[Interview rétro] Les Rocks Stars du Jeu d'Aventure - 1990

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Flappie
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[Interview rétro] Les Rocks Stars du Jeu d'Aventure - 1990

Message par Flappie »

Bonjour à toutes et à tous ! :)

Après avoir traduit en amateur et en français les jeux Jolly Rover (pour le compte du défunt site Patch-FR.com) et Primordia (en collaboration avec ses créateurs), je vous propose cette fois-ci la traduction d'un article qui vaut son pesant de cacahuètes. Publié le 16 février dernier par le blogueur Jimmy Maher, véritable archéologue vidéoludique, il contient la transcription d'une discussion en ligne tenue en 1990 entre de grands auteurs des jeux d'aventure de cette époque. Bref, c'est une incroyable machine à remonter le temps pour nous autres !

Je passe la main à Jimmy, en vous souhaitant une très bonne lecture ! :book:


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Crédits :
Introduction, arrangements et notes de bas de page par Jimmy Maher (lien vers l’article original).
Traduction française et notes de traduction : Flavien Gaillard a.k.a. "Flappie".
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Les Rocks Stars du Jeu d'Aventure en Conférence Live

Le 24 août 1990, CompuServe hébergeait une discussion en ligne ayant pour thème la conception de jeux d'aventure à laquelle étaient notamment présents Ron Gilbert, Noah Falstein, Bob Bates, Steve Meretzky, Mike Berlyn, Dave Lebling, Roberta Williams, Al Lowe, Corey et Lori Ann Cole, et Guruka Singh Khalsa. Il va sans dire qu'il s'agissait d'une incroyable réunion de stars du jeu d'aventure. A vrai dire, je ne pense pas avoir eu connaissance d'une autre réunion de ce type et de cette importance, qu'elle eut lieu en ligne ou non. Bob Bates, devenu un grand ami de ce blog à plus d'un égard, a retrouvé une transcription de cette conférence enterrée dans quelque coin sombre de son disque dur, et a eu la gentillesse de me la faire parvenir afin que je puisse la partager avec vous en ce jour.

Si vous êtes un lecteur régulier de ce blog, vous connaissez probablement tous les noms que je viens de lister, sauf peut-être celui de Khalsa. Toutefois, pour que vous situiez mieux cette chose dans le temps, laissez-moi prendre le temps d'expliquer où chacun(e) d'entre eux était rendu(e) et ce sur quoi il ou elle travaillait en ce mois d'août.

Ron Gilbert et Noah Falstein étaient chez Lucasfilm Games (qui fut renommé LucasArts peu de temps après). Gilbert avait déjà créé le classique Maniac Mansion quelques années auparavant, et était sur le point de voir publier sa création la plus chère, qui aura un impact important sur ses confrères designers et plus généralement sur les joueurs : The Secret of Monkey Island. Falstein avait conçu Indiana Jones and the Last Crusade pour Lucasfilm en 1989. En outre, leur éditeur venait de publier Loom de Brian Moriarty, dont l'interface radicalement simplifiée, la courte durée, et la relative simplicité des puzzles ont soulevé moults débats à l'époque.

Bob Bates, Steve Meretzky, Mike Berlyn, et Dave Lebling avaient, au cours de la précédente décennie, écrit pour divers jeux sous la bannière de la regrettée Infocom. Bates avait récemment co-fondé le studio Legend Entertainment, où il préparait son propre jeu Timequest et s'apprêtait à publier d'une semaine à l'autre Spellcasting 101: Sorcerers Get All the Girls, premier jeu post-Infocom de Meretzky, et tout premier jeu de Legend Entertainment. Berlyn était toujours du métier après son départ d'Infocom en 1985, ayant notamment créé Times in Tonetown pour Interplay. Il terminait une épopée de science-fiction nommée Altered Destiny chez Accolade, et allait bientôt s’embarquer dans la réalisation des jeux Les Manley, deux clones de Leisure Suit Larry, pour le compte du même éditeur. Lebling était dans ce qu'on pourrait appeler une impasse après la fermeture d'Infocom l'année précédente, et il n’était pas certain de vouloir rester dans l'industrie du jeu vidéo. Il se résoudra finalement à raccrocher le tablier, et ne participera à la conception d'aucun autre jeu.

Roberta Williams, Al Lowe, Corey et Lori Ann Cole, ainsi que Guruka Singh Khalsa travaillaient tous chez Sierra. Williams était sur le point d'achever la création de son dernier King's Quest, le premier à employer des graphismes VGA en 256 couleurs et une interface pointer-et-cliquer, et le premier publié sur CD-ROM car doté de dialogues audio. Le couple Cole allait terminer Quest for Glory II: Trial by Fire, qui sera le dernier jeu EGA en 16 couleurs de Sierra, et le dernier doté d'un interpréteur. [NdT : le fameux parser] Al Lowe était, comme à son habitude, en plein développement de son prochain jeu Leisure Suit Larry, qui employait lui aussi le tout nouveau tout beau moteur de Sierra, dépourvu d'interpréteur.

Khalsa se trouve être l'unique non-designer du groupe, et comme dit précédemment, le seul dont le nom ne dit probablement rien à mes lecteurs de longue date. Il était l'un de ces héros méconnus que l'on croisait dans les coulisses auprès de nombreux développeurs. Chez Sierra, il jouait un rôle somme toute comparable à celui que jouait l'indispensable Jon Palace chez Infocom. En tant que "producteur" des jeux d'aventure Sierra, il s'assurait que les designers bénéficiait de l'aide nécessaire. Agissant comme un tampon entre eux et le personnel plus orienté "business", il menait sa barque pour améliorer leurs jeux de multiples façons. Fidèle à son rôle d'homme de l'ombre, il ne répond ici qu'à une seule question.

Nous retrouvons tous ces participants aux prises avec les nombreuses tensions qui ont émaillé leur domaine en 1990 : le besoin urgent d'attirer de nouveaux joueurs afin de surmonter l'escalade des budgets de développement, l'arrivée menaçante du CD-ROM et d'autres nouvelles technologies disruptives, le destin du texte à l'aube de cette nouvelle ère multimédia, la frustration de ne pas toujours être en capacité de créer des œuvres novatrices ou marquantes, à cause d'un public qui, dans l'ensemble, paraît se satisfaire des habituels jeux de fantasy ou d'humour. Il est intéressant de découvrir comment les designers, chacun de leur côté, répondent à ces problèmes ; au même titre qu'il est intéressant de voir comment ces réponses se sont concrétisées dans les jeux. A mille lieux de la pensée unique, le groupe échange avec fougue sur de nombreux thèmes.

J'ai nettoyé la transcription qui suit pour la rendre lisible, en supprimant un paquet de commentaires hors-sujet, en corrigeant l'orthographe et la grammaire, en retouchant légèrement l'ordre du flot des paroles afin d'apporter plus de cohérence à l'ensemble. J'y ai également ajouté quelques annotations à des fins de clarification, ou pour y placer mes commentaires. Toutefois, j'ai veillé à ne pas céder à la tentation de dogmatiser les propos tenus. Vous connaissez tous déjà mon opinion sur les nombreux sujets abordés ici. Aujourd'hui, je laisse la parole aux designers. J'espère que vous trouverez leur conversation aussi intéressante et satisfaisante qu'elle fut pour moi.

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C'est le moment de répondre aux questions. Avant de commencer, je tiens à remercier Eeyore, Flying Gerbil, Steve Horton, Tsunami, Hercules, Mr. Adventure, et Randy Snow pour m'avoir soumis leurs questions... et je leur demande de m'excuser pour les avoir quelques peu transformées. Et maintenant - roulement de tambour... allons-y pour la première question !

Projetez-vous cinq ans plus tard, avec en tête tous les développements technologiques qui incluent les CD-ROM, des machines plus puissantes, etc. Décrivez à quoi ressemblera le jeu d'aventure "idéal". En quoi sera-t-il différent des jeux d'aventure actuels ?


Roberta Williams : Je pense que "cinq ans plus tard" peut être ramené à un an ou deux seulement. Les jeux d'aventure qui seront publiés dans un an ou deux bénéficieront de graphismes, d'une jouabilité et de sons de qualité "professionnelle", et cela va perdurer — l'avènement de la standardisation, si vous préférez. Comment faire mieux que de images réalistes au point de ressembler à des peintures ou à des photos ? Comment faire mieux que des voix et des musiques enregistrées en qualité CD ? Comment faire mieux que des animations capturées par une caméra ou créées par un animateur professionnel ? Voilà le genre de jeux d'aventure que le public entreverra dans un an ou deux. Quand les jeux d'aventure atteindront un certain degré de sophistication tant dans leurs graphismes que dans leur jouabilité, la standardisation va s'imposer ; et cela sera une bénédiction pour tous, pour les clients comme pour les développeurs. Après ça, les pistes d'amélioration se résumeront à la performance d'exécution sur telle ou telle machine ; le look des jeux, lui, restera le même pour un bon bout de temps.

Dave Lebling : Mais si ces merveilleuses images et ces sons Hi-Fi sont propulsées par un interpréteur poussif, ou une utopique "interface sans interpréteur", s'agira-t-il d'une grande amélioration ? Je ne crois pas. Nous pourrions tout à fait dépenser 2 millions, voire 5 millions, pour développer une version plus jolie de Colossal Cave. Améliorons plutôt l'histoire et l'interface ! Cela ne veut pas dire qu'on devrait se contenter d'aventures textuelles, mais ne réduisons pas les jeux d'aventure à leurs graphismes.

Steve Meretzky : Je pense que, dans le futur, la portée des jeux ne sera pas limitée par le matériel, mais plutôt par le marché. A moins que le marché des jeux d'aventure ne s'étende, il ne sera pas viable, économiquement parlant, de créer des environnement extra-larges, alors même que le matériel sera capable de les gérer.

Mike Berlyn : Je pense que la technologique permet de créer des produits qui donnent un cap au marché et séduisent de nouveaux clients — des gens dont le besoin, ou le désir, est de vivre une expérience qu'ils ne peuvent vivre que sur ordinateur. Dans le futur, j'aimerais explorer le "scénario" comme une structure, chose encore impossible à ce jour en raison de l'état des technologies actuelles. Le scénario ne pourra devenir une variable que quand le stockage sera accru et que les moteurs seront plus évolués. Je verrais bien un scénario devenir un réseau de possibilités.

Corey et Lori Ann Cole : Nous espérons nous aussi que les améliorations porteront sur l'histoire, la conception, et l'apparence : des histoires plus riches, des interactions plus réalistes entre les personnages, etc. Passé un certain point -que nous avons déjà atteint-, la technologie, n'a plus vraiment d'importance. En revanche, la créativité et la bonne compréhension des différences entre "films interactifs" et jeux a une grande importance ! L'industrie s'oriente désormais vers les auteurs et les designers professionnels, et cela va dans le bon sens.

Ron Gilbert : Je pense que le scénario n'a rien à voir avec le technologie. Ils n'ont quasiment aucun rapport l'un avec l'autre. Ce ne sont ni les CD-ROM, ni le VGA qui feront la différence ; c'est apprendre comment raconter une histoire. N'importe qui doté d'un peu de talent peut raconter une superbe histoire au format 160 x 200 pixels, 4 couleurs, et faire tenir son jeu sur deux disquettes.

Roberta Williams : Je n'ai pas dit qu'il n'était pas important de disposer d'un bon scénario ! Bien sûr que c'est important.

Dave Lebling : Je ne te prêtais pas ces propos. Tu connais très bien le sujet ! Je pense simplement que l'importance que l'on accorde à l'apparence tient au fait que nous savons déjà comment soigner l'apparence d'un jeu. Donnez-nous une machine plus puissante ou un lecteur de CD-ROM, et hop! un jeu à l'apparence léchée ! Là où nous pêchons encore, c'est sur le scénario. Je ne crois pas que les scénarios actuels fassent plus "réels" que ceux d'il y a cinq ou huit ans. Seront-ils meilleurs dans cinq ans ? Je l'espère mais j'en doute. Nous ne pouvons nous contenter de copier les autres médias sans nous concentrer sur l'interactivité et les contrôles qui rendent le nôtre si particulier. Si nous travaillons à l'amélioration des contrôles et à l'illusion que ce sur quoi nous interagissons est aussi riche que la réalité, alors nous serons capables de réaliser une chose qu'aucun autre média ne peut proposer.

Corey et Lori Ann Cole : Nous n'avons jamais utilisé l'ordinateur comme un véritable médium. [NdT : singulier de média(s)]

Steve Meretzky : Vous ne l'avez donc jamais utilisé pour contacter le monde des esprits ? [note 1]

[note 1] Une des choses que je préfère dans cette transcription est le don de Steve Meretzky et Al Lowe pour sortir ces blagues stupides, et le fait que tout le monde les ignore royalement. Je pourrais presque entendre les gens soupirer…

Corey et Lori Ann Cole : Certaines choses réalisables sur un ordinateur ne peuvent l'être sur les autres médias. Malheureusement, la tendance est à l'abandon de l'ordinateur au profit des photos scannées et des techniques d'animation traditionnelle issue des films. [note 2] Si cette tendance se confirme, il risque de se passer un long moment avant que nous réalisions vraiment ce qui ne peut être accompli que par un ordinateur. Un petit exemple : le très critiqué système de sauvegarde, technique merveilleuse de voyage dans le temps -et dans l'esprit-, peut devenir un outil précieux plutôt qu'un besoin impérieux.

[note 2] Il est intéressant de noter que la tendance que les Cole déplorent est précisément la direction que Sierra, leur employeur, était en train d'imposer de manière brutale. Les Cole se trouvèrent ainsi à nager à contre-courant en concevant leurs jeux à leur manière. Ce n'est peut-être pas une coïncidence si leurs jeux furent les meilleurs jeux Sierra de cette période.

Bob Bates : Je suis d'accord. Vous ne pouvez pas demander à un peintre de l'Art Institute de Chicago de peindre une autre scène. Vous ne pouvez pas demander à un chanteur du Met de changer sa chanson. (Enfin si, vous pouvez, mais vous n'obtiendrez qu'un froncement de sourcils.) L'essence d'un jeu sur ordinateur est le fait que c'est le joueur qui contrôle l'action. L'intérêt de créer de belles musiques et de beaux graphismes est d'aider le joueur à se sentir investi dans le jeu.

Je remarque que bon nombre de jeux sortis récemment proposent 256 couleurs. Cela veut-il dire que le VGA en 256 couleurs va devenir le standard ? Quelqu'un a-t-il déjà envisagé de réaliser un jeu au format 640 x 480 pixels et 256 couleurs ? Et comment connaître la configuration moyenne du PC des joueurs ?

Bob Bates : L'étude de marché qui vise à identifier le matériel des joueurs est abominable. En ce qui nous concerne, nous publions nos jeux en EGA haute-résolution, ce qui nous permet d'afficher de très bons graphismes sur un standard assez répandu, ainsi que des textes dotés de jolies et fines lettres en lieu et place des grandes lettres grossières et démodées.

Steve Meretzky : Je reçois souvent des lettres grossières de ma tante Matilda.

Guruka Singh Khalsa : Nous avons fait des recherches pour déterminer le parc matériel des joueurs, et il s'avère qu'un nombre important des clients de Sierra disposent de cartes VGA ; environ 60% à ce jour. Pour ce qui est du 640 x 480 en 256 couleurs : il n'existe aucun standard matériel supportant cette résolution puisqu'il ne correspond à aucun mode VGA officiel. Vous ne pourrez voir de jeux supportant cette résolution que quand les moteurs auront gagné en puissance — il en faut pour animer tous ces pixels ! — et quand elle sera devenue un mode VGA officiel. L'ensemble des cartes SVGA utilisent des jeux de fonctions quelques peu différentes.

Dave Lebling : Le PC standard d'entreprise est un 386 VGA doté de 2 ou 4 mégas de mémoire, et d'un disque dur de 40 mégas. Or le standard familial rattrape généralement le standard d'entreprise au bout d'une poignée d'années. Et cela va arriver vite, du fait de l'interface Windows.

Certain(e)s d'entre vous prévoient-ils (elles) de ne plus développer que pour l'environnement Windows, ou du moins d'en tirer parti ?

Dave Lebling : Le public adopte massivement Windows, qui est ainsi en passe de se retrouver leader du marché. Le dernier Windows en date est le premier à permettre la création de logiciels de qualité professionnelle. Il s'est vendu 1 million de copies de Windows. Il est encore trop tôt pour y miser gros. Cela arrivera dans quelques années, quand le portage sera facilité, qu'une interface graphique aura été créée, avec de la mémoire virtuelle, etc., etc. Mais il est encore trop tôt.

Avec l'arrivée des interfaces sans interpréteur et des sons numérisés, il semble que le texte pourrait bien complètement disparaître des jeux d'aventure. A l'origine, évidemment, les jeux d'aventure n'étaient basés que sur du texte. Qu'a-t-on gagné et qu'a-t-on perdu au passage ? Est-ce que les jeux d'aventure vont conserver cet aspect "littéraire" du jeu vidéo ?

Bob Bates : Il est évident que, dans le métier, le texte est devenu un genre de gros mot. Mais je crois que le vrai problème a toujours été le clavier, une vraie barrière pour les personnes étrangères à la saisie. Ajoutons à cela les problèmes posés au joueur par un designer qui ne tient pas compte des autres périphériques de saisie existants pour permettre la résolution des puzzles. Je pense que les jeux afficheront toujours du texte à l'écran. Nous espérons avoir répondu aux attentes avec notre nouvelle interface, mais il est difficile d'obtenir des retours dans la mesure où notre premier jeu ne sortira pas avant au moins un mois...

Corey et Lori Ann Cole : Le texte ne disparaîtra pas. Et pourquoi le faudrait-il ? Les jeux en mode texte cohabiteront avec les jeux dépourvus d'interpréteur et les jeux sans texte. Et à quoi bon être un jeu "littéraire" ? Être un jeu divertissant est le plus important ! J'aime les mots. Lori aime les mots. Mais les mots ne suffisent plus quand on aime aussi manger — et nous aimons manger. Nous aimons aussi les graphismes et la musique, et d'autres choses tout aussi divertissantes, donc ça n'est en aucune cas une perte.

Roberta Williams : Il est vrai que dans les livres, les histoires peuvent être plus développées, qu'elles peuvent impliquer d'avantage le lecteur, et s'avérer plus intéressantes que dans les films. Je crois qu'il y a encore de la place pour les livres interactifs. Gageons qu'il existe une entreprise qui omettra la partie "vidéo" pour ne plus se concentrer que sur de bonnes histoires textuelles et interactives. Elle proposera ainsi des histoires plus développées que celles des jeux d'aventure graphiques. Les jeux d'aventure de demain vont commencer à ressembler à des films interactifs. L'industrie du cinéma est un business plus lucratif que l'industrie du livre. Le business du jeu d'aventure va, dans l'ensemble, suivre cette tendance. A ce jour, les jeux d'aventure sont les jeux vidéo les plus littéraires qui soient, mais cela pourrait changer dans la mesure où le texte va perdre du terrain dans les années à venir, remplacé par les dialogues audio, les effets sonores, et l'animation. Mais je prédis qu'un jour, un studio saisira l'énorme opportunité de proposer à nouveau des livres interactifs très bien écrits et réalisés. Il visera une audience plus modeste, mais qui vaudra les efforts investis.

Dave Lebling : Je te trouve bien optimiste au sujet d'un hypothétique studio qui ne produirait que des produits basés sur le texte. Nous délaissons les livres interactifs au profit des films interactifs. Je ne suis guère optimiste quant à la survie *commerciale* du texte, à une ou deux exceptions près. [note 3] Contrairement à la science-fiction, vous n'êtes pas obligé de suivre une tendance jusqu'à ce qu'elle devienne asymptotique. Le texte ne disparaîtra pas, mais son rôle sera réduit dans les succès commerciaux. Les graphismes et les sons resteront à jamais.

[note 3] Ce n'est probablement pas ce que la plupart des participants voulaient entendre, mais cela reste la prédiction la plus juste de toute cette soirée. Notez que Lebling ne se contente pas de prédire le déclin commercial des jeux d'aventure en mode texte ; il prédit également qu'ils survivront sous la forme d'un hobby. L'emphase sur le mot "commercial" est d'origne.

Al Lowe : Avec l'arrivée des dialogues audio, c'est comme si tous ces merveilleux inserts de dialogue avaient disparu ! Vous savez, ceux-là même qui rendent les films muets si littéraires ! Nous parlons d'un média visuel ! Il n'y a pas de demande pour des films muets ; la plupart des américains ne sont même pas capables de regarder un film en noir et blanc. Oui, les jeux textuels sont plus "littéraires". Et alors ?

Mike Berlyn : En ce qui concerne l'avenir du texte, je parie qu'il ne disparaîtra pas. Mais je doute qu'il soit indispensable à ce genre de jeux. Le jeu d'aventure que je suis en train d'achever ne comporte que très peu de texte, et son rôle se résume à rappeler ce qui se passe à l'écran, ainsi qu'à améliorer l'expérience de jeu en proposant la saisie de mots au joueur. Je maintiens qu'il n'est pas indispensable. J'ai réalisé deux projets de jeux complètement dénués de textes, bien qu'aucun des deux ne se soient concrétisés.

Bob Bates : Je ne pense pas que la disparition du texte en sortie pose problème au designer ; je pense que c'est celle du texte en entrée qui lui coûte. Il est difficile de créer des puzzles ardus qui peuvent être résolus à l'aide de la seule souris. Et sans puzzles — sans puzzles ardus — vous ne faites que regarder un film sur un tout petit écran. Les jours du jeu d'aventure textuel sont comptés. Les graphismes sont là pour rester, et ce n'est pas une mauvaise chose, tant qu'ils apportent quelque chose à l'histoire plutôt qu'ils ne la remplacent.

Nous connaissons déjà les jeux d'aventure basés sur la fantasy, la science-fiction, les mystères, ou encore sur l'humour. Prévoyez-vous d'aborder de nouveaux thèmes ? Est-ce que certains sujets ou thèmes qui vous sont chers n'ont pas encore eu la chance d'apparaître dans un jeu d'aventure ?

Al Lowe : J'avais un concept de jeu qui se déroulait à Wall Street, mais pour une raison qui m'échappe, je ne parviens pas à sortir de ma routine Larry. Par ailleurs, j'aimerais bien faire un jeu sérieux — un truc dépourvu de gags, rien que pour voir si j'en suis capable. Une romance sérieuse m'irait bien, aussi.

Roberta Williams : Il devrait exister pour les jeux d'aventure autant de contextes ou de thèmes qui figurent déjà dans les livres et les films de fiction. Après tout, un jeu d'aventure n'est qu'une histoire interactive parsemée de puzzles et d'exploration. Il existe de nombreux thèmes que j'aimerais aborder, et que j'aborderai peut-être un jour : un jeu ou une série de jeu sur l'Histoire, un jeu d'horreur, un jeu abordant l'archéologie, ou même le western. Entre deux King's Quest, bien entendu.

Noah Falstein : J'ai toujours voulu créer un jeu basé sur le voyage dans le temps, avec pour principes l'absence de sauvegarde manuelle — la sauvegarde serait traitée comme une fonction automatique gérée par la machine à voyager dans le temps, l'opportunité de rencontrer son propre personnage dans le futur, puis dans le passé, et la possibilité d'y revenir encore et encore, sans aucune limite, et pouvoir changer à chaque fois le cours des choses. Évidemment, si j'en parle, c'est parce que nous avons — moi, et d'autres ici présents — grillé nos cervelles en cherchant un moyen de réaliser ce tour de force. Et on préfèrerait qu'un autre s'y colle pour que le projet soit un succès, ou alors qu'il s'épuise à la tâche à notre place.

Encore et encore, sans aucune limite ? Ça demanderait beaucoup de mémoire, non ?

Noah Falstein : Récursivité !

Dave Lebling : Ça alors, mon rêve, c'est ton rêve ! J'ai toujours voulu faire un jeu basé sur la Guerre des Modifications de Fritz Leiber. [NdT : guerre temporelle décrite dans le roman The Big Time] Vous voyez le genre ? "Demain, on y retourne et on atomise la Rome antique !" Et le plus drôle, c'est que je me suis toujours heurté au même problème que toi.

Mike Berlyn : Mon rêve, c'est de finir un jeu que mon épouse Muffy et moi-même avions commencé pour — snif ! — la regrettée Infocom. C'était un jeu ancré dans le réel dont le personnage principal explorait des vies parallèles/multiples, et rencontrait des personnages qu'il connaissait déjà mais qui étaient différents à chaque fois. Ainsi, leurs relations étaient chaque fois différentes, de même pour le scénario, et leurs vies interagissaient toujours de façons différentes.

Steve Meretzky : Dans mon rêve, on sonne, j'ouvre, et Goldie Hawn se tient devant moi et porte une... oh, nous parlions de jeux d'aventure, c'est bien ça ? Beaucoup de genres que je m'apprêtais à mentionner viennent d'être abordés. Faire un jeu ancré dans l’Histoire me plairait. Je sais que Stu Galley a toujours voulu réaliser un jeu vous permettant d'incarner Paul Revere en avril 1775. [NdT : figure de la révolution américaine] Moi, je publierai un jeu basé sur le Titanic avant que la mort ne m'emporte. [note 4] Et dans ma quête perpétuelle d'offenser chaque homme, femme et enfant de l'univers, j'aimerais écrire un jour une Bible interactive, qui s'avèrerait être une comédie irrévérencieuse, bien sûr. Et j'aimerais aussi voir une collection de jeux d'aventure au format "histoires courtes" afin de caser toutes ces petites idées qui ne permettent pas de faire un jeu complet. [note 5]

[note 4] L'obstination de Steve Meretzky à vouloir réaliser un jeu autour du Titanic — projet qu'il a proposé à l'ensemble des éditeurs avec lesquels il a travaillé — est devenu une private joke dans le milieu. Chaque éditeur sollicité lui rétorquait qu'il n'existait pas de marché pour un tel jeu. Lorsque le Titanic de James Cameron (1997) est devenu le premier film du box office à atteindre le milliard de dollars de recettes, et qu'un modeste et obscur jeu nommé Titanic: Adventure Out of Time, conçu par une autre équipe, a surfé sur la vague en se vendant à 1 million d'exemplaires, les accusations n'ont pas tardé à fuser du camp Meretzky. Mais en vain : à ce jour, Steve n'a toujours pas réalisé son propre jeu Titanic. D'un autre côté, il lui reste pas mal d'années à vivre. Il a encore le temps de tenir sa promesse...

[note 5] Meretzky avait déjà proposé ces deux idées à Infocom, sans succès. A plus long terme, l'un de ses voeux se réalisera, non sous la forme d'un jeu spécifique, mais sous la forme d'une mode. Les "histoires courtes" sont devenues la norme dans les fictions interactives modernes, en grande partie grâce à la Compétition de Fiction Interactive, dont le règlement stipule qu'un candidat peut proposer une fiction qui se termine en deux heures seulement.

"Bible Quest: Alors Comme Ça, Tu Veux Incarner Dieu" ? Ça me donne envie.

Corey et Lori Ann Cole : Ah, quelqu'un va encore coller un procès pour utilisation d'un nom réservé... [note 6]

[note 6] Quelque temps auparavant, les créateurs du jeu de plateau HeroQuest avaient menacé les Cole d'un procès s'ils ne changeaient pas le nom de leur série mélangeant jeu d'aventure et jeu de rôle. Le couple avait obtempéré, abandonnant le seyant "Hero's Quest" au profit du moins seyant "Quest for Glory". De toute évidence, la plaie était encore fraîche.

Bob Bates : Le problème, c'est le marketing, évidemment. Les thèmes pour lesquels nous voulons écrire des jeux ne sont pas toujours ceux qui font vendre. Ce qui pose un dilemme à ceux d'entre nous qui aiment manger.

Voici une question de Tsunami, et je vous la lis telle qu'elle m'est parvenue : "A peu près tous les jeux [d'aventure] auxquels j'ai joué sur mon ordinateur sont truffés d'une part d'ironie. Moi, ce qui m’intéresse, ce sont les sujets sérieux, ou tout du moins une approche plus mature des sujets abordés par le jeu. Des jeux qui, à l'image des films et pièces de théâtre de qualité, feraient ressentir au joueur la peur, la tragédie, ou encore la colère. Qu'envisagez-vous pour que les jeux puissent atteindre ce niveau inédit d'interaction humaine ?”

Steve Meretzky : A vrai dire, je pense y être déjà parvenu avec A Mind Forever Voyaging. Or, parmi tous les jeux que j'ai réalisés, c'est celui qui a le moins bien marché commercialement. Comme Bob vient de le dire : il faut bien qu'on mange. Je préfèrerais écrire un Mind Forever Voyaging qu'un Leather Goddesses of Phobos, mais à moins de disposer d'un compte en banque bien rempli, ou d'obtenir des subventions d'un riche bienfaiteur enthousiaste, ou que le marché se métamorphose, je ne pense pas réaliser un nouvel A Mind Forever Voyaging de sitôt. Hélas.

Corey et Lori Ann Cole : Les ordinateurs sont si bêtes que même le plus sérieux des jeux a tendance à comporter des idioties. Bref, il est plus facile d'écrire des jeux idiots. Et le processus de développement d'un jeu porté sur l'humour est souvent plus drôle. Quest for Glory II: Trial By Fire reste un jeu très sérieux sur le fond, mais nous y avons introduit un paquet de bêtises pour casser la tension. J'appelle ça "l'effet montagnes russes". Nous voulons que le joueur soit extrêmement investi émotionnellement dans certains passages du jeu ; en contrepartie, cela nous offre des occasions de le surprendre en introduisant un élément comique ou une franche poilade.

Bob Bates : Mes jeux sont habituellement assez "matures", mais quand 90% de ce que tente le joueur échoue, vous devez parvenir à conserver son attention quand il n'est pas en train de résoudre un puzzle. Et pour y parvenir, le plus simple est de recourir à l'humour. Car après tout, vous n'avez aucune envie que le joueur se mette en colère à cause de vous. Mais je suis d'accord ; nous devrions nous efforcer de trouver de nouveaux moyens de générer des émotions chez le joueur, telles que ce que nous avons tous ressenti dans Planetfall
à la mort de Floyd
.

Roberta Williams : Je suis d'accord pour dire qu'à ce jour la plupart des jeux d'aventure n'ont pas une approche très sérieuse des sujets qu'ils abordent. A mon avis, c'est en grosse partie dû au fait que les auteurs et scénaristes professionnels n'ont pas été sollicité pour écrire ces jeux. La plupart du temps, les jeux sont écrits par les programmeurs. Je ne suis pas écrivaine, moi non plus, mais j'essaye de m'améliorer de ce côté-là. Sur The Colonel's Bequest, je me suis essayée à un nouveau thème, la murder party, et j'ai tenté d'apporter de la maturité au fond — plus centré sur les rebondissements. J'ai tenté d'y appliquer des techniques de "frousse" et de suspense. J'ai essayé d'y introduire plusieurs niveaux d'émotions, de la répulsion à la tristesse, en passant par l'hilarité. C'est au joueur de dire si j'ai atteint mes objectifs. En tout cas, j'aurais essayé !

Noah Falstein : Je prends le parti de dire nous tentons tous de pousser nos jeux dans cette direction ; en tout cas, c'est ce que nous souhaitons tous. Mais soit nous ne pouvons pas nous le permettre, soit nous ne parvenons pas à convaincre notre éditeur qu'il peut se le permettre. Et là, je me permets de faire un peu de pub pour Lucasfilm — *thème d'intro de Star Wars*. Pour apporter de la crédibilité à nos jeux, nous nous offrons notamment les services de scénaristes. L'année prochaine, nous publierons un jeu écrit par Hal Barwood, un scénariste, réalisateur et producteur expérimenté. Les films les plus connus sur lesquels il a œuvré — sans y être crédité — sont sans doute Rencontres du Troisième Type et Le Dragon du Lac de Feu, qu'il a coécrit et coproduit. Il a par ailleurs conçu ses propres jeux pour Apple II en langage assembleur du 6502 sur son temps libre. A son contact, j'ai déjà appris un paquet de choses sur le rythme, la tension, les personnages, et sur d'autres techniques "basiques" qui lui viennent naturellement — ou du moins c'est ce qu'il semble. Je ne saurais que trop vous recommander ce type de collaboration. Je crois que nous tenons là un jeu doté d'un niveau d'écriture encore jamais vu. [note 7]

[note 7] Le jeu évoqué par Falstein, sorti en 1992 après avoir vu sa date de sortie repoussée plusieurs fois, n'est autre que Indiana Jones and the Fate of Atlantis. Il se révèlera un excellent jeu d'aventure, si ce n'est le bouleversement décrit par Falstein.

Mike Berlyn : Je réprouve l'idée que des scénaristes professionnels venus d'autres médias puissent régler les problèmes à notre place. Si j'ai bien compris la question, notre objectif est de véhiculer des émotions. Il ne s'agit pas de choisir entre écrire une comédie ou un jeu d'horreur, mais plutôt de savoir comment le faire du mieux possible. Cela nous pose un sérieux problème. L'interactivité est le contraire de ce qui nous permet — j'inclus ici tous les scénaristes, peu importe le média — de véhiculer des émotions. Les émotions sont créées par la manipulation. Et il nous est impossible de manipuler des émotions quand nous ignorons où le joueur est déjà passé, et où il se dirige. Dans une fiction linéaire, vous savez ce que le "joueur" vient de vivre : vous pouvez facilement le surprendre, puis le surprendre encore. C'est l'essence du drame, de la comédie, de l'horreur, etc. Faire cela dans les jeux demande une approche complètement différente. Recourir aux services d'un auteur rodé aux histoires linéaires tend à rendre les jeux moins "jeux", moins interactifs, et plus linéaires. En réalisant un jeu linéaire comme Loom, vous n'offrez pas une histoire interactive ou un jeu d'aventure. Vous demandez au joueur de travailler pour regarder un film.

Dave Lebling : Un des générateurs de l'émotion est le fait de s'identifier au personnage de l'histoire. Et il est difficile de s'identifier à un sprite de 16x16 pixels. [note 8] Même s'il a volontairement l'air idiot, il n'aura pas l'air beaucoup plus idiot qu'un personnage sérieux. Un exemple : Larry Laffer versus Indiana Jones et la Dernière Croisade. Du coup, vous êtes désavantagé à trop vouloir rester sérieux dans vos jeux vidéo. De meilleurs graphismes pourront sûrement améliorer les choses. Quoi qu'il en soit, je pense que Bob a parfaitement résumé les choses : le joueur tente un paquet d'actions stupides, même en l'absence d'interpréteur — courir pour percuter les rochers, par exemple, pour ce qui est des jeux graphiques — bref, vous ne pouvez pas rester sérieux. Par ailleurs, d'après mon expérience, les jeux sérieux se vendent très mal. Les jeux les plus sérieux qu'ait produits Infocom se sont mal vendus. Quelques autres ont essayé, et la plupart ont obtenu le même résultat.

[note 8] Il est intéressant de voir Lebling continuer d'employer la rhétorique des légendaires premières campagnes de pub d'Infocom.

Corey et Lori Ann Cole : Un très bon jeu — ou une très bonne histoire — obtient des émotions plutôt qu'elle ne les produit. Un bon concept libère l'imagination du joueur au lieu de la contraindre à suivre un chemin spécifique. Un joueur frustré est trop occupé à s'énerver derrière son ordinateur pour pouvoir ressentir ce que vit son personnage et le monde qui l'entoure. En proposant des puzzles plus simples et des histoires "ouvertes", nous permettons au joueur de s'émouvoir et d'imaginer librement.

OK, quittons un moment le software pour le hardware. L'un des développements les plus marquants de ces dernières années est l'utilisation grandissante de la plateforme MS-DOS pour la création et la distribution des jeux. Les possesseurs d'Amiga et de Mac se sont ainsi plaints qu'il n'existe pas de bons jeux d'aventure pour leurs machines, ou encore que les jeux qui ont été portés sur leurs machines ne tirent pas profit de leurs capacités graphiques et sonores. Comment ce problème pourrait-il être résolu ?

Corey et Lori Ann Cole : Eh bien, j'ai joué le jeu en tentant de développer des logiciels pour Atari ST il y a quelques années. C'est ce qui m'a permis de couper les ponts et de venir chez Sierra pour faire des jeux. Mais je pense que tout l'intérêt de disposer d'autant de plateformes alternatives est de forcer IBM et ses clones à rattraper leur retard. Personnellement, j'ai hâte que les lecteurs CD-ROM et les réseaux inonde les foyers. J'aimerais beaucoup concevoir des jeux multijoueur dans quelques années. En attendant, et c'est la dure réalité : IBM et ses clones, là est l’argent — et l'argent est une bonne chose.

Roberta Williams : Ha ! Nous, chez Sierra, sommes probablement les principaux responsables de la généralisation des jeux développés sur machines MS-DOS, mais nous essayons de corriger le tir. Cette année, nous avons monté des équipes de programmeurs pour adapter du mieux possible notre nouveau système de développement de jeux aux plus importantes machines non-MS-DOS. L'objectif est de tirer le meilleur profit des capacités uniques de de ces différentes machines, afin d'offrir la meilleure qualité possible. Nos nouveaux jeux pour Amiga sont en vente depuis plusieurs mois maintenant, et ils ont reçu un bon accueil — quant à nos jeux pour Mac, ils sont quasiment prêts.

Dave Lebling : Si un jour le parc d'Amiga ou de Mac atteint 10 millions de machines, vous verrez quantité de jeux compatibles. Peut-être même avant ça, vu que nos programmeurs ont beaucoup d'attrait pour ces plateformes. Mais ce qu'il faut vraiment, ce sont des compagnies comme Sierra capables d'adapter leur système de développement d'une plateforme à l'autre. Alors que Windows et les machines à base de 386 deviennent le standard IBM, les différences entre ces plateformes matérielles se font de moins en moins importantes, et l'utilisation d'un système de développement orienté objet permet de réaliser des portages assez facilement, comme au bon vieux temps. Les graphismes restent le plus gros problème, puisqu'il est encore très compliqué de les adapter d'une machine à une autre.

Al Lowe : L'argent est roi. Quand les jeux Mac se vendront mieux que les jeux PC, vous verrez des jeux conçus pour Mac portés sur PC. Même chose pour les jeux Amiga, etc. En d'autres termes : tant que les ventes de jeux MS-DOS représentent 80% du marché, qui peut prétendre à se passer de cette plateforme ?

Mike Berlyn : Je pense que nous voulons tous que nos jeux tournent sur le plus grand nombre de plateformes possible, mais ce sont les éditeurs qui décident.

Lors de la création d'un jeu, savez-vous dès le départ quel sera son niveau de difficulté, ou est-ce que celui-ci évolue au fil du développement ?

Ron Gilbert : J'ai une idée générale du niveau de difficulté que je souhaite donner à mes jeux. Mais presque tous les jeux que j'ai créés sont légèrement plus longs et plus durs à terminer que ce que j'imaginais.

Noah Falstein : Idem. Souvent, alors que je pensais avoir mis au point des puzzles faciles, j'apprenais lors les phases de test que le public ne partageait pas mon avis. Mais depuis Indiana Jones et la Dernière Croisade, je crois sincèrement que donner au joueur plusieurs solutions différentes pour résoudre un puzzle réputé compliqué, et rendre les autre puzzles le plus simple possible, est une bonne façon de procéder. Je pense que c'est ce que préfèrent les joueurs.

Dave Lebling : Je pense que ces solutions alternatives ne sont qu'un miroir aux alouettes, car si vous proposez deux solutions avec des niveaux de difficulté différents, la solution la plus simple sera toujours la première trouvée.

Noah Falstein : Pourtant, si l'on donne des raisons au joueur de rejouer au jeu, on peut ainsi contenter les joueurs débutants, qui trouveront la solution la plus simple, et les joueurs confirmés qui voudront trouver toutes les solutions possibles...

Dave Lebling : D'accord, mais quel est le pourcentage de gens qui jouent plusieurs fois au même jeu ? Quel est le pourcentage de gens qui terminent les jeux qu'ils ont commencé ?

Steve Meretzky : Les jeux destinés aux débutants — par exemple, Wishbringer — sont conçus pour être très faciles, et les jeux destinés aux vétérans — par exemple, Spellbreaker — sont conçus pour être casse-couilles. Mais puisque les deux types de joueurs finissent pas jouer aux mêmes jeux, ma propre théorie est de commencer par des puzzles simples, puis d'introduire quelques puzzles plus compliqués vers le milieu du jeu, pour enfin finir par les puzzles retors. (Ne me demandez pas ce que foutait le puzzle du Babel-fish aussi près du début du Guide du voyageur galactique.)

Roberta Williams : Généralement, la difficulté du jeu est décidée lorsque débute le développement. Et cette décision est basée sur le type de joueur que l'on vise. En d'autres termes, s'il s'agit d'un jeu d'aventure pour enfants, le jeu sera évidemment très simple. Si le jeu est destiné aux familles, le jeu sera plus dur, mais pas autant qu'un jeu destiné exclusivement aux adultes. Pour ce dernier type de jeu, le niveau de difficulté dépend de la façon qu'a le designer d'amener le puzzle au sein du jeu. Même là, je pense que la difficulté du jeu est estimée dès le début du développement. Personnellement, j'ai plutôt une bonne intuition quant à la difficulté des puzzles. Mais il m'est déjà arrivé de me tromper. Par exemple, pour King’s Quest II, je pensais que le puzzle de la bride et du serpent était simple, mais non, il ne l'était pas. Et dans The Colonel’s Bequest, je ne soupçonnais pas que la découverte du passage secret dans la maison se révèlerait à ce point ardue pour certaines personnes.

Corey et Lori Ann Cole : Nous essayons de faire des puzzles simples, dans le sens où leur difficulté est juste : les indices sont disséminés dans le jeu. Toutefois, il arrive que les plans conçus par les designers et les développeurs soient jetés par la fenêtre au moment du rush pour finir la programmation du jeu. Mais nous décidons toujours le niveau de difficulté en avance de phase. The Quest for Glory a été pensée comme une série de jeux d'aventure simples, car nous y introduisions déjà le concept du jeu de rôle.

Dave Lebling : Je pense qu'il est plutôt aisé de rendre un jeu très dur ou très facile. Ce qui est compliqué, c'est de trouver le juste milieu ; de créer un jeu à la difficulté intermédiaire. La difficulté des jeux se cantonne souvent à un extrême, ou parfois aux deux selon les puzzles rencontrés, ce qui donne alors un fouillis sans nom.

Mike Berlyn : J'ai tendance à concevoir des jeux au niveau de difficulté variable, afin qu'ils plaisent au plus grand nombre. Comme Steve, j'aime bien commencer par un puzzle simple, mélanger les niveaux de difficulté au milieu du jeu, et garder le plus dur pour la fin.

Corey et Lori Ann Cole : Nous avons apporté beaucoup d'attention à la gradation de la difficulté des puzzles dans Quest for Glory I ; les plus faciles apparaissent dans les premières phases du jeu.

Al Lowe : Pensez-vous également que nous devrions simplifier le niveau de difficulté pour attirer une audience plus large et ainsi élargir notre base de joueurs ?

Mike Berlyn : Rendre nos jeux plus simples n'attirera pas de nouveaux joueurs. Les nouveaux joueurs viendront si l'on améliore la conception et l'implémentation de nos jeux.

Roberta Williams : Peut-être qu'une interface dépourvue d'interpréteur aiderait. Mais je persiste à croire qu'il faut réfléchir en amont à l'audience ciblée par un jeu, puis à partir de là, déterminer quel sera son niveau de difficulté.

Bob Bates : Je suis d'accord, nous n'avons pas besoin de rendre nos puzzles plus simples. Je pense que les joueurs veulent des puzzles compliqués mais justes. Quel est l'intérêt de résoudre un puzzle en un clin d’œil ? Qu'est-ce qui poussera les joueurs à en redemander ?

Dave Lebling : Des puzzles jugés simples par une personne sont jugés impossibles à résoudre par une autre. D'où un besoin de disposer de gammes de jeux, et de gammes de puzzles au sein de chaque jeu. Même Wishbringer, jeu réputé le plus "facile" d'Infocom, a vu bon nombre de gens bloqués sur ses puzzles réputés les plus "faciles".

Des critiques ont visé les jeux d'aventures sortis récemment quand à leur durée de vie jugée trop courte et/ou à leur difficulté simplifiée. Êtes-vous d'accord avec ce constat ? Et si c'est le cas, quels changements apporter à un jeu pour le rendre plus long et/ou plus dur ? Par ailleurs, est-ce que les jeux difficiles peuvent être rentables?

Dave Lebling : Les jeux sont déjà trop simples et pas assez simples, entre autres paradoxes. Je veux dire que les épreuves intentionnelles — telles que les puzzles — sont simplifiées, et que les épreuves non intentionnelles — causées par des limites de taille, ou la paresse des développeurs, ou ces fichus interpréteurs, ou les bugs, etc. — compliquent encore trop les jeux. Les jeux difficiles peuvent être rentables, à condition que la difficulté non intentionnelle diminue. Nous ne sommes pas encore assez bons dans ce domaine.

Roberta Williams : Il est probable que les jeux d'aventure soient devenus relativement plus courts ou plus faciles que par le passé. Il y a quatre à dix ans de ça, les jeux d'aventure étaient principalement basés sur du texte. Il était aisé d'agrandir leur périmètre, leur taille et leur complexité. Depuis l'introduction des graphismes, des animations, des sons, — et l'arrivée toute proche des dialogues audio — il est plus difficile, voire impossible, d'obtenir des jeux avec un périmètre aussi large. Cela est principalement dû aux limitations de la mémoire et de l'espace disque, et aux temps et coûts investis. Nous autres développeurs de jeux d'aventure devons parvenir à condenser toujours plus de graphismes somptueux, d'animations réalistes, de sons de qualité, de multiples rebondissements, d'endroits à explorer, de chemins alternatifs, et de puzzles complexes. Cela représente tant de choses à stocker. Il faut alors laisser des choses de côté. Même les CD ne règleront pas totalement ce problème, bien qu'ils soient dotés d'un très large espace de stockage ; la capacité de la mémoire est encore trop faible. Même la façon dont les fichiers des jeux d'aventure doivent être ordonnés sur le CD pose problème. Et comme d'habitude, nous autres développeurs de jeux d'aventure devons fournir les plus beaux graphismes jamais vu, les plus belles musiques jamais entendues, etc., etc. Et tout ça prend de la place sur le disque dur, même en ayant recours au CD.

Mike Berlyn : Plus courts, les jeux ? Certes, on peut dire de certains nouveaux jeux — qu'on ne nommera pas ici — qu'ils sont plus faciles, plus courts, etc. Malheureusement, ils n'en sont pas moins chers à produire. Je peux vous dire que Altered Destiny coûte déjà un paquet d'argent alors que sa production n'est pas terminée. Accolade et moi-même avons déjà donné plus de 10 années-homme dans ce bébé ; il y a une véritable assemblée qui travaille dessus. Le temps et l'argent nécessaires au développement de jeux comme Oo-Topos, ou Cyborg, ou encore Suspended, ne sont rien par rapport à ce que demande la création de notre futur jeu. Par ailleurs, des jeux comme King’s Quest IV sont plus longs, ont plus à offrir, et surpassent la plupart des anciens jeux.

Steve Meretzky : Il y a quelques années de ça, j'étais parfaitement d'accord pour dire que les jeux d'aventure devenaient plus courts et plus faciles. Puis, j'ai réalisé Zork Zero, un jeu très vaste, qui s'est avéré trop difficile. Une bonne part des retours disaient en substance : "Trop grand !". Il demandait d'y consacrer un temps trop long, et il était complexe au point que le joueur ne savait plus comment en atteindre la fin. Pour couronner le tout, sa conception, sa réalisation et sa phase de debug ont évidemment demandé un énorme, énorme investissement. C'est pourquoi j'en viens maintenant à la conclusion qu'un jeu doté de 50 à 100 scènes, d'une durée de vie de 20 à 30 heures de jeu, et d'une difficulté moyenne est tout à fait convenable.

Corey et Lori Ann Cole : Il y a beaucoup de place sur la marché pour les jeux simples, surtout quand les jeux jugés "difficiles" le sont parce qu'il faut rentrer dans l'esprit tordu du concepteur — ou du programmeur, ou de l'interpréteur — pour venir à bout de leurs puzzles. Personne ne joue à un jeu pour se sentir perdu et frustré. La plupart d'entre nous en ont déjà bien assez dans la vie de tous les jours ! Nous voulons des jeux plus courts, plus riches, plutôt que de grands jeux vides, et nous voulons des puzzles qui enrichissent l'histoire plutôt que des puzzles placés ça et là pour rendre le jeu plus "difficile".

Al Lowe : Ca fait des années que je tente d'en avoir un plus long et plus dur !

*Grognements*...

Al Lowe : Plus sérieusement, je suis partagé sur la question. Je travaille dur sur mes jeux, et je ne supporte pas de penser que la plupart des gens n'en verront jamais la dernière moitié parce qu'ils s’avoueront vaincus. D'un autre côté, les joueurs veulent des puzzles costauds, et vous ne voulez pas décevoir votre audience. Je pense que de nombreux jeux vont devenir de plus en plus faciles, ne serait-ce que pour attirer davantage de monde vers ce média. Bien sûr, les jeux difficiles seront toujours présents, pour la plus grande satisfaction des fanas. La belle réponse passe-partout que voilà !

Bob Bates : Le joueur doit en avoir pour son argent. Si l'on peut terminer le jeu sans embûches, alors ce n'est plus un jeu, mais un entraînement de frappe au clavier ou de clic à la souris. Le problème, c'est que la définition de ce qu'est un joueur est en train de changer. Dans l'espoir de toucher le marché de masse, certaines compagnies se débarrassent du principe des puzzles. Et le problème, c'est que ça fonctionne. Le marché de masse, c'est un vrai jackpot, et ses clients n'aime pas les puzzles. Les designers qui se cramponnent au marché du puzzle se placent d'eux-mêmes dans un marché de niche.

Noah Falstein : Je suis d'accord avec les propos d'Al et Bob, mais je vais aller plus loin encore : nous allons tous finir dans l'impasse si nous nous contentons des quelques 500.000 joueurs (et clients) réguliers qui composent notre clientèle du jeu d'aventure. Nous serions faits, tels le tigre à dents de sabre hyper-spécialisé. Il y a 15 millions de propriétaires de PC IBM dans le monde, et la plupart nous ont déjà abandonnés parce que nos jeux sont trop... select. Désolé, les gars ! Je ne nommerai pas le jeu dont l'ombre plane sur notre conversation tel un cygne menaçant [NdT : le monsieur parle de Loom], mais force est de constater qu'en créant un jeu d'aventure très facile, nous avons reçu des courriers encore plus véhéments et violents que par le passé... tandis qu'en parallèle, des gens qui jusque-là n'avaient jamais joué à ce type de jeux nous encensent. Financièrement, cela semble valoir le coup. Et si nous répondons en plus grand nombre aux besoins de cette foule de joueurs novices, avec de meilleures histoires en lieu et place de puzzles de plus en plus complexes, il se créera un effet boule de neige. Je pense que ça vaut le coup de sauter le pas, et j'espère que certains d'entre vous mettront un peu d'eau dans leur vin. Il reste encore de la place pour les jeux à l'audience "standard". Il est intéressant de noter que nous arrivons à la même conclusion que Steve : un jeu idéal doit comporter de 60 à 100 scènes et durer de 20 à 30 heures ! Commençons déjà par sortir un jeu plus accessible par an.

Dave Lebling : Je suis d'accord avec ce qui vient d'être dit, et même très bien dit, mais je souhaite apporter un complément. Que faisons-nous des 20 millions de propriétaires de Nintendo (peut-être même plus nombreux encore) ? Quels genres de jeux pourraient les intéresser ? Nous ont-ils totalement déconsidérés ? Je ne pense pas que notre part du marché IBM soit aussi petite [NdT : je pense qu'il voulait dire "soit aussi grande"] que ce que prétendent les chiffres de Noah. Bon nombre de ces machines IBM ne sont pas concernées par le jeu vidéo puisqu'elles sont utilisées au sein des entreprises. Tandis que l'ensemble des Nintendos sont utilisées au sein des foyers. Bien sûr, elles sont dépourvues de clavier, mais s'il existait une demande pour notre genre de jeux — appelons-le "jeu à puzzle", à défaut d'un meilleur nom — une interface de type clavier accompagnerait les consoles, à l'image de ce stupide flingue ou encore du Power Glove. Or cette demande n'existe pas. Pourquoi ? Sommes-nous trop select ? Est-ce que les puzzles et le peu de textes qui restent sont de trop ? Nous connaîtrons la réponse quand de nouveaux équipements de jeux accompagnés de clavier commenceront à apparaître aux USA.

Que pensez-vous de l'idée d'afficher sur la boîte des jeux leur niveau de difficulté et/ou leur durée, à l'image ce que fit Infocom à une certaine époque ?

Steve Meretzky : Ce fut une énorme erreur. Comme cela a été dit plus tôt : pour un puzzle donné, un joueur dira qu'il est facile ; un autre dira qu'il est dur.

Al Lowe : Hin, hin...

Steve Meretzky : Par exemple, j'ai trouvé Suspended très facile, dans la mesure où mon esprit est presque aussi tordu que celui de Berlyn. Mais beaucoup de gens considèrent ce jeu comme l'un des plus durs produits par Infocom.

Bob Bates : Les autres anciens d'Infocom ici présents auront peut-être des souvenirs plus précis que les miens, mais je crois me rappeler que le fait de coller une étiquette "difficulté avancée" sur un jeu faisait peur aux gens, et que les étiquettes "facile" ou "pour débutant" rebutaient elles aussi beaucoup de gens. C'est pourquoi, après quelques temps, la plupart des jeux étaient publiés sous l'étiquette "difficulté standard", avant que le principe même des étiquettes soit abandonné pour de bon. Cela dit, je pense qu'un genre d'indication sur les jeux très faciles, comme ceux évoqués par Noah [NdT : on parle encore de Loom], n'est pas une mauvaise idée. Le client est en droit de savoir ce qu'il achète.

Corey et Lori Ann Cole : Mais Loom a été catégorisé comme un jeu facile, et les personnes qui se sont retrouvées bloquées par un de ses puzzles se sont senties bêtes.

Mike Berlyn : Exactement ! Je doute que le fait d'étiqueter un jeu "facile", "intermédiaire" ou "difficile" soit une solution viable. J'ai connu des jeux étiquetés "débutant" qui étaient trop difficiles pour moi. Ce que nous autres designers devons faire est améliorer notre écriture, concevoir des jeux plus justes, moins âpres, qui ne freinent pas l'exploration, qui ne transforment pas les avenues en impasses. Ce n'est pas chose facile, mais c'est mon objectif, et j'aime à croire que d'autres partagent cet objectif.

OK, nous arrivons à la dernière question. Quel est votre jeu d'aventure préféré, et pourquoi ?

Noah Falstein : Ca va ressembler à un gros coup de pub, mais notre audience constitue un marché de masse. Le prochain jeu de Ron Gilbert, The Secret of Monkey Island, est le jeu d'aventure le plus marrant et le plus appréciable qu'il m'ait été donné de jouer. Et je dis ça en tenant compte des autres jeux publiés par notre compagnie. J'ai éclaté de rire en lisant, puis en relisant, ses meilleures scènes.

Steve Meretzky : En me basant uniquement sur les jeux les plus drôles auxquels j'ai joué, Starcross — le tout premier jeu d'aventure de science-fiction, mon genre favori — et le méconnu Nord and Bert Couldn’t Make Head or Tail of It arrivent ex-aequo.

Roberta Williams : Je ne devrais pas le dire, mais je joue très peu aux jeux d'aventure, même en incluant les nôtres ! Mais cela ne m'empêche pas d'adorer ce genre de jeu. C'est cet amour pour le jeu d'aventure qui m'a amenée à faire ce métier. Cela dit, je suis si occupée ces temps-ci, entre la réalisation de mes propres jeux, le soutien que j'apporte à mon mari qui dirige la compagnie, nos enfants, la maison, les activités périscolaires, que je n'ai pas le temps de jouer aux jeux d'aventure — et nous savons tous le temps que cela nous prend d'y jouer ! Parmi les jeux d'aventure auxquels j'ai pu jouer ou que j'ai vus, j'aime les jeux produits par Lucasfilm ; j'ai beaucoup de respect pour eux. J'aime aussi les séries Space Quest et Leisure Suit Larry produites par ma compagnie, Sierra. De mes propres jeux, il semble que ce soit toujours celui sur lequel je suis en train de travailler. Donc en ce moment, c'est King’s Quest V. Mais en dehors de ça, je suis particulièrement fière de The Colonel's Bequest puisque c'était un nouveau départ pour moi, et il fut très intéressant et compliqué à réaliser. Je suis aussi très fière de Mixed-Up Mother Goose, et en particulier de la nouvelle version qui sera bientôt publiée. Et si je remonte le temps, j'ai encore de tendres souvenirs de Time Zone, pour autant que certains s'en souviennent.

Corey et Lori Ann Cole : Nous avons apprécié les versions macro-ordinateur de Zork et Space Quest III. Mais nos jeux favoris sont Dungeon Master et Rogue ; ce sont les seuls jeux auxquels nous rejouons régulièrement. Parmi les jeux que nous réalisons ensemble, nous sommes particulièrement fiers de notre travail sur Quest for Glory II: Trial By Fire. Nous somme également fiers du premier opus, mais je crois que Trial by Fire sera vraiment un jeu formidable. OK, j'arrête la pub juste après ça : "Achetez notre jeu !". Plus sérieusement, nous sommes très contents de ce que nous avons pu accomplir en termes de design.

Bob Bates : "Vous vous trouvez en extérieur, devant une maison blanche. Il y a une boîte aux lettres." [NdT : première phrase du jeu Zork]

Mike Berlyn : C'est vraiment la question que j'aime le moins au monde. (Bon, d'accord, il y a sûrement d'autres questions que j'aime encore moins.) Pour moi, ça se joue entre A Mind Forever Voyaging, Starcross, et le chef d'oeuvre en passe de tomber dans l'oubli : Pirate Adventure, de Scott Adams. Yo ho !

Dave Lebling : Le Guide du Voyageur et Trinity. Deux jeux très bien pensés et aux thèmes passionnants. Si je mettais ces deux-là de côté, ce serait le premier Adventure. J'y ai rejoué un peu, hier soir, et ce jeu me plait toujours autant. Nous devons beaucoup à Will Crowther et Don Woods, et je pense que nous pouvons terminer sur cette note sentimentale.
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Re: [Interview rétro] Les Rocks Stars du Jeu d'Aventure - 19

Message par Flappie »

Notez que vous pouvez également lire cette traduction sous la forme d'un Google Doc, par ici.
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Re: [Interview rétro] Les Rocks Stars du Jeu d'Aventure - 19

Message par redd »

Merci Flappie
Super intéressant !
@yaz @maitrelikao, je proposais à Flappie qu'on fasse une news avec lien vers l'interview ainsi que la traduction. Ça vous dit ?
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Re: [Interview rétro] Les Rocks Stars du Jeu d'Aventure - 19

Message par maitrelikao »

Of Couse, c'est d'utilité publique :yes:
Bienvenue Flappie sur planète Aventure et merci pour ce partage, la traduction et celle de tes autres patchs :2thumbs:
Sur ce je retourne à la lecture :)
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Re: [Interview rétro] Les Rocks Stars du Jeu d'Aventure - 19

Message par redd »

qui s'occupe de la news du coup ?
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Re: [Interview rétro] Les Rocks Stars du Jeu d'Aventure - 19

Message par maitrelikao »

Toi ^^
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Re: [Interview rétro] Les Rocks Stars du Jeu d'Aventure - 19

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Re: [Interview rétro] Les Rocks Stars du Jeu d'Aventure - 19

Message par maitrelikao »

Merci Redd :2thumbs:
Le travail de Flappie n'en méritait pas moins :)

(J'ai juste rajouté une ch'te bannière et mis en lien avec quelques fiches citées tu regarderas si tu veux modifier ça :yes: )
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Jimmy
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Re: [Interview rétro] Les Rocks Stars du Jeu d'Aventure - 19

Message par Jimmy »

Bonsoir,

Quelle lecture, vraiment extra. Merci pour ce partage :2thumbs:
Flappie
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Re: [Interview rétro] Les Rocks Stars du Jeu d'Aventure - 19

Message par Flappie »

De rien, ça m'a fait plaisir, et ça m'a pris beaucoup moins de temps que de traduire un jeu ! :D
Merci à l'équipe pour la news. :2thumbs:
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Re: [Interview rétro] Les Rocks Stars du Jeu d'Aventure - 19

Message par redd »

Je ne me souviens plus si j'avais joué à la version traduite ou originale de Jolly Rover.

Primordia, sûr, c'était en VO
Quand Redd passe, les moustiques trépassent.
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