleurs, contempler ces flèches de pierre érigées vers le ciel me fait penser aux monumentaux temples de Louxor et d'Abou Simbel.
C'est alors que Karim me fait signe de ne pas faire de bruit et de regarder en face de moi :
- Voici le madbah, George.
- Le quoi ?
- Le Haut-lieu. Sais-tu ce qu'est un Haut-lieu ?
- Oui, la traduction française de l'écriteau.
- Le madbah, ou Haut-lieu, est l'endroit où se déroulaient les sacrifices pratiqués par les Nabatéens en offrande à leurs dieux. Nous sommes un peu trop éloignés pour le voir clairement, mais plus loin, à quelques mètres dici, se situe un triclinium dont les trois banquettes se trouvent respectivement au nord, à l'est et au sud. Mais observe plutôt ce qui s'y passe !
Suivant son conseil, je plisse mes yeux afin de tenter de mieux voir. Je demeure soudain sans voix ! Des hommes, pricipalement vêtus de noir se dirigent vers le dit triclinium tout en se tournant vers ce qui semble être un reposoir pour de "petites" statues. Nous nous approchons à pas de loups : je peux maintenant les dénombrer. Il y a là dix hommes habillés de la même manière, plus une femme et autre homme, reconnaissable entre tous grâce à la queue de cheval qu'il porte...Nico ! Et André ! Sur une place réservée aux sacrifices...Le sang bat à mes tempes alors que je m'approche un peu plus, un courant glacé parcourant mon corps de haut en bas. Encore...plus près...quelques mètres de plus...
Karim tente de me rattraper ; trop tard. Le sol rocailleux s'est dérobé sous mon poids et me voici en train de débouler comme une pierre en plein vers ce "meeting nocturne" ! Tandis que je tâte mes jambes endolories pour vérifier que je ne me suis rien cassé (ce qui semble être le cas, Dieu merci), un des hommes s'est levé, se dirigent lentement vers moi qui suis, par ailleurs, toujours au sol, s'arrête devant moi et me déviseage longuement de toute sa hauteur. Puis, souriant et me tendant sa main pour m'aider à me relever, il me déclare tout simplement :
- Alhan wa salhan. Bienvenue, M. Stobbart. Nous ne vous attendions plus.

Chapitre 13 : Amis et ennemis.

L'homme qui m'a tendu sa main est calme, serein et parfaitement détendu. Son visage, brun et d'un âge déjà fort respectable, dégage une sorte de halo de chaleur humaine, laquelle chaleur est toutefois percée par une froide brume d'inquiétude. Mais il sourit.
Il me sourit tout en guidant mes pas vers le triclinium où siègent à présent les onze autres personnes. Me souvenant tout à coup que Karim est resté derrière, je l'appelle et lui fait signe de nous rejoindre, ce qu'il exécute sans se faire prier davantage.
- Maître, nous voici donc au nombre de quatorze.
Je me retourne pour faire face à un jeune graçon au visage imberbe et aux yeux d'un noir de jais, brillants de leur sombre éclat à la lueur des torches enflamées. Il s'adresse à mon mystérieux guide qui s'empresse de lui répondre :
- En effet, Inuhar. Ce qui signifie, tu le sais, que tu vas devoir quitter quitter le triclinium puisque tu es le plus jeune d'entre nous.
- Pourquoi cela ?
J'avais posé la question sur un ton intrigué.
- Parce que c'est la coutume. Seules treize personnes peuvent siéger ici. Certains l'assimilent au dernier repas de celui que vous appelez le Christ. C'est tout. Inuhar !
- Oui, maître ?
- Tu ne resteras pas là à ne rien faire. Je vais te confier une importante mission, tâche d'en être digne. Tu vas aller surveiller le Khazné et, si quelque chose te paraît suspect ou menaçant, viens immédiatement nous en avertir.
- Bien, maître.
- Maintenant, va.
Sur ces mots, Inuhar nous salue puis s'éloigne pour disparaître en courant, une ombre dans la nuit étoilée.
- Prenez place auprès de vos compagnons, George.
- Qui êtes-vous ?
- Une chose à la fois, M. Stobbart. Asseyez-vous après avoir vous être incliné devant Dûshara, sur le reposoir à bétyles.
J'avais donc raison ! Un reposoir pour les pierres sacrées des Nabatéens...Après tout, Dûshara mérite bien que je lui rende hommage, puisque son nom m'a fait sortir de cette prison noire. Je m'incline donc avec respect devant le dieu avant de rejoindre Nico et André. Ils n'ont d'ailleurs pas soufflé un mot depuis mon arrivée quelque peu brutale. Karim s'assied également. C'est alors que le maître prend la parole :
- Après des dizaines d'années d'attente, voici finalement venu le temps de la Prophétie Ancestrale. Je demande à chacun de vous de considérer nos hôtes et amis comme vous propres frères, à la fois de coeur et de sang, car leur aide nous sera infiniment précieuse pour venir enfin à bout de nos ennemis.
A ces mots, toute l'assemblée baisse la tête devant nous (c'est à dire André, Nico et moi) pour nous saluer. Nous ne savons comment réagir ni quoi penser. Puis, notre interlocuteur s'apprête de nouveau à parler :
- Il est à présent temps que vous sachiez pourquoi vous vous trouvez en ces lieux. Mais tout d'abord, vous qui êtes nos invités, veuillez servir le repas à chacun d'entre nous. C'est une coutume que vous vous devez de respecter. Quant à toi, Karim, sache que je suis comblé de joie de te revoir vivant.
- Merci, maître.
Nico, André et moi, parfaitement ahuris, commençons donc à distribuer les vivres à chacun sans chercher à comprendre quoi que ce soit. Sitôt fait, nous reprenons place en silence et attendons patiemment. Car enfin, qui sont nos amis et nos ennemis ?
- Je suppose, M. Stobbart, que votre curiosité n'est en rien satisfaite, n'est-ce pas ?
- En effet. Je ne sais si je dois vous faire confiance, bien que je le souhaite ardemment.
- Bien sûr. Je répondrai à chacune de vos questions, ne craignez rien. - Merci. Pour commencer, qui êtes-vous ?
- Une bonne question mérite une bonne réponse : nous sommes ce qu'il conviendrait d'appeler "les Fils de Dûshara". En d'autres termes, nous formons un ordre secret ayant pour but de contrer les desseins maléfiques de nos ennemis.
- Qui sont vos ennemis et que veulent-ils ?
- Nul ne sait qui ils sont exactement. Ou plutôt, nul ne connaît celui qui les mène. La plupart sont de pauvres gens qu'il a été facile de recruter contre quelque argent et la promesse d'une vie meilleure. D'autres, en revanche, sont des soldats expérimentés, ou encore des terroristes. Tous sont assoifés de pouvoir et s'il leur faut tuer pour obtenir ce qu'ils désirent, sachez qu'ils n'hésitent pas une seule seconde. Ils obéissent aveuglément aux ordres de leur maître sans poser de questions. Ils n'ont pas de conscience et, pour finir, les voir éprouver le centième d'un sentiment d'humanité serait un véritable miracle.
- Mais quel est leur but ?
- Leur maître convoite un pouvoir...un pouvoir titanesque. Le Pouvoir des Dieux. Si cette force venait à être libérée, de gigantesques tremblements de terre secouraient toute la surface du globe jusqu'à creuser une crevasse qui engloutirait absolument tout sur son passage. Villes, humains, bêtes, forêts, lacs, déserts, océans disparaîtraient pour l'éternité !
- Pour qui me prenez-vous donc ? J'ai peut-être vu beaucoup de choses surprenantes, mais un cataclysme pareil n'a jamais eu lieu ! Or, si ce pouvoir existe, comment se fait-il que personne n'ait réussi à s'en emparer à ce jour ?
- Nous avons protégé le Pouvoir des Dieux. Mais le nombre de nos ennemis n'a plus cessé de croître au cours des dernières années, nous obligeant ainsi à nous retirer et à vivre dans les ruines de la cité rose. Par bonheur, il leur manque toujours quelque chose...C'est cela qui les empêche de briser les chaînes du Pouvoir.
- Et quelle est cette chose ?
- Une Clé de lumière.
- LA Clé de lumière ?!?
C'est Nico qui avait prononcé ces mots.
- Exactement, Mlle. collard. La Cle de lumière dont parle la légende. Pour déchaîner le Pouvoir des Dieux, il faut posséder cette Clé.
- Mais que venons-nous faire là-dedans ?
- Vous ne l'avez pas compris ? Vous devez tous trois parvenir à trouver la Clé avant nos ennemis et les empêcher ainsi de réaliser leur dessein.
- Mais pourquoi NOUS ?
- Parce que votre ami, George Stobbart, possède l'Anneau de Salim.
Je reprends la parole :
- Et alors ?
- L'anneau de Salim est la marque de l'Elu. vous ne pouvez vous dérober à cette quête, il s'agit de votre destin. De plus, l'Anneau possède également un pouvoir en rapport avec la Clé, mais j'ignore lequel.
- Donc, les hommes qui nous ont attaqué dans le Khazné étaient...
- Nos ennemis. Nous sommes intervenus à temps pour sortir M. Lobineau et Mlle. Collard de leurs griffes, mais ils ont réussi à vous emmener.
- Mais l'Anneau...je ne le possède plus !
- Mlle. collard vous l'a arraché par mégarde lors de cette embuscade. Le voici.
Il me tend la petite bourse en cuir contenant l'Anneau de Salim. Je m'en saisis tout en regardant mon interlocuteur au plus profond de ses yeux.
- Eh bien, M. Stobbart, il semble que vous connaissiez à présent vos amis et vos ennemis : û`a. Faites attention.

Chapitre 14 : La folie commence.

Le jour se lève avec magnificence, le soleil baignant peu à peu Petra d'une douce lumière rose. C'est sans doute l'un des plus beaux levers de soleil que j'aie jamais contemplé. La veille, après notre entretien mouvementé, nous sommes tous allés dormir d'un pas lourd et épuisé. Mais mon sommeil restait particulièrement agité.
"Faites attention"...Je ne sais pas pourquoi mais j'ai comme l'impression que nous nous sommes tous embourbés dans un sapré...bourbier. Le Pouvoir des Dieux, une Clé de Lumière, la destruction du Monde !!! Pourquoi pas l'Apocalypse pendant qu'on y est ?
Le Chef des Fils de Dûshara a dit se prénommer Medjal...C'est un homme droit en qui nous pouvons avoir confiance, nous le savons tous trois. Lorsqu'il m'a tendu l'Anneau de Salim, j'ai senti un poids colossal s'abattre sur mon âme. Qui suis-je pour m'enquérir d'une telle mission ? Un fou, sans l'ombre d'un doute. Qu'importe ! Nous ne pouvons plus reculer à présent. Mais par où commencer nos recherches pour retrouver la Clé de Lumière ? La cité rose est immense, autant chercher une aiguille dans une botte de foin.
- George ?
Nico m'avait rejoint. Elle semblait avoir mieux dormi que moi. Elle me fit d'ailleurs remarquer combien j'avais bougé durant mon sommeil. Elle rit :
- Un véritable boucan !
- Pas autant que Karim...il ronfle comme un bulldozer !
- Ou comme une locomotive...Tu penses qu'on peut lui faire confiance ?
- Indubitablement. Il est l'un des Fils de Dûshara, et ce sont nos alliés. Mais je ne sais par où commencer nos recherches.
- Moi, je pense le savoir.
Nous nous retournons tous deux : c'est André qui a prononcé ces mots. Mais son visage attire mon attention : il est pâle comme celui d'un mort, ses yeux sont rougis et ses joues plus creuses qu'à l'accoutumée. Et, étrangement, je m'en inquiète :
- André ? Tu es sûr que ça va ?
- Oui, merci, George. Pour trouver la Clé, il faut que nous retournions à Paris.
- Je suis disposé à te croire mais pourrais-tu t'expliquer ?
- Réfléchis, George. Il n'y a qu'une personne susceptible de nous aider et cette personne est...
- Burckardt !
- Exactement. Et j'ai mieux : je viens de me souvenir que M. Burckardt n'est en rien le descendant de Johan Ludwig Burckardt ! Il porte le même nom mais rien de plus. Je me souviens même qu'il avait suivi un traitement psychiatrique pour qu'il se défasse de cette idée. Et cela avait fonctionné. Or, il s'est présenté à toi comme étant de nouveau son descendant...Cette rechute ne peut s'expliquer que par un fort choc émotionnel. Je ne m'en suis pas aperçu avant mais pour moi, une chose est claire : il n'a pas l'esprit tranquille.
- Nom de nom ! Filons prévenir Medjal !
Aussitôt dit, aussitôt fait. Nous nous précipitons vers le Haut-Lieu et résumons la situation à Medjal. Celui-ci nous approuve et, pour que nous puissions partir au plus vite, nous fait escorter par le jeune Inuhar jusqu'aux portes de la cité rose par un chemin dérobé. Là, au bas des rochers, Mohamed nous attend toujours. Inuhar nous salue après nous avoir souhaité bonne chance puis se sépare de nous. Nous dévalons la pente et, juste le temps d'expliquer à notre ami que nous n'avons pas le temps de traîner, nous montons en selle pour repartir à Amman. Etant donné que Nico n'étais pas très rassurée à l'idée de monter à cheval (André avait fait des progrès fulgurants), Mohamed la prit en croupe...pas de chance pour nous, André.
Arrivés dans la capitale jordanienne, nous prenons congé de Mohamed qui ne nous fait rien payer (car il fait lui aussi partie des Fils de Dûshara, nous l'avons appris sur le chemin du retour) en guise d'au-revoir. J'insiste, ne me souvenant que trop bien de sa nombreuse famille, sur la rive du désert. Il me remet un bracelet de cuir orné de motifs arabes, symbole, selon lui, d'amitié sincère. Je m'en pare avant de filer prendre nos billets pour Paris. Ce faisant, je m'approche d'André et lui murmure à l'oreille :"Bravo, tu as été génial sur ce coup." J'ai droit à un sourire en retour. Après tout, on est tous dans le même pétrin ; autant se serrer les coudes.
Nous arrivons à Paris deux jours plus tard, dans l'après-midi. Le vol nous a semblé durer une éternité. Bien qu'exténués, nous nous ruons chez M. Burckardt, guidés par André, à travers les dédales de la Ville Lumière. Mais là, un triste spectacle nous attend : l'historien est étalé en travers du tapis du salon, de long en large, baignant dans une mare de sang, le corps transpercé par un tisonnier et le crâne fendu par le rebord de la cheminée. Ses yeux sont ouverts, terrifiés, mais sans vie. Voilà le premier mort de cette histoire...pensez à ouvrir le livre de comptes...

Chapitre 15 : Une chevalière.

Nous nous abîmons dans un silence de mort (ce qui paraît normal vu les circonstances) tandis que M. Burckardt nous fixe de ses pupilles noires, glacées, où toute vie semble avoir été absorbée par le néant. Nous sommes arrivés trop tard...mais de peu ! En effet, le corps du malheureux n'est pas encore parfaitement raide, ce qui signifie que sa mort ne doit pas remonter à bien longtemps.
J'entreprends de fouiller le cadavre après m'être précautionneusement couvert les mains de mouchoirs pour ne pas laisser d'empreintes. Il était à présent absolument interdit de faire le moindre faux pas et, pour cela, nous n'étions pas trop de trois. M. Burckardt n'avait rien sur lui, à proprement parler. Mais la chevalière visible à son index droit attira mon attention : elle portait en son centre la représentation minutieuse d'un "P" encastré dans un "D". Sans doute cette chevalière avait-elle une signification particulière..."P" comme Pétra et "D" comme Dûshara, par exemple. Je ne sais pas pourquoi, mais j'ai comme l'impression qu'elle pourrait nous servir dans cette maison. C'est pourquoi je m'en empare doucement, la nettoie à l'aide d'un autre mouchoir puis la met dans ma poche en attendant la suite. Nico et André n'ont rien perdu de la scène même s'ils n'ont soufflé mot. Je me redresse puis me retourne vers eux :
- Cherchez, dans cette maison, le moindre symbole qui puisse ressembler de près ou de loin à celui de cette bague. Fouillez tout de fond en comble !
- Ok, George, me réplique Nico. Je m'occupe de la bibliothèque.
- Moi, poursuit André, je prends d'assaut le hall d'entrée. Et toi, George ?
- Je me charge du salon. Allons-y !
C'est ainsi que chacun de nous se met à fouiner dans chaque recoin, inspectant chaque mur, chaque porte et chaque meuble. Tout à coup, je sursaute : un carillon s'est mis à sonner. Je me retourne pour faire face à une horloge produisant le même son que Big Ben. Je tente de freiner les battements de mon coeur quand, enfin, Nico nous appelle :
- George ! André ! Venez vite !
Nous nous précipitons dans la bibliothèque. Là, au beau milieu des colossales étagères, Nico nous montre l'intérieur d'une cheminée dans laquelle un feu gronde, crachant ses flammes rougeoyantes. Nous nous approchons prudemment. Et, admirablement dissimulé par la noirceur du mur, le même symbole que celui de la chevalière (et de la même taille) se dessine lorsque les languettes de flammes viennent le lécher. C'est à ce moment précis que des sirènes de police se mettent à retentir quelque part au-dehors. La sueur se met à couler de nos fronts : si jamais on nous trouve ici, nous sommes fichus. Je cherche instinctivement quelque échappatoire, une cachette, n'importe quoi, mais qui puisse nous dissimuler. Rien ! Absolument RIEN !!! Et ce symbole ! Comment l'atteindre avec ce mur de flammes ? L'éteindre prendrait beaucoup trop de temps ! Il nous faut trouver un autre moyen, mais lequel ? Déjà, les sirènes se rapprochent. Nico est immobile, André marche à reculons vers une statue représentant la déesse Isis, il me semble, alors que je suis à court d'idées. Les sirènes se rapprochent encore de plus en plus et les voitures auxquelles elles appartiennent ne doivent se trouver qu'à une dizaine de mètres d'ici...Foutu. Tout est foutu.
- André ! Attention !
C'est Nico qui a crié. Je me retourne : André, qui n'avait pas cessé de reculer, venait de percuter le signe Ankh d'Isis. Pendant une fraction de seconde, la statue divine chancelle, prête à aller s'effondrer sur André. Mais, bien au contraire, elle se replace d'elle-même sur le socle qui lui est réservé tandis qu'un déclic se fait entendre. Nouveau demi-tour :
- INCROYABLE !!! Regardez ça !
Le feu de la cheminée ne ronfle plus comme auparavant, il est en train de se faire aspirer par une trappe que seul le signe Ankh peut avoir actionnée. L'accès au mur intérieur est libre, le symbole aussi. Nous nous ruons vers lui : j'applique avec précaution la chevalière sur la paroi. Un lourd mécanisme se fait entendre, juste derrière, et, enfin, le fond de la cheminée se soulève, découvrant un escalier éclairé par des torches. Nous nous y engageons aussi vite que possible ; le passage se referme derrière nous. Il était temps : les voix des policiers sont maintenant parfaitement audibles. Nous descendons les marches de granit, nos pas résonnant sur chacune d'entre elles...

A SUIVRE...

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© Binta 2003-2005