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Waël Amr : La relation avec Focus n'a jamais été celle d'un éditeur envers un développeur
par Xavier Bargue  |  22.02.2020  |  Interview
Waël Amr, directeur de Frogwares
Depuis 20 ans, Frogwares fait le bonheur des joueurs et des holmésiens avec ses jeux d'aventure. En septembre-octobre 2019, quelques nuages sont venus assombrir ce paysage : les jeux du développeur ont été temporairement supprimés de plusieurs plates-formes de téléchargement à cause d'un conflit avec la societe Focus Home Interactive. Depuis, la situation s'améliore progressivement. Nous avons contacté Waël Amr, directeur de Frogwares, pour prendre des nouvelles du studio.

For 20 years, Frogwares has delighted players and Sherlockians with its adventure games. In September-October 2019, some clouds came to darken this landscape: the developer's games were temporarily removed from several download platforms due to a conflict with the company Focus Home Interactive. Since then, the situation has gradually improved. We contacted Waël Amr, director of Frogwares, to inquire about the studio.




Planète Aventure : Les jeux de Frogwares ont été retirés de Steam, du PS Store et d'autres plates-formes numériques à l'automne 2019, avant de réapparaître progressivement ces derniers mois. Que s'est-il exactement passé ?

Waël Amr : Fin 2019, le contrat commercial qui nous liait à Focus Home Interactive a pris fin et les droits d'exploitation des jeux devaient nous revenir sur chaque plate-forme. Mais à notre grande surprise, Focus nous a informés qu'en raison d'un changement de politique interne, les développeurs n'étant plus partenaires de Focus ne bénéficieraient pas d'un transfert automatique des droits d'exploitation de leurs jeux.

En conséquence, les jeux dont nous étions propriétaires ont été retirés de la plupart des boutiques numériques. Pour les réintégrer, nous avons dû tout reprendre à zéro en soumettant de nouveau chaque jeu concerné à un processus de certification et de mise en ligne. Ces processus sont chronophages et coûteux. Tout cela aurait pu être évité car le transfert des droits d'exploitation consiste normalement à remplir un simple formulaire. Focus n'a pas souhaité nous simplifier la tâche.

Bien sûr, nous travaillons dur pour remettre nos titres sur toutes les plates-formes. Ces mauvaises histoires seront bientôt derrière nous. Le jeu Sherlock Holmes : Crimes et Châtiments est déjà revenu sur PS4 et sur Xbox One. Surtout, Frogwares est désormais développeur et éditeur de ses propres jeux, ce qui signifie que nous allons de l'avant avec optimisme et fierté.

Planète Aventure : Frogwares games were removed from Steam, the PS Store and other digital platforms in the fall of 2019, before gradually reappearing in recent months. What exactly happened?

Waël Amr: At the end of 2019, the commercial contract between us and Focus Home Interactive has ended. What that means is that the games title ID's (or keys to the digital storefronts in more colloquial terms) would return to us. However, to our surprise, Focus advised us that due to a new policy, they will not transfer any title – the content ID or title ID – belonging to any developer who has removed all of their games from the Focus catalog.

What that meant is that all the storefronts of our games, which now belong to us, were taken down. If we wanted our games to be sold on digital storefronts again, we had to set the storefronts again and submit new certification processes to resubmit our games. That takes time, money, and manpower. All of this could have been avoided, as transferring a title ID is a matter of filling out a form. But it seems Focus didn't want to do that and made it harder for us to be able to sell the games that belong to us.

Of course, we are bringing back our games to all platforms, and we are putting all that bad stuff behind us. We have already brought back from the dead Crimes and Punishments on PS4 and on Xbox One. Frogwares is now a developer and a publisher too, and that means we are moving on, with optimism and perk.




PA : Focus Home Interactive a toujours été présenté comme l'éditeur des jeux de Frogwares pendant vos dix années de collaboration. Focus et Frogwares n'étaient pas « copropriétaires » des jeux ?

WA : Non, nous avons toujours été les seuls propriétaires de nos jeux. Focus n'a jamais été un éditeur au sens propre du terme, c'était en fait un simple « licencié ». Il faut bien faire la distinction.

Focus Home était autorisé à commercialiser nos jeux : en clair, ils avaient un rôle d'intermédiaires entre nous et les distributeurs, notamment auprès des boutiques physiques. Sur chaque jeu vendu, ils percevaient l'ensemble des revenus puis nous reversaient ce qui nous était dû après avoir prélevé leur part, ce qui est normal.

La relation de Focus envers Frogwares n'a donc jamais été celle d'un éditeur envers un développeur, contrairement à ce qui a souvent été dit à ce sujet. Un éditeur est généralement un investisseur qui détient les droits de propriété intellectuelle sur les jeux qu'il parraine. Ce n'était pas le cas pour nous, que ce soit avec Focus ou les autres licenciés avec lesquels nous avons travaillé. Nous avons toujours été les uniques propriétaires de nos jeux et les seuls à en assurer les risques financiers.

PA : Focus Home Interactive has always been presented as the publisher of Frogwares games during your ten years of collaboration. Focus and Frogwares were not "co-owners" of the games?

WA : No, we have always been the sole owners of our games. Focus has never been a publisher in the true sense of the term. It’s very important to draw a line between licensees and publishers, because they are very different.

Focus Home was licensed to only commercialize our games – that means we agreed they would serve as an intermediary between us and local distributors and stores. On each game sold, they received all of the income and then returned the revenue to us after having taken their share, of course.

It needs to be clear it wasn’t a “developer and publisher” situation. A traditional publisher is usually an investor which holds the rights to the IP they sponsor. This was absolutely not the case for us and the licensees we have worked with. We have always been the sole owners of our games and the only ones to insure the financial risks.




PA : Quelles sont les autres intermédiaires avec lesquels Frogwares a travaillé ? Ont-ils eu une influence quelconque sur les choix artistiques de vos jeux ?

WA : Nous sommes sur le marché depuis 20 ans et nous avons passé des accords avec plus de 40 licenciés. On peut mentionner Koch, Ubisoft, Activision, Maximum Games, 1C, Sony, Microsoft ou encore Nintendo pour ne citer que les principaux. Aucune de ces sociétés n’a influencé de manière significative la production ou la qualité de nos jeux.

Bien sûr, bénéficier du travail d'un véritable éditeur peut être utile pour les entreprises qui souhaitent se concentrer uniquement sur le développement de leurs jeux. Elles peuvent alors laisser leur éditeur gérer certains choix, notamment marketing et commerciaux. Cela donne plus de pouvoir à ces développeurs, mais nous n'avons jamais pensé que cela pourrait convenir à notre entreprise.

PA : What other licensees has Frogwares worked with? Did they have any influence on the artistic choices of your games?

WA : We have been on the market for 20 years and have signed commercial agreements with more than 40 licensees. We can mention Koch, Ubisoft, Activision, Maximum Games, 1C, Sony, Microsoft or Nintendo to name only the main ones. We can confidently say none of them influenced the production or content quality of our games in any significant way.

Don’t get me wrong, we can see how traditional publishers can still be important for the market and for companies who want to focus on game development, and let their publisher handle marketing and business decisions. This gives more power to those developers, but we never thought it would suit our company.




PA : Vous disiez précédemment que Frogwares est désormais développeur et éditeur de ses jeux. Vous n'aurez donc plus besoin de faire appel à des intermédiaires à l'avenir ?

WA : Exactement. Avant l'ère numérique, il était obligatoire d'avoir un licencié ou un éditeur pour accéder au commerce de détail, qui était alors le seul canal de distribution des jeux. Le marché s'est construit de cette façon : à l'époque, en tant qu'entreprise indépendante, avons été contraints de passer nous aussi par ces intermédiaires.

Le marché a continué de fonctionner de cette manière jusqu'aux années 2010, lorsque la distribution dématérialisée a commencé à gagner des parts de marché puis à rattraper le commerce de détail. Les vieilles habitudes ont néanmoins perduré car il était en quelque sorte implicite que les développeurs ne pourraient pas publier leurs jeux eux-mêmes, en particulier sur les consoles.

Désormais, avec la généralisation des plates-formes numériques, les éditeurs traditionnels perdent de leur puissance et de leur valeur pour les développeurs. Ils ne sont plus des intermédiaires incontournables pour assurer la distribution. En tant que développeurs, nous pouvons désormais configurer notre propre boutique, faire notre propre marketing, promouvoir nos jeux à notre manière et choisir le moment de leur parution sans dépendre des préférences d'un éditeur. Les plates-formes numériques comme Steam nous permettent de parler aux joueurs et de leur vendre directement notre produit. Cela nous offre la liberté créative et financière dont nous avions besoin.

Nous sommes finalement comme un petit magasin de cupcakes capable de vendre nos délicieux petits gâteaux via Internet directement dans les assiettes des clients ! Nous n'avons plus besoin d'intermédiaires pour distribuer nos produits aux clients en l'échange d'un pourcentage du prix de vente. Nous avons franchi ce pas avec The Sinking City sur Nintendo Switch, que nous avons nous-mêmes publié en septembre 2019. Bien sûr, nos prochains jeux seront à la fois développés et publiés par Frogwares.

PA : You said earlier that Frogwares is now a developer and a publisher of its own games. So you will no longer need to use licensees anymore?

WA : Exactly. Before the digital era came, it was mandatory to have a licensee or a publisher to do retail - which was the only way to sell games. The market was just built this way, and we, being an independent company, were forced into these relationships.

The market had been like this for many years, until the 2010's when digital distribution started gaining weight and eventually caught up with retail. However, for a long time the old habits prevailed and it was sort of understood that developers cannot publish games themselves, especially on consoles.
Now with digitization, traditional publishers are losing their power and value to developers. They are no longer essential intermediaries for distribution. As developers, we can now configure our own storefronts, do our own marketing, promote our games in our own way and choose the time of their release without depending on the preferences of a publisher. Digital platforms like Steam allow us to talk to players and sell our product directly to them. This gives us the creative and financial freedom we need.

We are like a little cupcake store that can sell our delicious cupcakes via the Internet straight to customers' plates! We no longer need intermediaries to distribute our products to customers in exchange for a percentage of the sale price. Our first step in this direction was The Sinking City on the Nintendo Switch which we published ourselves in September 2019. Of course, our next games will be both developed and published by Frogwares as well.




PA : Au total, combien de jeux ont été vendus par Frogwares depuis sa création il y a 20 ans ?

WA : Dans l'ensemble, nos jeux Sherlock Holmes se sont vendus à plus de 8 millions d'exemplaires. Les ventes de Crimes et Châtiments ont retrouvé un bon rythme de croisière depuis le retour du jeu sur les boutiques en ligne. The Sinking City s'est également très bien vendu, c'est le titre de Frogwares le plus rapidement vendu à ce jour. C'est très rassurant car il s'agit d'une nouvelle licence. Tout bien considéré, on s'en sort plutôt bien !

PA : How many games have been sold by Frogwares since its creation 20 years ago?

WA : Overall, our Sherlock Holmes games have sold over 8 million units altogether. After we put Crimes and Punishments back online, it has been selling pretty well. The Sinking City has also performed very well, it is the title of Frogwares the most quickly sold to date, which is a huge deal to us because it is a new license. All things considered, we are doing pretty good




PA : En somme, Frogwares n'a pas été trop fragilisé par le retrait temporaire de ses jeux des plates-formes numériques ?

WA : Nous avons la chance d'avoir désormais un large catalogue, ce qui signifie que nous bénéficions d'un flux régulier de revenus. Contrairement aux entreprises qui démarrent, nous avons à la fois de la trésorerie et un chiffre d'affaires régulier. Nous sommes donc sereins sur le plan financier, bien plus que par le passé.

PA : Finally, the financial impact of the withdrawal of the games was not too serious for Frogwares?

WA : We are fortunate to now have a large catalog, which means that we benefit from a steady stream of income. Unlike some companies that start off, we have cash reserves and income streams coming in at once. Financially, we are in a good position, way better than we used to be.


PA : Quels sont désormais les nouveaux projets sur lesquels Frogwares travaille depuis la sortie de The Sinking City l'an dernier ?

WA : Il y a toujours de nouvelles choses à faire, on ne s'ennuie jamais. Tout d'abord, nous réfléchissons à la vente de nos jeux sur de nouvelles plates-formes et dans de nouveaux pays. Nous allons introduire The Sinking City sur le Nintendo eShop à Hong-Kong.

Et bien sûr, il y a d'autres projets de plus grande envergure. Nous travaillons activement sur un nouveau jeu. Ce sera notre plus grande réalisation jusqu'à maintenant, mais à ce stade nous ne sommes pas encore prêts à en dévoiler les détails. Je peux simplement vous dire que ce jeu s'inscrira parfaitement dans notre ADN : il s'agira d'un thriller policier immersif en solo, disposant d'une nouvelle approche narrative. Si vous appréciez notre travail ou si vous aimez les aventures riches en action et en histoires, restez attentif aux prochaines annonces !

PA : What are now the new Frogwares projects after the release of The Sinking City last year?

WA : We are always working on new projects, and now we are thinking of expanding our games to more regions, make them more accessible in more regions. We will start by bringing The Sinking City to recently available Nintendo eShop in Hong Kong.

Of course, there’s more. In fact, we are actively working on something new – which will be our biggest game up to date, but at this stage we are not ready to share the details. This new game will go in line with our identity – an immersive single player detective thriller, but it will be a completely new perspective at storytelling. If you like what we do, or if you are into story rich action adventures, keep an eye out!