Reggio52 :
Pourrais-tu te présenter ? Quelle est ta formation ? Quel est ton parcours ?
US : Mon nom est Uwe Sittig, j'ai 32 ans et je vis à Münich. Depuis plus de 10 ans, je travaille en tant que développeur en software dans les domaines les plus variés.
Comment as-tu eu l'envie de te consacrer au développement de jeux vidéo ?
J'aime jouer, tout simplement ! J'ai grandi au milieu des jeux vidéo et j'ai toujours voulu développer quelque chose de personnel, raconter mes propres histoires et créer mes propres univers. Lorsque j'étais enfant puis adolescent, je manquais de connaissances pour développer autre chose que de simples petits jeux, et me lancer dans des expérimentations. Mais le plaisir de développer m'est resté jusqu'à aujourd'hui et je sais à présent, avec assez d'expérience, réaliser des projets plus ambitieux.
Ce qui me passionne le plus dans le développement de jeux, c'est que de nombreux domaines y sont réunis. Je suis fasciné par la peinture, la musique, la photographie, les animations en 3D et le cinéma, mais aussi par le software et par le raffinement des solutions élégantes. Il y a tellement de choses intéressantes à apprendre, et je n'aurai jamais assez d'une vie pour pouvoir vaquer à tout. Mais j'adore explorer tous les domaines et apprendre de nouvelles choses.
Et en développant des jeux, on saisit une belle occasion d'associer toutes ces connaissances. De plus, c'est une chouette alternative à l'ennuyeuse routine du quotidien.Sourire
Quelles sont tes influences ? Quels jeux t'ont incité à te lancer dans ce domaine ?
C'est peut-être un cliché, mais c'est surtout Monkey Island qui m'a passionné. C'était l'un de mes premiers jeux, et c'est celui dont je garde le meilleur souvenir. Il m'a marqué et fut, pour ainsi dire mon ticket d'entrée dans l'univers des jeux d'aventures. Au début des années 90, il s'agissait encore essentiellement d'Adventures qui ont combiné d'intéressantes intrigues et des caractères attachants avec d'épatants graphismes et atmosphères de films. A l'époque, c'était ça, le top.
Aujourd'hui, les jeux d'aventures n'ont heureusement plus le monopole en ce qui concerne le côté recherché des actions, la finition des caractères et l'implication des émotions. D'autres genres maîtrisent cela d'ores et déjà bien mieux, sans parler de l'évolution de la dimension cinématographique. Depuis lors, les jeux PC sont devenus adultes. Mais moi, j'ai conservé la fascination nostalgique des Point&Click-Adventures et j'aime toujours autant y jouer.
Qu'est-ce que « Dreamagination » ? Quels sont les projets de cette société ?
« Dreamagination » est un projet sous le nom duquel je publie des œuvres diverses et variées. Cela va du jeu d'aventure classique, comme Dirty Split, aux petites applications mobiles sur I-Phone et téléphone androïde ou sur tablette.
Il peut aussi s'agir d'animations et de courts-métrages qui portent le label « Dreamagination ». Souvent aussi des coproductions réalisées avec des collègues et des amis. J'ai par exemple accompli avec un ami réalisateur un petit court-métrage qui traite de la rivalité entre deux clubs de foot. L'ensemble est représenté de manière symbolique par deux messieurs d'un certain âge qui se rencontrent dans un parc et qui disputent un célèbre match de foot – sauf qu'ils le font avec des pièces d'un jeu d'échecs :
http://vimeo.com/16372445.
Pour revenir à « Dirty Split », ton jeu, peux-tu me dire comment est né le personnage d'Alan Baxter ?
A première vue, Alan Baxter est le type même du détective tel que l'on le connaît des magazines de 4 sous et des mauvais films policiers. Je voulais faire de lui bien plus qu'une simple copie, et lui donner plus de profondeur. En y regardant de plus près, quelques allusions nous indiquent d'où il vient, nous font découvrir son passé à la police, ainsi que ses motivations pour quitter son job et se mettre à son propre compte. Sa façon de penser et sa vision du monde ne sont pas si inflexibles et indifférentes qu'il n'y paraît au premier abord. Il est un peu vieux jeu et essaie de trouver ses repères en ces années 60 – cette nouvelle décennie débridée, avec tous ces changements fondamentaux. Malgré toutes ses expériences et tout ce qu'il a pu voir durant ces années, il préfère regarder le monde de manière positive et avec un humour pince sans rire. C'est ce qui le différencie du cliché du détective cynique et aigri, comme on aurait pu s'y attendre.
Envisages-tu de donner une suite au jeu ? Une suite plus complexe, avec des énigmes à résoudre ?
Ça, c'est quelque chose que j'adorerais faire et j'ai également une multitude d'idées à ce sujet. Dirty Split fut mon premier vrai projet de jeu. La seule chose qui comptait au début pour moi, c'était de voir si j'étais capable de réussir à conduire tout seul un tel projet et de le mener à terme. Mais cela a vite dépassé mes espérances et cela a attiré des musiciens et doubleurs épatants que je remercie encore aujourd'hui pour leur formidable travail.
Pourtant, comme je l'ai dit, ce projet n'était qu'un ballon d'essai et pas très prétentieux parce que je ne voulais pas trop présumer de mes capacités. Il y a tellement de projets de jeux qui échouent à cause de trop grandes ambitions et les développeurs perdent l'envie d'y travailler ou n'en trouvent plus le temps. C'est ce que je voulais à tout prix éviter. C'est aussi la raison pour laquelle tout le monde fait la même critique à l'égard du jeu : il est trop court et on reste sur sa fin.
J'ai encore de nombreux autres projets, et même en dehors des Point & Click-Adventures. Une suite à Dirty Split n'est pas prévue à court terme. Mais quand le moment sera venu, j'aimerais beaucoup continuer l'histoire d'Alan Baxter, enrichir son univers, et surtout parfaire les traits de son caractère. Tout ceci, naturellement, dans le cadre d'une aventure plus longue et plus complexe.
Néanmoins, je songe aussi à porter Dirty Split sur IOS et androïd dans un premier temps, de façon à ce qu'il puisse aussi être joué sur tablette. Et qui sait ? Peut-être la renommée en sera bonne, si bien que les plans pour un Dirty Split 2 me motivent de plus belle.Sourire
Serais-tu tenté par un puzzle-game du style de Myst ?
J'ai toujours trouvé la série des Myst un peu trop statique et stérile. Les scènes n'étaient pas assez vivantes à mon goût et bien trop ternes. Mais le plus grand défaut était que les énigmes paraissaient très artificielles, totalement détachées de l'action et mal intégrées dans la logique du monde. C'est dans cette mesure qu'un jeu selon ce modèle précis ne me tenterait guère.
D'un autre côté, j'avoue beaucoup apprécier les jeux d'énigmes et objets cachés, ou « Hidden Objet Games ». On ne peut nier la ressemblance avec les Mystlike games – dans les 2 cas, on voit le monde essentiellement selon le point de vue de la première personne, on collecte et on combine des objets, et on résout des énigmes à l'aide de processus très variés. Seulement, ces Hidden Object Games se prêtent super bien à des courts moments de détente, sans aucune prise de tête, quand on n'a pas beaucoup de temps – et qui donc peut prétendre en avoir beaucoup ?
Les prétentions de ces jeux sont plus mesurées que celles des Adventures classiques, mais cela ne les rend pas automatiquement plus mauvais ou moins recherchés. Il y a tellement d'exemples avec des intrigues pleines d'imagination et des scènes rendues par des graphismes fabuleux, comme par exemple « Drawn : The painted Tower ». Ça, je trouve ça impressionnant.
A travers le développement de studios allemands comme « Deadalic Entertainment », peut-on parler d'une « German Touch » pour les jeux vidéo ?
L'Allemagne a toujours été le plus important marché pour les jeux vidéo d'aventures, et la plupart des fans vivent dans ce pays. Ce qui est aussi une raison expliquant le grand succès de Deadalic et la qualité de ces jeux, parce que les collaborateurs eux-mêmes font partie de ces fans qui ont grandi au milieu des Adventures et qui les aiment. C'est pourquoi ils comprennent probablement très bien l'attachement des fans et leurs attentes.
Mais c'est précisément à l'exemple de Deadalic que l'on voit très bien l'influence de l'art français de la bande dessinée et de l'animation, et les magnifiques graphismes réalisés à la main, en font la plus importante part de leur charme. C'est en cela qu'ils constituent une sorte d'exception ; de telles prestations sont habituellement rares. D'autres studios allemands produisent aussi de bons jeux avec un budget moins élevé, qui sont de qualité comparable avec les nombreuses bonnes productions venant de l'Europe de l'Est et de Russie.
C'est dans cette mesure que je ne crois pas pouvoir parler d'une « German Touch ». De superbes jeux d'aventures sont produits un peu partout.
As-tu une admiration particulière pour un studio, un développeur ?
Double Fine, Tim Schafer. Sans hésiter !Sourire
Tim est un modèle pour moi parce que ses jeux débordent d'imagination et osent toujours des choses inédites avec beaucoup de fraîcheur. Et je trouve impressionnante la manière avec laquelle il transmet cette philosophie à son studio Double Fine, où toute bonne idée est retenue, peu importe de qui elle vient.
A côté des Adventures, je trouve Naughty Dog particulièrement impressionnant. La qualité de la série des Uncharted est incroyable. Le travail que cela a coûté et l'amour du détail qui y figure, sont à vous couper le souffle. Les jeux, certes, sont (sciemment) très linéaires, mais de ce fait terriblement bien scénarisés et s’apparentant ainsi à un captivant film d'aventures hollywoodien.
Toutefois, j'aime aussi beaucoup jouer à des jeux de créateurs indépendants, et je suis un grand admirateur de Wadget Eye et Dave Gilbert, qui est un brillant conteur. La série des Blackwell et tous les autres jeux qu'il produit, sont indéniablement marqués par sa griffe.
Mais il y a encore tant d'autres studios et développeurs que j'admire et que je tiens en estime. Bien trop nombreux pour tous les citer ici.
Le jeu « Dirty Split » bénéficie d'un travail digne d'un grand studio. Combien de personnes ont travaillé sur ce projet ?
Merci beaucoup ! Y a participé à mes côtés Matthew Brown, le compositeur des nouveaux morceaux pêchus dans le style des années 60. Mais aussi une douzaine de remarquables doubleurs professionnels issus du cinéma, de la télévision et de la radio, pour la version allemande, et mis à disposition par le studio berlinois
http://www.2day-productions.de. Et encore une autre douzaine de talentueux doubleurs pour la version anglaise.
C'est donc à un grand nombre de personnes que j'aimerais encore une fois adresser un grand merci pour leur formidable travail.Sourire
Développer un jeu, est-ce une passion ou un travail dont on peut vivre aujourd'hui ?
Il s'agit d'abord d'une passion. Pour pouvoir en vivre, il faut avoir une très bonne connaissance des jeux, beaucoup de persévérance, de bons réseaux, et rien de moins que de la chance. Il y a certes de nombreux exemples probants de réussite, mais pour chaque petit studio couronné de succès, on en compte 100 qui échouent.
Les meilleurs jeux proviennent de gens qui eux-mêmes aiment les jeux. C'est la plus importante motivation qui soit. Lorsqu'un développeur éprouve du plaisir à réaliser son design et son jeu, le joueur le ressent.
Existe-t-il un avenir pour les jeux d'aventures sur pc ?
Absolument ! Il y aura toujours des gens qui aiment les jeux d'aventures. La disparition des Adventures a souvent été annoncée, mais sans jamais avoir eu lieu. Et ça n'arrivera pas de sitôt. Les jeux d'aventures classiques resteront certes un marché marginal, mais ne disparaîtront pas.
Je pense cependant que les Adventures doivent évoluer pour ne pas perdre davantage de terrain et pour ne pas susciter l'intérêt que d'une seule minorité de nostalgiques. De nombreux représentants du genre s'accrochent trop à d'anciennes conventions et refoulent ainsi de nouveaux joueurs.
Quel regard portes-tu sur les campagnes de financement Kickstarter ? Pourrais-tu y recourir pour financer un projet ?
En complément aux traditionnels systèmes de financement des développeurs-éditeurs, Kickstarter est grandiose. Il y a d'ailleurs beaucoup de projets intéressants pour lesquels j'attends le résultat avec impatience. Mais ce qui m'inquiète en même temps, c'est le fait que beaucoup de gens puissent à un moment donné s'en lasser et que de ce fait, les vraies bonnes campagnes récoltent trop peu d'intérêt.
Je pourrais très bien envisager de « kickstarter » un projet . Cependant, j'aimerais rester aussi longtemps que possible financièrement indépendant, et n'avoir recours à des fonds autres que seulement s'il n'y a aucune autre possibilité, et si c'est absolument nécessaire. Par chance, je n'ai pas besoin de gros financements pour mes prochains projets. Mais si je devais quand-même plus tard avoir recours à un projet Kickstarter, alors je voudrais pouvoir proposer aux backers quelque chose d'exceptionnel.
Je te remercie de ton attention et de ta disponibilité. Le mot de la fin ?
Merci beaucoup pour tout cet intérêt !
Et si des développeurs de jeux débutants lisent ceci : Persévérez et ne raccrochez jamais vos crampons !
, jeu téléchargé, l'esthétisme me fait un peu penser aux enquêtes de Mister Magou que j'adorais regarder quand ça passait encore à la téloche 
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dans la villa, n'est interrogée que la moman et la ch'ite fringine.
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