Ce jeu m'a fasciné.
J'y ai retrouvé les ingrédients qui ont fait la magie de ''day of the tentacle'' :
- à part le début un peu linéaire, on a vite accès à un grand ensemble de pièces : on est lâché dans la nature
- de l'humour débile qui fait mouche
- des dialogues longs et savoureux
- des répliques d'Edna pour presque toutes les interactions (même celles qui sont inutiles pour la résolution des énigmes

Et c'est surtout ce dernier point qui m'a manqué dans les point'n click de ces 15 dernières années : la possibilité d'essayer tout et n'importe quoi, et d'avoir une vraie réponse personnalisée (souvent marrante), au lieu d'un ''je ne peux pas faire ça''.

Je me suis éclaté comme un gosse à utiliser mon crayon, mon ketchup et mes ciseaux sur tous les objets du jeu ou presque.

J'y ai joué sur iPad, en français. La VF est fidèle : les jeux de mots sont bien adaptés. Par contre, gros soucis sur le texte-lui même avec des accents perdus, des caractères spéciaux remplacés par d'autres etc. Ca gâche parfois la lecture.

Sur ce support, aucun soucis de sauvegarde (si on quitte brutalement le jeu, on conserve notre position).

Pas de soucis de blocage. Si je reprends l'exemple du commentaire ci-dessus, en cas d'oubli du gobelet, j'ai pu reprendre une nouvelle pièce au même endroit où j'avais trouvé la première.

Je me suis récemment procuré une très belle version collector (poster, soundtrack, making of et livret, que du bonheur ! Pourquoi on nous fait pas de belles versions collectors comme ça, en France ?!) du jeu en Angleterre, et depuis que je l'ai installée, je me régale.

C'est un ''point and click'' exactement dans la lignée des jeux qui ont fondé le genre et pullulaient au début des années 90, au scénario peu linéaire (on peut faire certaines actions avant qu'elles ne soient vraiment nécessaires pour faire avancer l'histoire), des décors variés, des énigmes d'inventaires parfois velues mais jamais échevelées.

On dirige une Edna amnésique dans l'asile du docteur Marcel, un bien vilain personnage qui tient à tout prix à ce que cette pauvre jeune fille ne parvienne jamais à retrouver la mémoire. Après un énième traitement de choc, Edna se retrouve dans une cellule capitonnée, en compagnie de Harvey une peluche de lapin qui lui tient d'ami imaginaire. Le duo de choc se lance alors dans la grande évasion, sans le moindre plan, bien sûr, mais en parvenant à composer avec son environnement et son entourage de façon inattendue et logique. Fini les énigmes capillotractées où on scotch un portable à un chat dans l'espoir d'écouter une conversation se déroulant dans une maison où on n'est pas convié... Non, là pour emprunter le laverie-express (un métro buanderie, omnibus à tous les étages, et qui emmène les pensionnaires autorisés jusqu'en Amérique du sud pour récupérer des insectes pris dans l'ambre fossilisée), il suffit d'un cintre n°2 (gare à vous si c'est le n°3 que vous avez)...

Une très bonne innovation au niveau du gameplay permet de rompre avec la monotonie d'action du jeu : un système de flashback permet d'aller acquérir des compétences dans ses souvenirs d'enfance à des points clef du jeu. Ainsi on ira apprendre à dévisser des vis sans tournevis, mais aussi à imiter des signatures, etc. Ces actions deviennent alors présentes dans l'inventaire et utilisables comme n'importe quel autre objet.

Les décors sont variés, bien en adéquation avec l'univers de base du jeu, c'est-à-dire l'asile psychiatrique. C'est de la 2D, et les animations sont très succinctes (c'est tout juste si le personnage d'Edna lève le bras pour faire une action), voire carrément inexistantes (lorsque Edan saute dans la buanderie : on ne voit pas l'action en question : elle est accrochée à son cintre qui progresse, on clique et pof la voilà en bas), mais ce n'est pas du tout gênant pour suivre ses aventures : au bout d'un moment, on y fait plus attention, exactement comme dans nos anciens jeux, dont les défauts esthétiques se gommaient tout naturellement grâce à l'intérêt.

Les musiques sont agréables et peu répétitives, ce qui est appréciable puisqu'elles passent en boucle dans les environnements qu'on découvre. Un son jazzy décidément à découvrir.

Les voix des personnages sont bien choisies ; les dialogues sont sympas, provoquant au moins aussi autant de sourire que les répliques d'un Guybrush. J'ignore si la version anglaise est fidèle à la version allemande d'origine, ou même ce que donne la traduction du jeu en français, mais je trouve les dialogues bien adaptés et plein d'humour (moins de double sens que dans Vampyre Story, donc moins ''adulte'' mais bien sympathiques quand même). Certains parmi nous trouveront certains dialogues longs et sans le moindre intérêt : pas de problème, ils sont cliquables (bouton droitc de votre souris).

Le scénario est bien étoffé, ce qui allonge très certainement la durée du jeu pour lui en donner une correcte ; la difficulté est modérée, même si certaines actions ne se découvrent à force de persévérance : l'aspect non linéaire de l'aventure permet de passer sur un autre problème quand on butte de trop sur une énigme.

Pour moi, c'est une très bonne (ré)incarnation de point-and-click, moins ''belle'' que certaines réalisations récentes, mais largement plus étoffé et plus agréable à faire du point de vue scénaristique.

Les gros défauts du jeu viennent de son côté rétrogaming point 'n click. Par exemple, les verbes d'action ne correspondent pas forcément ce que vous voulez faire : ''pick up'' permet souvent d'''use''. Et certaines actions auraient pu être intégrées dans les dialogues, pour fluidifier le gameplay.

Là où le côté retrogaming est plus gênant, c'est sur la gestion des sauvegardes, qui revient ici au joueur, à l'ancienne : pas de sauvegarde automatique en cas de bug, comme ce retour intempestif sur le bureau, qui m'a un peu agacée, parce qu'il m'a fallu reprendre une sauvegarde ancienne et refaire pas mal d'actions : j'avais oublié de sauvegarder après chaque avancée significative, un réflexe que j'avais un peu délaissé ces derniers temps, avec tous ces jeux qui proposent de la sauvegarde automatique.

De même, et toujours à propos de sauvegarde : certaines de vos actions peuvent être fatales au gameplay et vous mener dans une impasse définitive : par exemple, si vous n'avez pas le bon gobelet pour ramasser le café au distributeur de boisson, vous ne trouverez pas dans le jeu une seconde pièce de monnaie vous permettant d'en prendre un autre ; donc méfiance : ne pas écraser sa sauvegarde précédente pour sauver après une action semblable, parce que là, c'est tout le jeu qui est à refaire...

Mais ça, c'était un défaut de nos bons vieux jeu d'antan, donc, je plussoie : Edna & Harvey break out me plonge vraiment dans l'atmosphère de jeux Sierra, Lucas Art, Westwood que j'ai tellement apprécié à l'époque, lorsque l'on mettait moins d'argent dans les graphismes (ils étaient moins chers à produire, sur un budget de studio, c'est sûr) pour creuser un peu plus côté énigmes, quantité de lieux à explorer ou scénario...

Au final, Edna et Harvey est un bon jeu d'aventure, pas renversant au niveau graphisme et animation, mais bien fouillé, dans lequel on prend plaisir à partir à la chasse à l'objet ; un jeu qui fait appel à de vieux réflexes de gamer, qui ne se fait pas avec la solution sur les genoux et dont le scénario est assez bien fourni pour tenir en haleine plusieurs jours sans problème.

Je le recommande !