
Les histoires de benjamin
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- Aventurier en herbe
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Les histoires de benjamin
Est-ce que ça intéresserait certains forumers de lire des petites histoires que j'ai écrites et de me donner leurs avis ? 

- maitrelikao
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Re: Presentez vous
Woui j'aimerai bien découvrir ta saga
.

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- Aventurier en herbe
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Re: Presentez vous
Cool ! Alors voilà le concept. Comme j'ai pas envie de scanner tous mes bouquins, ce serait trop énorme, j'ai décidé de mettre les tomes sur YouTube (gratos of course). Les gens n'auront qu'à mettre sur pause pour bouquiner. En plus il y aura mes commentaires.
J'ai prévu de faire un peu de pub pour la planète et la tour des héros ainsi que le blog de zeshape (pour les slashers).
Première vidéo en ligne ce soir puis une par soir.
Comme ça, pas de problème d'impression, pas à passer par un comité de lecture, pas à me formater à la demande d'un éditeur.
Et chacun peut le lire gratuitement. Pas besoin de payer, juste une connection. Comme ça, même les ados malades qui revent de justiciers inédits français peuvent lire à l'hosto. Et comme j'en suis à la 344 ème histoire de 47 pages, j 'ai de la marge.
Bonne lecture en tout cas, tu me diras ce que tu en penses (du fond, de la forme et de la vidéo).
J'ai prévu de faire un peu de pub pour la planète et la tour des héros ainsi que le blog de zeshape (pour les slashers).
Première vidéo en ligne ce soir puis une par soir.
Comme ça, pas de problème d'impression, pas à passer par un comité de lecture, pas à me formater à la demande d'un éditeur.
Et chacun peut le lire gratuitement. Pas besoin de payer, juste une connection. Comme ça, même les ados malades qui revent de justiciers inédits français peuvent lire à l'hosto. Et comme j'en suis à la 344 ème histoire de 47 pages, j 'ai de la marge.
Bonne lecture en tout cas, tu me diras ce que tu en penses (du fond, de la forme et de la vidéo).
- Aventuria
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Re: Presentez vous
Merci benjamin, c'est une très belle initiative.



- maitrelikao
- Ange gardien de PA
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Re: Presentez vous
Merci beaucoup benjamin, tu pourras nous poster le lien directement sur le site stp
?

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- Aventurier en herbe
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Re: Presentez vous
Ca y est ! J'ai trouvé comment faire de la pub pour PA mais ma vidéo est à l'envers et je dois patienter. 

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- Aventurier en herbe
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Re: Presentez vous
Voilà, j'ai réussi. Ca a été galère, galère 2nuits de téléchargement avec échec au bout. Mais là, ça y est.
http://www.youtube.com/my_videos_annotate?v=ldNruvJ4F5w
1997
Création
Saison X épisode 6
http://www.youtube.com/my_videos_annotate?v=ldNruvJ4F5w
1997
Création
Saison X épisode 6
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- Aventurier en herbe
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Re: Presentez vous
Je cherche des lecteurs (plus doués que moi) pour lire une ou plusieurs histoires
Ca c'est du projet !!

Ca c'est du projet !!
- Awalie
- Aventurier d'exception
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Re: Presentez vous
Euh... Pour ton info, Benjamin, quand on suit ton lien, on tombe sur un message : "Aucune vidéo n'a été trouvée."
Pour lire tes histoires, si ce n'est pas long à lire sur pc : Je veux bien regarder et te donner mon avis
Si c'est plus long, je préfère le support papier...

Pour lire tes histoires, si ce n'est pas long à lire sur pc : Je veux bien regarder et te donner mon avis

Si c'est plus long, je préfère le support papier...

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- Aventurier en herbe
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Re: Presentez vous
Effectivement; pour une info, c'est une info !
Pour trouver mes histoires si les liens ne marchent pas, il faut aller sur youtube ou même google et taper 1997 SAISON X EPISODE 6 puis le nom de l'épisode. Le premier enregistré, c'est Création.
http://www.youtube.com/watch?v=ldNruvJ4F5w
http://www.youtube.com/watch?v=2lYmcDkUmpo
http://www.youtube.com/watch?v=JHThh9k2nCs
http://www.youtube.com/watch?v=4Z6CJV8F8vM
http://www.youtube.com/watch?v=Yd4gfXfoanY

Pour trouver mes histoires si les liens ne marchent pas, il faut aller sur youtube ou même google et taper 1997 SAISON X EPISODE 6 puis le nom de l'épisode. Le premier enregistré, c'est Création.
http://www.youtube.com/watch?v=ldNruvJ4F5w
http://www.youtube.com/watch?v=2lYmcDkUmpo
http://www.youtube.com/watch?v=JHThh9k2nCs
http://www.youtube.com/watch?v=4Z6CJV8F8vM
http://www.youtube.com/watch?v=Yd4gfXfoanY
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- Aventurier en herbe
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Re: Presentez vous
La prochaine histoire. Si tu veux la lire.
Juillet 1967. Après-midi.
Suisse. Canton d’Uri.
Une Citroën DS rouge est garée devant la pompe à essence d’une station-service. Isabelle Febvre, en tailleur et minijupe rose est assise à la place du mort. Aaron Febvre, âgé de vingt ans, porte un costume noir. Il remplit le réservoir d’essence.
Isabelle Febvre
Dépêche-toi, Aaron ou nous n’arriverons jamais à l’heure à notre rendez-vous.
Aaron Febvre
Nous ne sommes pas en retard, Maman.
Isabelle Febvre
Je m’inquiète juste de ce que dira ton père s’il apprenait que nous avons manqué la vente de ce chalet auquel il tient tant.
Aaron Febvre
Cela n’arrivera pas. Nous serons à l’heure. Nous ne sommes plus si loin de notre destination, maintenant.
Isabelle Febvre
Si tu le dis…
Aaron ferme le réservoir de la voiture.
Aaron Febvre
Je vais payer et nous partons.
Isabelle Febvre
Fais vite !
Aaron Febvre
Je n’en ai pas pour longtemps, Maman…
Isabelle Febvre
Je compte sur toi.
Aaron part en direction d’une petite maison. Isabelle regarde son visage dans le rétroviseur. Elle sort un bâton de rouge à lèvre de son sac à main. Elle se maquille. Aaron revient.
Aaron Febvre
Me voilà, tu vois Maman, je n’ai pas mis longtemps !
Isabelle Febvre
Tu as été parfait, comme toujours.
Aaron Febvre
N’exagérons rien !
Aaron s’assied à la place du conducteur. La voiture démarre. Isabelle observe les mains gantées de son fils.
Isabelle Febvre
Comment va ta main droite, Aaron ?
Aaron Febvre
Je n’ai plus mal.
Isabelle Febvre
C’est bien vrai ?
Aaron Febvre
Pourquoi me poses-tu la question ?
Isabelle Febvre
Pardonne-moi… Je m’inquiète seulement.
Aaron Febvre
Je vais bien, Maman.
Isabelle Febvre
J’aimerais que tu m’expliques un jour comment tu t’es blessé aux deux mains.
La voiture quitte la station-service et s’engage sur une route montagneuse.
Aaron Febvre
C’était un accident. Tu ne t’es jamais blessée, toi ?
Isabelle Febvre
Si, bien sûr.
Aaron Febvre
Je ne fais aucun mystère de ce qu’il m’est arrivé. Je n’ai pas envie d’en parler, voilà tout.
Isabelle Febvre
Comme tu voudras… mais ton père et moi nous nous inquiétons à ton sujet.
Aaron Febvre
Papa s’inquiéterait pour quelqu’un d’autre que pour lui-même ?
Isabelle Febvre
Ne sois pas méchant avec ton père.
Aaron Febvre
C’était un simple constat.
Isabelle Febvre
Il t’aime. N’en doute jamais !
Aaron Febvre
Tant qu’il m’aime moins que mes deux sœurs, cela me va…
Isabelle Febvre
Je t’interdis de parler de ce qu’il fait à tes sœurs…
Aaron Febvre
Tu vois, Maman ? Je ne suis pas le seul à avoir mes petits secrets.
Isabelle Febvre
Ton père pourrait aller en prison pour ce qu’il fait subir à nos jumelles. Ce n’est pas ce que tu veux ?
Aaron pousse un profond soupir. La voiture s’engage dans un tunnel.
Juillet 1967. Une demi-heure plus tard.
Suisse. Canton d’Uri.
La voiture traverse un long point. Isabelle Febvre met un foulard dans ses cheveux. Aaron Febvre conduit, l’esprit ailleurs.
Isabelle Febvre
Tu n’es pas concentré sur la route, Aaron. Tu vas nous faire avoir un accident.
Aaron Febvre
Mais non, Maman.
Isabelle Febvre
A quoi songes-tu ?
Aaron Febvre
A ce que m’a dit Papa avant que nous ne quittions la maison mais je ne peux pas t’en parler. Je le lui ai promis.
Isabelle Febvre
Je vois… Encore un secret.
Aaron Febvre
Es-tu fâchée ?
Isabelle Febvre
Non… Tu ne me dirais rien, même si j’insistais ?
Aaron Febvre
Je resterais muet.
Isabelle Febvre
Alors parlons d’autre chose… Mais je t’en prie, regarde la route, Aaron !
Aaron Febvre
Promis, je ferai attention.
Isabelle Febvre
Avec toutes ces falaises, ce n’est pas le moment d’avoir un accident. Ce serait fatal.
Aaron baisse sa vitre. La voiture poursuit son chemin sur une route à flanc de montagne.
Aaron Febvre
Sais-tu comment s’appelle le pont que nous venons de franchir ?
Isabelle Febvre
Non. Aurait-il un nom particulier ?
Aaron Febvre
Oui, c’est le Pont du Diable.
Isabelle Febvre
Quel nom étrange…
Aaron Febvre
Le Diable… Tu l’as déjà affronté, n’est-ce pas, Maman ?
Isabelle Febvre
Tu veux parler de… de ce qu’il s’est passé dans cette école, il y a dix ans ?
Aaron Febvre
Oui. De ces enfants cannibales.
Isabelle Febvre
Je n’aurais jamais dû t’en parler.
Aaron Febvre
Regrettes-tu de t’être confiée ?
Isabelle Febvre
Je n’en avais pas le droit.
Aaron Febvre
Comment cela ? Pourquoi ?
Isabelle Febvre
Les fillettes de cette école m’ont laissée partir parce que j’avais accepté de garder le secret de leurs existences.
Aaron Febvre
Sinon, elles t’auraient tuée, n’est-ce pas ? Comme elles ont tué cette petite fille noire et notre ancien jardinier.
Isabelle Febvre
Oui, Aaron. Exactement.
Aaron Febvre
Mais qu’étaient ces fillettes en réalité ?
Isabelle Febvre
Nous ne le saurons jamais. D’autant qu’elles ont disparu, aujourd’hui.
Aaron Febvre
Oui, le soir-même où tu nous as parlé d’elles. Papa a appelé la police qui s’est rendue sur les lieux mais l’école était déserte. Les fillettes et les nonnes avaient disparu.
Isabelle Febvre
Parfois, je me demande si je n’ai pas imaginé toute cette histoire.
Aaron Febvre
Les cadavres de la petite écolière et de l’intendant prouvent le contraire.
Isabelle Febvre
J’en conviens… Mais j’avais donné ma parole que je ne dirais rien.
Aaron Febvre
De quoi as-tu peur ?
Isabelle Febvre
Qu’elles cherchent à se venger de moi.
Aaron sourit.
Aaron Febvre
Cette histoire est terminée, Maman. N’aies donc pas si peur…
Isabelle Febvre
Quand me parleras-tu de tes mains ?
Aaron Febvre
Voilà que tu recommences…
Isabelle Febvre
Je suis ta mère, Aaron. J’ai besoin de savoir.
Aaron Febvre
Je te le répète, c’était un accident.
Isabelle Febvre
Comment as-tu fait pour te brûler les deux mains ?
Aaron Febvre
J’ai voulu sortir quelque chose des flammes.
Isabelle Febvre
Quoi ?
Aaron Febvre
Quelque chose qui brûlait… Quelque chose que je voulais récupérer.
Isabelle Febvre
Tu fais bien des mystères. Et je me demande…
Aaron Febvre
Tu te demandes si seules mes mains ont été brûlées, n’est-ce pas ?
Isabelle Febvre
Il fait extrêmement chaud aujourd’hui et tu portes un costume. Cacherais-tu tes bras ?
Aaron donne un violent coup de frein. La voiture s’arrête.
Aaron Febvre
Que crois-tu qu’il me soit arrivé, Maman ?
Isabelle Febvre
Je n’ai aucune preuve mais je pense que tu es plus grièvement blessé que tu ne veux bien l’avouer. Jusqu’où as-tu brûlé ?
Aaron Febvre
Seul… Seul mon visage a été épargné.
Isabelle Febvre
Seigneur ! Aaron !
Aaron Febvre
Je ne voulais rien te dire pour ne pas t’inquiéter.
Isabelle Febvre
Je suis ta mère. C’est normal que je sache ce genre de choses. Comment t’es-tu brûlé ?
Aaron Febvre
C’était l’automne dernier.
Isabelle Febvre
Alors tous les mois où tu as été absent du Castel, tu étais dans un hôpital ?
Aaron Febvre
On me soignait.
Isabelle Febvre
Où cela ?
Aaron Febvre
En Suisse, justement.
Isabelle Febvre
Si j’avais su, je serais venu te rendre visite ! Je t’aurais apporté mon soutien.
Aaron Febvre
Je ne voulais pas que tu quittes le Castel. Pour le bien des jumelles ! Papa est fou. Dieu seul sait ce qu’il aurait pu leur faire si tu les avais quittées quelques temps.
Isabelle Febvre
Je les aurais emmenées avec moi !
Aaron Febvre
Papa ne t’aurait jamais laissée faire.
Isabelle Febvre
Probablement pas, non. Tu as raison… Donc, tu t’es sacrifié pour le bien de tes sœurs !
Aaron Febvre
Béatrice et Viviane devaient être protégées.
Isabelle Febvre
Mais aujourd’hui, je suis venue avec toi. N’as-tu pas peur de ce qu’il pourrait leur arriver ?
Aaron Febvre
Non. Bertrand ne les touchera plus jamais.
Isabelle Febvre
Comment peux-tu en être sûr ?
Aaron Febvre
J’ai fait ce qu’il faut.
Isabelle Febvre
Aaron ! J’espère que tu ne t’es pas opposé à ton père !
Aaron Febvre
Il fallait bien que quelqu’un le fasse.
Isabelle Febvre
Mais il pourrait se mettre très en colère.
Aaron Febvre
Si tu avais survécu aux flammes de l’enfer, tout comme moi, tu n’aurais pas peur d’affronter papa.
Isabelle Febvre
Ne te surestime pas, Aaron ! Bertrand a beaucoup de pouvoir.
Aaron Febvre
Je crois qu’il me respecte encore plus depuis que je me suis opposé à lui.
Isabelle Febvre
De tous ses enfants, tu es celui qu’il aime le plus.
Aaron Febvre
Je lui ai donné une raison de m’admirer.
Isabelle Febvre
Ton père pourrait-il vraiment admirer quelqu’un ?
Aaron Febvre
Et toi, Maman, sachant ce que j’ai fait, m’aimes-tu davantage ?
Isabelle Febvre
Tu as vingt ans, aujourd’hui, Aaron. Ce n’est pas l’amour d’une mère que tu devrais chercher mais celui d’une jeune femme.
Aaron Febvre
Peux-tu imaginer quel corps est le mien, désormais ? Jamais une femme ne pourra m’aimer. Seule ma mère pourrait le faire.
Isabelle Febvre
Tes brûlures ne changeront rien, Aaron. Crois-moi, si Bertrand a pu rencontrer l’amour, tu le pourras, toi aussi.
Aaron Febvre
Il me fait confiance, c’est ce qui est le plus important pour moi.
La voiture disparait derrière un virage. Isabelle regarde une montre à son poignet.
Juillet 1967. Après-midi. Dix minutes plus tard.
Suisse. Canton d’Uri.
La voiture file à vive allure sur un chemin boisé. Isabelle Febvre s’est endormie. Aaron Febvre conduit paisiblement.
Aaron Febvre
Elle dort… La chaleur la fatigue, certainement…
Soudain, surgissant des arbres quelques mètres en avant, Cape Blanche paraît sur la route. Aaron pousse un cri. Isabelle ouvre les yeux. Aaron donne un coup de volant sur la droite, la voiture quitte la route et percute un platane. Cape Blanche disparait aussitôt par l’endroit d’où il est venu.
Aaron Febvre
Oh, mon Dieu… Que s’est-il passé ?
Aaron se tourne vers sa mère.
Aaron Febvre
Maman ? Maman, réveille-toi !
La tête de Isabelle repose sur le côté droit de son siège. Aaron lui caresse délicatement la joue.
Aaron Febvre
Elle est inconsciente…
Isabelle lève lentement son bras droit.
Aaron Febvre
Maman !
Isabelle Febvre
Aaron, que s’est-il passé ?
Aaron Febvre
Nous… Nous avons eu un accident.
Isabelle Febvre
Pourquoi ?
Aaron Febvre
Il y avait quelqu’un sur la route. J’ai cherché à l’éviter mais…
Isabelle ouvre péniblement sa portière.
Isabelle Febvre
Est-ce que cette personne est blessée ?
Aaron regarde la route.
Aaron Febvre
Je ne pense pas…
Isabelle fait quelques pas pour observer le pare-choc enfoncé de la Citroën.
Isabelle Febvre
On ne pourra pas redémarrer.
Aaron Febvre
Non, je ne crois pas. Est-ce que tu as mal, Maman ?
Isabelle Febvre
Non, Aaron, je vais bien. Je suis juste un peu étourdie.
Aaron Febvre
Tu as perdu connaissance.
Isabelle Febvre
Seulement un instant… Je te dis que ça va aller.
Aaron descend à son tour du véhicule.
Aaron Febvre
J’ai fait du joli travail.
Isabelle Febvre
Ce n’est pas ta faute, mon fils…
Aaron regarde de nouveau la route.
Aaron Febvre
Tout est de ma faute.
Isabelle Febvre
Tu n’es pas responsable. Pas plus que moi lorsque je suis allée travailler dans cette école maudite.
Aaron Febvre
J’aurais pu te tuer.
Isabelle Febvre
Tu aurais pu te blesser, aussi.
Aaron Febvre
Ma vie ne compte pas. Seule toi es importante à mes yeux.
Isabelle Febvre
Je n’aime pas quand tu parles ainsi.
Aaron Febvre
Pourquoi ?
Isabelle Febvre
Je suis ta mère. Pas ta fiancée.
Aaron Febvre
Il est normal que je m’inquiète pour la santé de ma mère.
Isabelle fait quelques pas sur la route.
Isabelle Febvre
Tant que cela reste de l’inquiétude, je n’ai rien à redire.
Aaron Febvre
De quoi as-tu peur ?
Isabelle Febvre
Je ne veux pas que tu tombes amoureux de moi comme ton père aime tes sœurs.
Aaron Febvre
C’est donc cela qui t’inquiète ?
Isabelle Febvre
Trouve-toi une fiancée et je serai rassurée.
Aaron s’appuie contre un tronc d’arbre.
Aaron Febvre
Que fait-on ?
Isabelle Febvre
Cette route n’a pas l’air d’être souvent empruntée.
Aaron Febvre
C’est le moins que l’on puisse dire.
Isabelle Febvre
Nous devrions aller chercher du secours.
Aaron Febvre
Et abandonner la voiture ?
Isabelle Febvre
Vu son état, nous ne risquons pas qu’on nous la vole.
Aaron Febvre
Je refuse d’abandonner la DS de papa.
Isabelle Febvre
Mais enfin, Aaron ! Cette voiture ne roulera plus jamais !
Aaron Febvre
Et nos bagages dans le coffre, qu’en feras-tu ?
Isabelle Febvre
Ils n’ont aucune valeur. Ce ne sont que quelques toilettes.
Aaron Febvre
Quelques toilettes…
Isabelle Febvre
Non ?
Aaron Febvre
Si… Tu as raison. Mais je pense que l’un de nous devrait tout de même rester près de la voiture.
Isabelle Febvre
Tu me caches quelque chose.
Aaron Febvre
Non.
Isabelle Febvre
Si, je le vois bien. Pourquoi ne veux-tu pas abandonner cette voiture ?
Aaron Febvre
J’ai… mes raisons.
Isabelle Febvre
Ne veux-tu rien me dire ?
Aaron Febvre
Non.
Isabelle Febvre
Alors, tu restes ici. Je vais marcher le long de la route et essayer de trouver quelqu’un… Peut-être y a-t-il un village près d’ici ?
Aaron Febvre
Peut-être oui. Moi, je t’attendrai. Es-tu bien sûre que cela ira ?
Isabelle hoche la tête et part en boitant le long de la route. Quand elle s’est suffisamment éloignée, Aaron fait le tour de sa voiture et ouvre le coffre. Il observe l’intérieur avec résignation.
Juillet 1967. Soir.
Suisse. Canton d’Uri.
La nuit commence à tomber. Aaron Febvre est assis à la place du conducteur. Il allume les phares de sa voiture.
Aaron Febvre
Maman, que fais-tu ? Pourquoi ne reviens-tu pas ?
Il sort de la voiture et s’approche du coffre.
Aaron Febvre
J’espère qu’elle ne reviendra pas avec la police… Sinon, je serais perdu…
Le bruit d’un moteur résonne dans la montagne.
Aaron Febvre
Quelqu’un vient !
Aaron court se placer au centre de la route. Il agite ses bras pour faire signe au conducteur du véhicule en approche.
Aaron Febvre
Je vous en prie, arrêtez-vous !
Une voiture apparaît au loin, dans la direction empruntée par la DS précédemment. Les phares sont allumés et empêchent Aaron de voir de quel véhicule il s’agit.
Aaron Febvre
Seigneur, faîtes que ce ne soit pas la police !
La voiture ralentit. Les phares restent allumés.
Aaron Febvre
Je ne vois rien… Eteignez vos lumières, s’il vous plaît !
Les phares s’éteignent.
Aaron Febvre
Non… Pas ça…
C’est un véhicule de police.
Aaron Febvre
Il faut que je le fasse partir…
La vitre de la voiture de police se baisse.
Voix de femme
Monsieur ? Je peux vous aider ?
Aaron Febvre
C’est une femme…
Voix de femme
Pardon ? Parlez plus fort, je n’ai pas compris ce que vous disiez…
Aaron Febvre
Non, c’est bon, je vais m’en tirer…
Voix de femme
Vous en tirer ? De quoi parlez-vous ?
Aaron Febvre
J’ai eu… un léger accident de voiture. Rien de dramatique.
Voix de femme
Laissez-moi voir.
Aaron Febvre
Non, ce n’est pas la peine, je vous assure.
Voix de femme
J’insiste.
La femme, d’une trentaine d’années, en uniforme, brune, magnifique, descend de voiture.
Femme
Vous êtes français ?
Aaron Febvre
Oui.
Femme
Vos papiers, s’il vous plaît…
Aaron Febvre
Oui, Madame…
Aaron sort son permis de conduire et sa carte d’identité d’une poche de son costume.
Femme
Voyons…
La policière s’empare des papiers de Aaron.
Aaron Febvre
Je vous assure que je peux m’en tirer seul.
Policière
Alors pour quelle raison vous trouviez-vous au centre de la route ?
Aaron Febvre
Je voulais simplement avertir les autres véhicules qu’il y avait du verre sur la chaussée.
Policière
C’est très prévenant.
Aaron Febvre
Merci.
Policière
Ce n’était pas un compliment.
Aaron Febvre
Non ?
Policière
Non. C’était stupide. Vous auriez pu vous faire renverser. Vous n’avez pas songé à klaxonner pour avertir de votre présence ? Cela aurait été plus prudent.
Aaron Febvre
L’idée est bonne, je n’y avais pas songée.
La policière approche de la DS.
Policière
Vous avez fait un joli carton. Vous êtes blessé ?
Aaron Febvre
Non.
Policière
Vous saignez…
Aaron Febvre
Ah bon ?
Policière
Vous êtes coupé… au front.
Aaron porte sa main sur son front. Il ne saigne pas.
Policière
Je vous ai eu.
Aaron Febvre
A quoi jouez-vous ?
Policière
C’était un test pour voir si vous aviez bu.
Aaron Febvre
Vous auriez aussi bien pu me le demander.
Policière
M’auriez-vous dit la vérité si vous aviez bu ?
Aaron Febvre
Probablement pas, non.
La policière caresse la tôle de la porte avant droite.
Policière
Vous êtes seul ?
Aaron Febvre
Oui… Enfin, non.
Policière
Oui ou non ?
Aaron Febvre
Ma mère est partie chercher du secours.
Policière
Je n’ai vu personne sur la route.
Aaron Febvre
Elle est partie de l’autre côté. Par là…
Policière
Bien sûr…
Aaron Febvre
Nous savions que la route que nous avions empruntée était longue et désertée.
Policière
C’est logique.
Aaron Febvre
Bien, comme vous le voyez, je n’ai pas besoin d’aide.
Policière
Vous ne tenez vraiment pas à ce que je reste ici, Monsieur Febvre.
Aaron Febvre
Pas particulièrement.
Policière
Au moins, vous êtes sincère… Voyons jusqu’à quel point. Pourquoi ?
Aaron Febvre
Je ne comprends pas la question.
Policière
Bien sûr que si. Ne jouez pas les idiots ! Pourquoi voulez-vous que je parte ? Qu’avez-vous à cacher ?
Aaron Febvre
Rien, voyons…
La policière s’approche du coffre de la DS.
Policière
Puis-je regarder à l’intérieur ?
Aaron Febvre
J’aimerais mieux pas.
Policière
Je vais quand même le faire.
Aaron Febvre
Vous n’avez pas besoin d’un mandat pour faire ça ?
La policière s’approche de Aaron.
Policière
Que venez-vous faire dans notre pays, Monsieur Febvre ?
Aaron s’éloigne de la DS.
Aaron Febvre
Ne devriez-vous pas écarter votre véhicule de police du centre de la route ?
Policière
Après que vous ayez répondu à ma question.
Aaron Febvre
Je suis venu en Suisse pour acheter un chalet avec ma mère.
Policière
Un chalet… Dans la région ? Bientôt, la Suisse sera envahie par les Français.
Aaron Febvre
Vous n’aimez pas les Français ?
Policière
Je n’aime pas les gens qui ont des choses à cacher. Et tous les Français ont leurs petits secrets…
Aaron Febvre
Je n’ai aucun secret…
Policière
Vous avez été adopté ?
Aaron sourit.
Aaron Febvre
Vous êtes une très belle femme… On vous l’a déjà dit ?
Policière
Seulement avant que je ne passe les bracelets à ces hommes. Après, ils deviennent moins bavards.
Aaron Febvre
Bon, alors, que décidez-vous ? Vous restez ici avec moi ou vous vaquez à vos occupations ?
Policière
Quelle question ! Je reste.
Juillet 1967. Nuit.
Suisse. Canton d’Uri.
Aaron Febvre et la policière sont assis dans la voiture de police. Elle à l’avant, lui à l’arrière. La voiture est à l’arrêt, garée sur le bas-côté.
Policière
Avez-vous des frères et sœurs, Monsieur Febvre ?
Aaron Febvre
Oui. Je suis le plus âgé…
Policière
Et avez-vous un lien avec la Febvre Corporation ?
Aaron Febvre
Elle appartient à mon père. C’est lui qui l’a créée.
Policière
Vraiment ?
Aaron Febvre
Vous aimeriez rencontrer mon père.
Policière
Pourquoi, c’est un menteur ?
Aaron Febvre
Oui mais il est plus doué que moi.
La policière joue avec un bouton de sa radio.
Aaron Febvre
Pourquoi n’appelez-vous pas vos collègues ?
Policière
J’ai tout le temps pour ça.
Aaron Febvre
Personne ne vous attend ?
Policière
Je fais des rondes, cette nuit. Tant qu’on ne m’appelle pas, je suis tranquille.
Aaron Febvre
On ne risque pas de vous appeler.
Policière
Pourquoi ?
Aaron Febvre
Votre radio est cassée.
Policière
Vous aviez remarqué ?
Aaron Febvre
Les fils, sous la radio, sont débranchés.
Policière
Vous êtes très observateur…
Aaron Febvre
Pourquoi avez-vous coupé les fils ?
Policière
Ils ne sont pas coupés. Ils sont débranchés. Je fais cela quand je veux avoir la paix.
Aaron Febvre
Quelle conscience professionnelle !
Policière
Il ne se passe jamais rien, dans la région. Je ne risque pas de manquer grand-chose.
Aaron croise les bras derrière sa nuque.
Aaron Febvre
Etes-vous vraiment policière ?
Policière
Etes-vous vraiment venu acheter un chalet en Suisse ?
Aaron Febvre
Oui.
Policière
Moi aussi.
La policière rebranche les fils de sa radio.
Policière
Je vais vous le prouver…
Aaron Febvre
Non, ce ne sera pas la peine, je vous crois.
Policière
Mon petit secret restera entre nous ?
Aaron Febvre
N’auriez-vous pas du sang français, finalement, vous aussi ?
Policière
Cela se pourrait. Qui sait ?
Aaron Febvre
Quel est votre nom ?
Policière
Werlin.
Aaron Febvre
Comme le peintre ?
Policière
Sans le H.
La policière tourne le bouton de la radio.
Policière
Je ne capte aucune fréquence. C’est à cause du pont du Diable.
Aaron Febvre
Quel est le rapport ?
Policière
On dit que ce pont a été fait de pierres qui empêchent les ondes radio.
Aaron Febvre
Nous sommes assez éloignés du pont, vous ne pensez pas ?
Policière
Non, je ne pense pas.
Les interférences se succèdent à la radio.
Policière
Pourquoi avez-vous quitté la route ?
Aaron Febvre
Je ne vous l’ai pas dit ?
Policière
Non.
Aaron Febvre
Je croyais… Eh bien, j’ai vu le Diable.
Policière
Vraiment ?
Aaron Febvre
Je ne plaisante pas.
Policière
J’espère bien le contraire, sinon, je vous emmène au poste pour vous faire examiner.
Aaron Febvre
Il portait une cape blanche.
Policière
Qu’est-ce que vous racontez ?
Aaron Febvre
Cet homme, ou cette femme, est sorti du bois vêtu d’un costume noir et d’un masque blanc.
Policière
Que viendrait faire un tel homme ici ?
Aaron Febvre
Je vous l’ai dit, c’est le Diable…
Policière
Ne dîtes donc pas de sottise !
Aaron ouvre sa portière.
Aaron Febvre
Je descends quelques instants.
Policière
Non, vous restez ici, avec moi.
Aaron Febvre
Croyez-moi, là où je vais, vous n’avez pas envie de m’accompagner…
Policière
Je comprends mais soyez rapide, c’est compris ?
Aaron Febvre
Je ferai aussi vite que je le pourrai.
Aaron avance jusque dans les bois. Il disparait derrière les arbres. La policière débranche de nouveau les fils de sa radio. Puis elle descend à son tour de la voiture. Elle s’approche du coffre de la DS.
Policière
J’aimerais bien savoir ce que vous me cachez, Monsieur Febvre…
Elle tente d’ouvrir le coffre mais celui-ci est fermé.
Policière
Evidemment… J’aurais dû m’en douter… Mais peut-être y a-t-il une manette pour ouvrir ce coffre à l’avant de la voiture ?
La policière contourne la DS et approche de la portière du conducteur entrouverte. Elle regarde avec attention le siège puis découvre un petit levier.
Policière
Et voilà… Il suffisait de chercher…
La policière soulève la manette. Le coffre s’ouvre.
Policière
Ah ! Ah…
La policière avance vers le coffre. Aaron surgit du bois.
Aaron Febvre
Que faîtes-vous ?
Policière
Monsieur Febvre, je…
Aaron Febvre
Reculez immédiatement !
Policière
Pourquoi ?
Aaron Febvre
Je vous interdis de regarder ce que contient ce coffre.
Policière
J’ai besoin de savoir.
Aaron Febvre
Vous attendiez que je m’éloigne… Depuis le commencement vous n’aviez que cette idée en tête…
Policière
Oui, je l’avoue.
Aaron Febvre
Vous n’êtes pas quelqu’un d’honnête.
Policière
Je veux vous empêcher de commettre un acte irréparable.
Aaron Febvre
Vous ignorez ce que renferme ce coffre.
Policière
Je me doute un peu de ce qu’il contient… De l’argent ?
Aaron Febvre
Non.
Aaron avance verts le coffre et le ferme brusquement.
Policière
De la drogue ?
Aaron Febvre
Non plus. Cessez de poser des questions !
Policière
Je ne fais que mon travail.
Aaron Febvre
Arrêtez-moi ou allez-vous en !
Policière
Je ne peux pas vous abandonner, Monsieur Febvre.
Aaron Febvre
Pourquoi ? Vous n’êtes même pas policière !
Policière
Que…
Aaron Febvre
Croyez-vous que je ne l’ai pas compris ? Les fils de la radio débranchés, votre conduite étrange… Werlin, c’est vraiment votre nom ou c’était un mensonge, ça aussi ?
La policière met sa main sur son arme rangée à sa ceinture.
Policière
Taisez-vous !
Aaron Febvre
Vous êtes en cavale, n’est-ce pas ?
Policière
Je vous ordonne de vous taire !
Aaron Febvre
Pas tant que vous ne serez pas honnête avec moi !
Policière
Que voulez-vous ?
Aaron Febvre
Le policier à qui appartient cet uniforme, le vrai Werlin, est-il mort ?
La policière sort son arme et la brandit sur Aaron.
Policière
Cela suffit avec vos questions !
Aaron Febvre
Votre arme est vide…
Policière
Comment… Comment pouvez-vous le savoir ?
Aaron Febvre
Sans ça vous l’auriez utilisée depuis longtemps. Vous vous cachez ici, dans ces montagnes… Pourquoi ?
Policière
Je suis Werlin, vous vous trompez…
Aaron Febvre
Je ne crois pas. Posez votre arme ! Parlons posément. Nous pouvons peut-être nous entraider.
Policière
Oh, oui, vous pouvez m’aider, Monsieur Febvre ! Vous pouvez m’être d’une grande aide.
Aaron Febvre
Qu’attendez-vous de moi ?
Policière
Vous et votre mère serez mes otages ! C’est pour cette raison que je ne vous ai pas encore enlevé. Je préfère avoir deux vies entre mes mains plutôt qu’une.
Aaron Febvre
Vous êtes idiote si vous pensez que je vais me laisser faire par une femme non armée.
Aaron avance vers la policière et lui fait baisser son arme.
Policière
Qu’attendez-vous de moi ?
Aaron Febvre
Je vous l’ai dit, vous pourriez m’aider.
Policière
Comment ?
Aaron Febvre
Lorsque ma mère sera revenue, vous aurez disparu.
Policière
Comment cela ?
Aaron Febvre
Avec le contenu de mon coffre.
Policière
Et qu’y a-t-il dedans ?
Aaron Febvre
Tout ce que je veux, c’est que vous fassiez chuter votre voiture depuis le pont du Diable. A défaut d’empêcher les ondes radio de nous atteindre, il pourrait s’avérer utile.
Policière
De quoi voulez-vous tant vous débarrasser ?
Aaron Febvre
D’un objet encombrant.
Policière
Qui est à l’intérieur de ce coffre ?
Aaron Febvre
M’aiderez-vous ?
Policière
Cela dépend, qu’est-ce que j’y gagne ?
Aaron Febvre
J’ai beaucoup d’argent. Retrouvez-moi chez mon père, à Cannes, au Castel dans une semaine…
Policière
Au Castel ? Vous habitez un château ?
Aaron Febvre
Précisément.
Policière
Je veux une garantie.
Aaron Febvre
Je suis navré. Il va falloir me faire confiance.
Policière
C’est facile à dire...
Aaron Febvre
Une femme en cavale telle que vous doit avoir un réel besoin d’argent. Je me trompe ?
Policière
Non, mais je…
Aaron Febvre
Il va falloir vous décider, Werlin… Me donnerez-vous un coup de main ?
Policière
Je… Je ne sais pas.
Aaron Febvre
Voyons, vous étiez prête à m’enlever et voici que maintenant, vous vous posez des questions existentielles.
Policière
Si je lance la voiture que je possède dans le précipice, comment échapperai-je à la police ?
Aaron s’approche du coffre.
Aaron Febvre
Ma mère possède une tenue de rechange dans mon coffre. Je vais vous la donner.
Policière
Vous voulez vraiment que je me fasse passer pour votre mère ?
Aaron Febvre
Bien sûr que non. Vous échapper sera votre problème, pas le mien.
Policière
Mon problème ?
Aaron Febvre
Vous trouverez bien un moyen. Rejoignez-moi au Castel dans une semaine… Vous aurez votre argent.
Aaron ouvre le coffre.
Aaron Febvre
Il va falloir transporter son contenu dans votre voiture.
Policière
Et donc, qui est dedans ?
Aaron Febvre tend une valise à Werlin.
Aaron Febvre
Tenez, changez-vous !
Policière
Très bien…
La policière avance dans les bois, là où avait disparu Aaron.
Aaron Febvre
A nous deux…
Aaron saisit un corps capuchonné dans le coffre de la DS.
Juillet 1967. Petit matin.
Suisse. Canton d’Uri.
Le soleil commence à se lever. Werlin s’est changé. Elle porte désormais une tenue de Isabelle Febvre. Elle ouvre le coffre de la voiture de police garée sur le pont du Diable. Aaron Febvre l’aide à sortir le corps.
Werlin
Je veux un million de francs.
Aaron Febvre
Tout ce que vous voudrez mais aidez-moi !
Werlin
Je vous fais confiance, ne me trahissez pas !
Aaron Febvre
Soyez plus efficace. Si ma mère revient et qu’elle ne me trouve pas au lieu de l’accident, elle aura des soupçons et je ne veux pas être impliqué dans ce meurtre.
Werlin
Et quand me direz-vous qui est cet homme que vous avez tué ?
Aaron Febvre
Il n’est pas encore mort…
Werlin
Vous plaisantez ?
Aaron Febvre
Je vous donne l’air de m’amuser follement, là ?
Werlin
Il est en vie ?
Aaron Febvre
Juste endormi.
Werlin
Mais vous êtes fou !
Werlin lâche le corps qui tombe au sol, sur le goudron (elle tenait la tête).
Aaron Febvre
Ressaisissez-vous, bon sang, Werlin ! Nous n’avons pas toute la nuit.
Werlin
Je n’ai jamais tué quiconque autrement que par nécessité.
Aaron Febvre
Je suis très impressionné, vous êtes une sainte. Maintenant, aidez-moi !
Werlin
Non !
Aaron Febvre
Comment ça, non ?
Werlin
Le policier que j’aie tué… C’était un accident. Je ne voulais pas… Il me fallait sa voiture… Il s’est approché de moi… J’ai vu une occasion de lui échapper… Je me suis emparée de son arme et j’ai tiré. Mais c’était lui ou moi.
Aaron Febvre
Là aussi, vous n’avez pas le choix.
Werlin
Monsieur Febvre, vous n’avez jamais tué personne, n’est-ce pas ?
Aaron Febvre
Non.
Werlin
Ne commettez pas cette erreur !
Aaron Febvre
Je le fais pour le bien de ma famille.
Werlin
Mais qui est-ce, à la fin ?
Aaron Febvre
Mon père !
Werlin retire le capuchon du visage du corps ligoté au sol. Bertrand Febvre est inconscient.
Werlin
Votre propre père…
Aaron Febvre
Cet homme est un monstre. Il a violé mes sœurs…
Werlin
Il mérite la prison, pas la mort !
Aaron Febvre
On voit bien que ce n’était pas vos sœurs ! Depuis l’âge de dix ans, je le vois faire sans jamais agir ! Savez-vous à quel point tout cela m’a rendu fou ?
Werlin
Ecoutez, je peux tout à fait imaginer ce que vous ressentez mais…
Aaron Febvre
Non, non, vous ne pouvez pas…
Aaron retire ses gants, dévoilant ses mains brûlées.
Aaron Febvre
Incapable de dénoncer mon père ni de m’opposer à lui, je me suis brûlé.
Werlin
Brûlé ?
Aaron Febvre
Je me suis aspergé d’essence et je me suis mis le feu.
Werlin
Mon Dieu !
Aaron Febvre
C’est lui ou moi… Mon père ou ses enfants… Et j’ai choisi mon camp.
Werlin
Vous ne voulez pas devenir aussi dangereux que votre père, Aaron, n’est-ce pas ?
Aaron Febvre
Ce n’est pas une meurtrière en cavale qui me fera changer d’avis…
Aaron tire son père vers un côté du pont.
Aaron Febvre
Je voulais me débarrasser du corps de Bertrand au cours de ces deux jours en Suisse, là où personne ne serait venu chercher le corps mais cet étrange personnage sur la route a compromis mes plans… Hélas pour lui, seulement pour un temps.
Aaron soulève le corps de Bertrand Febvre.
Aaron Febvre
Je vais enfin libérer ma famille de ce monstre !
Werlin
Non ! Ne faîtes pas ça !
Werlin saisit Aaron par les hanches. Bertrand tombe de nouveau au sol.
Aaron Febvre
Lâchez-moi, Werlin !
Werlin
Non ! Je suis là pour vous aider ! Je vais vous apporter mon soutien mais pas comme vous le désirez…
Aaron Febvre
Ne me mettez pas en colère !
Werlin
Vous pourriez trouver une autre solution.
Aaron Febvre
Laquelle ? Mon père est un criminel ! Il ne s’arrêtera jamais !
Werlin
Il peut changer !
Aaron Febvre
Il ne changera jamais ! Je le connais !
Werlin
Moi, si je le pouvais, je changerais tout ce qu’il m’est arrivé ces dernières heures. La mort de ce policier qui cherchait une simple voleuse, notre rencontre, les menaces que j’ai proféré à votre encontre.
Aaron Febvre
Si vous ne me laissez pas agir, Werlin, je vais devoir vous en empêcher !
Werlin
Alors quoi ? Quand vous arrêterez-vous, Aaron ? Quand ?
Aaron Febvre
Quand mon père sera mort !
Aaron prend le corps de son père entre ses mains et le soulève.
Aaron Febvre
Cette fois, j’en finis une bonne fois pour toutes avec ce violeur d’enfants !
Aaron s’apprête à jeter son père dans les gorges de la Schöllenen quand il reçoit une balle qui perfore son thorax. Il tombe au sol. Sa vue se trouble. Werlin monte dans la voiture et disparait. Avant de s’évanouir, Aaron entend des pas qui se rapprochent de lui.
Juillet 1967. Quelques heures plus tard.
Suisse. Canton d’Uri.
Aaron Febvre reprend péniblement connaissance dans la DS accidentée, allongé à la place du mort. Isabelle Febvre est à ses côtés, assise à la place du conducteur.
Aaron Febvre
Maman ?
Isabelle Febvre
Mon petit Aaron, comment vas-tu ?
Aaron Febvre
Que… Que m’est-il arrivé ?
Isabelle Febvre
On t’a tiré dessus.
Aaron Febvre
Qui ?
Isabelle Febvre
La police recherche une femme d’une trentaine d’année qui a tué un policier dans la journée d’hier.
Aaron Febvre
Werlin…
Isabelle Febvre
Oui, c’est bien ce nom. Où l’as-tu entendu ?
Aaron Febvre
A… A la station –service. J’ai entendu un journaliste qui parlait de ce pauvre homme à la radio.
Isabelle Febvre
Cette femme serait une voleuse qu’on aurait prise sur le fait. Elle aurait abattu ce policier et prit la fuite en empruntant cette route. Tu as dû la croiser sans même t’en apercevoir…
Aaron Febvre
Et papa ?
Isabelle Febvre
Oui ?
Aaron Febvre
Où est Papa ?
Isabelle Febvre
Au Castel, où veux-tu qu’il soit ?
Aaron Febvre
Bien sûr…
Aaron regarde autour de lui et aperçoit une dépanneuse sur la route.
Aaron Febvre
Alors, tu as trouvé quelqu’un pour nous aider…
Isabelle Febvre
Oui mais cela n’a pas été sans mal.
Aaron Febvre
Moi, j’ai mal.
Isabelle Febvre
Je ne pouvais pas savoir que tu avais été blessé. Je n’ai pas été chercher du secours mais dès que nous serons arrivés en ville, je t’amènerai à l’hôpital.
Aaron Febvre
Merci.
Isabelle Febvre
Ne me remercie pas… Prie plutôt ton ange gardien.
Aaron regarde son torse, brûlé mais bandé.
Aaron Febvre
Qui m’a soigné ?
Isabelle Febvre
Je l’ignore…
Aaron Febvre
Werlin ?
Isabelle Febvre
Je la vois mal te soigner après t’avoir abattu.
Aaron Febvre
Qui, alors ?
Isabelle Febvre
Et pourquoi pas l’homme que tu as aperçu ?
Aaron Febvre
Celui qui portait une cape blanche ? Celui qui a causé l’accident ?
Isabelle Febvre
Oui.
Aaron Febvre
Je ne comprends pas pourquoi il aurait fait cela. Et puis, que faisait-il sur la route, pour commencer ?
Isabelle Febvre
Je ne sais pas. C’est comme s’il avait cherché à nous empêcher d’aller au chalet suisse. Comme s’il…
Aaron Febvre
Comme s’il s’avait…
Isabelle Febvre
Mais savait quoi ?
Aaron rit mais cela lui fait mal.
Aaron Febvre
Tu avais raison. C’est bien mon ange gardien. J’étais devenu fou… Il m’a rendu la raison. Maman, oh, maman, si tu savais ce que je m’apprêtais à faire.
Isabelle Febvre
Mais qu’as-tu donc fait ?
Aaron Febvre
Rien. Il m’a empêché d’agir. La première fois, il a causé notre accident pour me permettre de réfléchir… Et puis, comme je n’ai pas changé d’avis, il m’a tiré dessus mais il ne voulait pas me tuer et il m’a sauvé. Mais à la réflexion, je me demande si c’est réellement moi qu’il a sauvé.
Isabelle Febvre
Qui d’autre ?
Aaron Febvre
Il semble très protecteur avec celui que je m’apprêtais à… Quel lien peut-il bien les unir ?
Isabelle Febvre
Je ne comprends rien à ce que tu dis…
Aaron Febvre
Tu n’as qu’à te convaincre que je dis des choses sans fondement.
Isabelle Febvre
A cause de la balle que tu as reçue ?
Aaron Febvre
C’est cela.
Isabelle caresse les cheveux de son fils.
Aaron Febvre
Maman…
Isabelle Febvre
Oui ?
Aaron Febvre
Peux-tu me rendre un service ?
Isabelle Febvre
Lequel ?
Aaron Febvre
Veux-tu bien ouvrir le coffre de notre voiture ?
Isabelle Febvre
Le coffre ? Mais pour quoi faire ?
Aaron Febvre
Veux-tu bien faire plaisir à ton fils blessé ?
Isabelle Febvre
Très bien… Mais tu dis des choses de plus en plus étranges…
Aaron Febvre
Je voudrais juste être sûr…
Isabelle embrasse son fils sur la joue et lève la manette d’ouverture puis elle quitte le véhicule et s’approche du coffre.
Aaron Febvre
Alors ? Qu’y a-t-il dedans ?
Isabelle Febvre
Ma valise ! Ca alors ! Elle a disparu !
Aaron Febvre
Et, c’est tout ?
Isabelle Febvre
Oui, quoi d’autre ?
Aaron sourit en regardant l’endroit d’où Cape Blanche avait surgit.
Juillet 1967. Le soir venu.
Cannes. Castel.
Bertrand Febvre, inconscient, est allongé sous les draps rouges du lit de sa chambre. Cape Blanche l’observe en silence.
Cape Blanche
Bertrand, réveille-toi !
Bertrand ouvre les yeux.
Cape Blanche
Il faut que je te parle.
Bertrand Febvre
Père ? Que faîtes-vous ici ?
Cape Blanche
Je t’ai sauvé la vie, aujourd’hui.
Bertrand Febvre
Je ne me souviens de rien… Et je me sens si mal…
Cape Blanche
Tu as été drogué…
Bertrand Febvre
Par qui ?
Cape Blanche
Peu importe…
Bertrand Febvre
Avez-vous essayé de me tuer, Père ?
Cape Blanche
Non, pas moi… Bertrand, si je suis venu, c’était pour te sauver la vie, pas pour t’achever…
Bertrand Febvre
Père, je n’ai pas besoin de votre aide. Je sais que vous m’avez pardonné.
Cape Blanche
Je t’avais pardonné en 1947 mais vingt ans ont passé depuis et tes péchés n’ont cessé de s’accroître.
Bertrand Febvre
Je suis désolé.
Cape Blanche
Tu es toujours désolé.
Bertrand Febvre
Me retirez-vous votre pardon ?
Cape Blanche
Tôt ou tard, Bertrand, tu devras payer pour tes actes.
Bertrand Febvre
Père, n’êtes-vous pas en âge de mourir ?
Cape Blanche
Notre affrontement est inéluctable.
Bertrand Febvre
Vous voulez vous battre ? Vous ? Un vieillard ! Contre moi ? Ah ! Ah ! Ah !
Cape Blanche
Tu ne me laisses pas le choix.
Bertrand Febvre
Quand ?
Cape Blanche
Je te laisse décider du jour et de la date.
Bertrand Febvre
Depuis le temps que vous souhaitez me voir mourir… Vous n’avez d’yeux que pour Bernard.
Cape Blanche
Bernard est aussi perdu que toi.
Cape Blanche se lève et s’approche de Bertrand.
Cape Blanche
Juliette naîtra, à présent, je n’ai plus aucun intérêt à te laisser la vie sauve.
Bertrand Febvre
Qui est Juliette ?
Cape Blanche
Tu le sauras bien un jour…
Bertrand Febvre
Vous voulez tout contrôler, n’est-ce pas, Père ? Mais c’est impossible ! Je suis un homme libre ! Les chaînes dont vous m’avez entravé ont été brisées ! Je n’ai plus rien à craindre de vous…
Cape Blanche se dirige vers la porte de la chambre. Il l’ouvre. Avant de la franchir, il ajoute :
Cape Blanche
A bientôt, mon fils…
Bertrand Febvre
C’est cela, Père ! Revenez vite ! Je vous attends !
Cape Blanche
Je ne suis plus aussi faible qu’avant, Bertrand… J’ai tiré sur un homme, aujourd’hui… Ce n’est qu’une question de temps avant que je ne sois prêt.
Bertrand Febvre
J’ai hâte !
A suivre…
Juillet 1967. Après-midi.
Suisse. Canton d’Uri.
Une Citroën DS rouge est garée devant la pompe à essence d’une station-service. Isabelle Febvre, en tailleur et minijupe rose est assise à la place du mort. Aaron Febvre, âgé de vingt ans, porte un costume noir. Il remplit le réservoir d’essence.
Isabelle Febvre
Dépêche-toi, Aaron ou nous n’arriverons jamais à l’heure à notre rendez-vous.
Aaron Febvre
Nous ne sommes pas en retard, Maman.
Isabelle Febvre
Je m’inquiète juste de ce que dira ton père s’il apprenait que nous avons manqué la vente de ce chalet auquel il tient tant.
Aaron Febvre
Cela n’arrivera pas. Nous serons à l’heure. Nous ne sommes plus si loin de notre destination, maintenant.
Isabelle Febvre
Si tu le dis…
Aaron ferme le réservoir de la voiture.
Aaron Febvre
Je vais payer et nous partons.
Isabelle Febvre
Fais vite !
Aaron Febvre
Je n’en ai pas pour longtemps, Maman…
Isabelle Febvre
Je compte sur toi.
Aaron part en direction d’une petite maison. Isabelle regarde son visage dans le rétroviseur. Elle sort un bâton de rouge à lèvre de son sac à main. Elle se maquille. Aaron revient.
Aaron Febvre
Me voilà, tu vois Maman, je n’ai pas mis longtemps !
Isabelle Febvre
Tu as été parfait, comme toujours.
Aaron Febvre
N’exagérons rien !
Aaron s’assied à la place du conducteur. La voiture démarre. Isabelle observe les mains gantées de son fils.
Isabelle Febvre
Comment va ta main droite, Aaron ?
Aaron Febvre
Je n’ai plus mal.
Isabelle Febvre
C’est bien vrai ?
Aaron Febvre
Pourquoi me poses-tu la question ?
Isabelle Febvre
Pardonne-moi… Je m’inquiète seulement.
Aaron Febvre
Je vais bien, Maman.
Isabelle Febvre
J’aimerais que tu m’expliques un jour comment tu t’es blessé aux deux mains.
La voiture quitte la station-service et s’engage sur une route montagneuse.
Aaron Febvre
C’était un accident. Tu ne t’es jamais blessée, toi ?
Isabelle Febvre
Si, bien sûr.
Aaron Febvre
Je ne fais aucun mystère de ce qu’il m’est arrivé. Je n’ai pas envie d’en parler, voilà tout.
Isabelle Febvre
Comme tu voudras… mais ton père et moi nous nous inquiétons à ton sujet.
Aaron Febvre
Papa s’inquiéterait pour quelqu’un d’autre que pour lui-même ?
Isabelle Febvre
Ne sois pas méchant avec ton père.
Aaron Febvre
C’était un simple constat.
Isabelle Febvre
Il t’aime. N’en doute jamais !
Aaron Febvre
Tant qu’il m’aime moins que mes deux sœurs, cela me va…
Isabelle Febvre
Je t’interdis de parler de ce qu’il fait à tes sœurs…
Aaron Febvre
Tu vois, Maman ? Je ne suis pas le seul à avoir mes petits secrets.
Isabelle Febvre
Ton père pourrait aller en prison pour ce qu’il fait subir à nos jumelles. Ce n’est pas ce que tu veux ?
Aaron pousse un profond soupir. La voiture s’engage dans un tunnel.
Juillet 1967. Une demi-heure plus tard.
Suisse. Canton d’Uri.
La voiture traverse un long point. Isabelle Febvre met un foulard dans ses cheveux. Aaron Febvre conduit, l’esprit ailleurs.
Isabelle Febvre
Tu n’es pas concentré sur la route, Aaron. Tu vas nous faire avoir un accident.
Aaron Febvre
Mais non, Maman.
Isabelle Febvre
A quoi songes-tu ?
Aaron Febvre
A ce que m’a dit Papa avant que nous ne quittions la maison mais je ne peux pas t’en parler. Je le lui ai promis.
Isabelle Febvre
Je vois… Encore un secret.
Aaron Febvre
Es-tu fâchée ?
Isabelle Febvre
Non… Tu ne me dirais rien, même si j’insistais ?
Aaron Febvre
Je resterais muet.
Isabelle Febvre
Alors parlons d’autre chose… Mais je t’en prie, regarde la route, Aaron !
Aaron Febvre
Promis, je ferai attention.
Isabelle Febvre
Avec toutes ces falaises, ce n’est pas le moment d’avoir un accident. Ce serait fatal.
Aaron baisse sa vitre. La voiture poursuit son chemin sur une route à flanc de montagne.
Aaron Febvre
Sais-tu comment s’appelle le pont que nous venons de franchir ?
Isabelle Febvre
Non. Aurait-il un nom particulier ?
Aaron Febvre
Oui, c’est le Pont du Diable.
Isabelle Febvre
Quel nom étrange…
Aaron Febvre
Le Diable… Tu l’as déjà affronté, n’est-ce pas, Maman ?
Isabelle Febvre
Tu veux parler de… de ce qu’il s’est passé dans cette école, il y a dix ans ?
Aaron Febvre
Oui. De ces enfants cannibales.
Isabelle Febvre
Je n’aurais jamais dû t’en parler.
Aaron Febvre
Regrettes-tu de t’être confiée ?
Isabelle Febvre
Je n’en avais pas le droit.
Aaron Febvre
Comment cela ? Pourquoi ?
Isabelle Febvre
Les fillettes de cette école m’ont laissée partir parce que j’avais accepté de garder le secret de leurs existences.
Aaron Febvre
Sinon, elles t’auraient tuée, n’est-ce pas ? Comme elles ont tué cette petite fille noire et notre ancien jardinier.
Isabelle Febvre
Oui, Aaron. Exactement.
Aaron Febvre
Mais qu’étaient ces fillettes en réalité ?
Isabelle Febvre
Nous ne le saurons jamais. D’autant qu’elles ont disparu, aujourd’hui.
Aaron Febvre
Oui, le soir-même où tu nous as parlé d’elles. Papa a appelé la police qui s’est rendue sur les lieux mais l’école était déserte. Les fillettes et les nonnes avaient disparu.
Isabelle Febvre
Parfois, je me demande si je n’ai pas imaginé toute cette histoire.
Aaron Febvre
Les cadavres de la petite écolière et de l’intendant prouvent le contraire.
Isabelle Febvre
J’en conviens… Mais j’avais donné ma parole que je ne dirais rien.
Aaron Febvre
De quoi as-tu peur ?
Isabelle Febvre
Qu’elles cherchent à se venger de moi.
Aaron sourit.
Aaron Febvre
Cette histoire est terminée, Maman. N’aies donc pas si peur…
Isabelle Febvre
Quand me parleras-tu de tes mains ?
Aaron Febvre
Voilà que tu recommences…
Isabelle Febvre
Je suis ta mère, Aaron. J’ai besoin de savoir.
Aaron Febvre
Je te le répète, c’était un accident.
Isabelle Febvre
Comment as-tu fait pour te brûler les deux mains ?
Aaron Febvre
J’ai voulu sortir quelque chose des flammes.
Isabelle Febvre
Quoi ?
Aaron Febvre
Quelque chose qui brûlait… Quelque chose que je voulais récupérer.
Isabelle Febvre
Tu fais bien des mystères. Et je me demande…
Aaron Febvre
Tu te demandes si seules mes mains ont été brûlées, n’est-ce pas ?
Isabelle Febvre
Il fait extrêmement chaud aujourd’hui et tu portes un costume. Cacherais-tu tes bras ?
Aaron donne un violent coup de frein. La voiture s’arrête.
Aaron Febvre
Que crois-tu qu’il me soit arrivé, Maman ?
Isabelle Febvre
Je n’ai aucune preuve mais je pense que tu es plus grièvement blessé que tu ne veux bien l’avouer. Jusqu’où as-tu brûlé ?
Aaron Febvre
Seul… Seul mon visage a été épargné.
Isabelle Febvre
Seigneur ! Aaron !
Aaron Febvre
Je ne voulais rien te dire pour ne pas t’inquiéter.
Isabelle Febvre
Je suis ta mère. C’est normal que je sache ce genre de choses. Comment t’es-tu brûlé ?
Aaron Febvre
C’était l’automne dernier.
Isabelle Febvre
Alors tous les mois où tu as été absent du Castel, tu étais dans un hôpital ?
Aaron Febvre
On me soignait.
Isabelle Febvre
Où cela ?
Aaron Febvre
En Suisse, justement.
Isabelle Febvre
Si j’avais su, je serais venu te rendre visite ! Je t’aurais apporté mon soutien.
Aaron Febvre
Je ne voulais pas que tu quittes le Castel. Pour le bien des jumelles ! Papa est fou. Dieu seul sait ce qu’il aurait pu leur faire si tu les avais quittées quelques temps.
Isabelle Febvre
Je les aurais emmenées avec moi !
Aaron Febvre
Papa ne t’aurait jamais laissée faire.
Isabelle Febvre
Probablement pas, non. Tu as raison… Donc, tu t’es sacrifié pour le bien de tes sœurs !
Aaron Febvre
Béatrice et Viviane devaient être protégées.
Isabelle Febvre
Mais aujourd’hui, je suis venue avec toi. N’as-tu pas peur de ce qu’il pourrait leur arriver ?
Aaron Febvre
Non. Bertrand ne les touchera plus jamais.
Isabelle Febvre
Comment peux-tu en être sûr ?
Aaron Febvre
J’ai fait ce qu’il faut.
Isabelle Febvre
Aaron ! J’espère que tu ne t’es pas opposé à ton père !
Aaron Febvre
Il fallait bien que quelqu’un le fasse.
Isabelle Febvre
Mais il pourrait se mettre très en colère.
Aaron Febvre
Si tu avais survécu aux flammes de l’enfer, tout comme moi, tu n’aurais pas peur d’affronter papa.
Isabelle Febvre
Ne te surestime pas, Aaron ! Bertrand a beaucoup de pouvoir.
Aaron Febvre
Je crois qu’il me respecte encore plus depuis que je me suis opposé à lui.
Isabelle Febvre
De tous ses enfants, tu es celui qu’il aime le plus.
Aaron Febvre
Je lui ai donné une raison de m’admirer.
Isabelle Febvre
Ton père pourrait-il vraiment admirer quelqu’un ?
Aaron Febvre
Et toi, Maman, sachant ce que j’ai fait, m’aimes-tu davantage ?
Isabelle Febvre
Tu as vingt ans, aujourd’hui, Aaron. Ce n’est pas l’amour d’une mère que tu devrais chercher mais celui d’une jeune femme.
Aaron Febvre
Peux-tu imaginer quel corps est le mien, désormais ? Jamais une femme ne pourra m’aimer. Seule ma mère pourrait le faire.
Isabelle Febvre
Tes brûlures ne changeront rien, Aaron. Crois-moi, si Bertrand a pu rencontrer l’amour, tu le pourras, toi aussi.
Aaron Febvre
Il me fait confiance, c’est ce qui est le plus important pour moi.
La voiture disparait derrière un virage. Isabelle regarde une montre à son poignet.
Juillet 1967. Après-midi. Dix minutes plus tard.
Suisse. Canton d’Uri.
La voiture file à vive allure sur un chemin boisé. Isabelle Febvre s’est endormie. Aaron Febvre conduit paisiblement.
Aaron Febvre
Elle dort… La chaleur la fatigue, certainement…
Soudain, surgissant des arbres quelques mètres en avant, Cape Blanche paraît sur la route. Aaron pousse un cri. Isabelle ouvre les yeux. Aaron donne un coup de volant sur la droite, la voiture quitte la route et percute un platane. Cape Blanche disparait aussitôt par l’endroit d’où il est venu.
Aaron Febvre
Oh, mon Dieu… Que s’est-il passé ?
Aaron se tourne vers sa mère.
Aaron Febvre
Maman ? Maman, réveille-toi !
La tête de Isabelle repose sur le côté droit de son siège. Aaron lui caresse délicatement la joue.
Aaron Febvre
Elle est inconsciente…
Isabelle lève lentement son bras droit.
Aaron Febvre
Maman !
Isabelle Febvre
Aaron, que s’est-il passé ?
Aaron Febvre
Nous… Nous avons eu un accident.
Isabelle Febvre
Pourquoi ?
Aaron Febvre
Il y avait quelqu’un sur la route. J’ai cherché à l’éviter mais…
Isabelle ouvre péniblement sa portière.
Isabelle Febvre
Est-ce que cette personne est blessée ?
Aaron regarde la route.
Aaron Febvre
Je ne pense pas…
Isabelle fait quelques pas pour observer le pare-choc enfoncé de la Citroën.
Isabelle Febvre
On ne pourra pas redémarrer.
Aaron Febvre
Non, je ne crois pas. Est-ce que tu as mal, Maman ?
Isabelle Febvre
Non, Aaron, je vais bien. Je suis juste un peu étourdie.
Aaron Febvre
Tu as perdu connaissance.
Isabelle Febvre
Seulement un instant… Je te dis que ça va aller.
Aaron descend à son tour du véhicule.
Aaron Febvre
J’ai fait du joli travail.
Isabelle Febvre
Ce n’est pas ta faute, mon fils…
Aaron regarde de nouveau la route.
Aaron Febvre
Tout est de ma faute.
Isabelle Febvre
Tu n’es pas responsable. Pas plus que moi lorsque je suis allée travailler dans cette école maudite.
Aaron Febvre
J’aurais pu te tuer.
Isabelle Febvre
Tu aurais pu te blesser, aussi.
Aaron Febvre
Ma vie ne compte pas. Seule toi es importante à mes yeux.
Isabelle Febvre
Je n’aime pas quand tu parles ainsi.
Aaron Febvre
Pourquoi ?
Isabelle Febvre
Je suis ta mère. Pas ta fiancée.
Aaron Febvre
Il est normal que je m’inquiète pour la santé de ma mère.
Isabelle fait quelques pas sur la route.
Isabelle Febvre
Tant que cela reste de l’inquiétude, je n’ai rien à redire.
Aaron Febvre
De quoi as-tu peur ?
Isabelle Febvre
Je ne veux pas que tu tombes amoureux de moi comme ton père aime tes sœurs.
Aaron Febvre
C’est donc cela qui t’inquiète ?
Isabelle Febvre
Trouve-toi une fiancée et je serai rassurée.
Aaron s’appuie contre un tronc d’arbre.
Aaron Febvre
Que fait-on ?
Isabelle Febvre
Cette route n’a pas l’air d’être souvent empruntée.
Aaron Febvre
C’est le moins que l’on puisse dire.
Isabelle Febvre
Nous devrions aller chercher du secours.
Aaron Febvre
Et abandonner la voiture ?
Isabelle Febvre
Vu son état, nous ne risquons pas qu’on nous la vole.
Aaron Febvre
Je refuse d’abandonner la DS de papa.
Isabelle Febvre
Mais enfin, Aaron ! Cette voiture ne roulera plus jamais !
Aaron Febvre
Et nos bagages dans le coffre, qu’en feras-tu ?
Isabelle Febvre
Ils n’ont aucune valeur. Ce ne sont que quelques toilettes.
Aaron Febvre
Quelques toilettes…
Isabelle Febvre
Non ?
Aaron Febvre
Si… Tu as raison. Mais je pense que l’un de nous devrait tout de même rester près de la voiture.
Isabelle Febvre
Tu me caches quelque chose.
Aaron Febvre
Non.
Isabelle Febvre
Si, je le vois bien. Pourquoi ne veux-tu pas abandonner cette voiture ?
Aaron Febvre
J’ai… mes raisons.
Isabelle Febvre
Ne veux-tu rien me dire ?
Aaron Febvre
Non.
Isabelle Febvre
Alors, tu restes ici. Je vais marcher le long de la route et essayer de trouver quelqu’un… Peut-être y a-t-il un village près d’ici ?
Aaron Febvre
Peut-être oui. Moi, je t’attendrai. Es-tu bien sûre que cela ira ?
Isabelle hoche la tête et part en boitant le long de la route. Quand elle s’est suffisamment éloignée, Aaron fait le tour de sa voiture et ouvre le coffre. Il observe l’intérieur avec résignation.
Juillet 1967. Soir.
Suisse. Canton d’Uri.
La nuit commence à tomber. Aaron Febvre est assis à la place du conducteur. Il allume les phares de sa voiture.
Aaron Febvre
Maman, que fais-tu ? Pourquoi ne reviens-tu pas ?
Il sort de la voiture et s’approche du coffre.
Aaron Febvre
J’espère qu’elle ne reviendra pas avec la police… Sinon, je serais perdu…
Le bruit d’un moteur résonne dans la montagne.
Aaron Febvre
Quelqu’un vient !
Aaron court se placer au centre de la route. Il agite ses bras pour faire signe au conducteur du véhicule en approche.
Aaron Febvre
Je vous en prie, arrêtez-vous !
Une voiture apparaît au loin, dans la direction empruntée par la DS précédemment. Les phares sont allumés et empêchent Aaron de voir de quel véhicule il s’agit.
Aaron Febvre
Seigneur, faîtes que ce ne soit pas la police !
La voiture ralentit. Les phares restent allumés.
Aaron Febvre
Je ne vois rien… Eteignez vos lumières, s’il vous plaît !
Les phares s’éteignent.
Aaron Febvre
Non… Pas ça…
C’est un véhicule de police.
Aaron Febvre
Il faut que je le fasse partir…
La vitre de la voiture de police se baisse.
Voix de femme
Monsieur ? Je peux vous aider ?
Aaron Febvre
C’est une femme…
Voix de femme
Pardon ? Parlez plus fort, je n’ai pas compris ce que vous disiez…
Aaron Febvre
Non, c’est bon, je vais m’en tirer…
Voix de femme
Vous en tirer ? De quoi parlez-vous ?
Aaron Febvre
J’ai eu… un léger accident de voiture. Rien de dramatique.
Voix de femme
Laissez-moi voir.
Aaron Febvre
Non, ce n’est pas la peine, je vous assure.
Voix de femme
J’insiste.
La femme, d’une trentaine d’années, en uniforme, brune, magnifique, descend de voiture.
Femme
Vous êtes français ?
Aaron Febvre
Oui.
Femme
Vos papiers, s’il vous plaît…
Aaron Febvre
Oui, Madame…
Aaron sort son permis de conduire et sa carte d’identité d’une poche de son costume.
Femme
Voyons…
La policière s’empare des papiers de Aaron.
Aaron Febvre
Je vous assure que je peux m’en tirer seul.
Policière
Alors pour quelle raison vous trouviez-vous au centre de la route ?
Aaron Febvre
Je voulais simplement avertir les autres véhicules qu’il y avait du verre sur la chaussée.
Policière
C’est très prévenant.
Aaron Febvre
Merci.
Policière
Ce n’était pas un compliment.
Aaron Febvre
Non ?
Policière
Non. C’était stupide. Vous auriez pu vous faire renverser. Vous n’avez pas songé à klaxonner pour avertir de votre présence ? Cela aurait été plus prudent.
Aaron Febvre
L’idée est bonne, je n’y avais pas songée.
La policière approche de la DS.
Policière
Vous avez fait un joli carton. Vous êtes blessé ?
Aaron Febvre
Non.
Policière
Vous saignez…
Aaron Febvre
Ah bon ?
Policière
Vous êtes coupé… au front.
Aaron porte sa main sur son front. Il ne saigne pas.
Policière
Je vous ai eu.
Aaron Febvre
A quoi jouez-vous ?
Policière
C’était un test pour voir si vous aviez bu.
Aaron Febvre
Vous auriez aussi bien pu me le demander.
Policière
M’auriez-vous dit la vérité si vous aviez bu ?
Aaron Febvre
Probablement pas, non.
La policière caresse la tôle de la porte avant droite.
Policière
Vous êtes seul ?
Aaron Febvre
Oui… Enfin, non.
Policière
Oui ou non ?
Aaron Febvre
Ma mère est partie chercher du secours.
Policière
Je n’ai vu personne sur la route.
Aaron Febvre
Elle est partie de l’autre côté. Par là…
Policière
Bien sûr…
Aaron Febvre
Nous savions que la route que nous avions empruntée était longue et désertée.
Policière
C’est logique.
Aaron Febvre
Bien, comme vous le voyez, je n’ai pas besoin d’aide.
Policière
Vous ne tenez vraiment pas à ce que je reste ici, Monsieur Febvre.
Aaron Febvre
Pas particulièrement.
Policière
Au moins, vous êtes sincère… Voyons jusqu’à quel point. Pourquoi ?
Aaron Febvre
Je ne comprends pas la question.
Policière
Bien sûr que si. Ne jouez pas les idiots ! Pourquoi voulez-vous que je parte ? Qu’avez-vous à cacher ?
Aaron Febvre
Rien, voyons…
La policière s’approche du coffre de la DS.
Policière
Puis-je regarder à l’intérieur ?
Aaron Febvre
J’aimerais mieux pas.
Policière
Je vais quand même le faire.
Aaron Febvre
Vous n’avez pas besoin d’un mandat pour faire ça ?
La policière s’approche de Aaron.
Policière
Que venez-vous faire dans notre pays, Monsieur Febvre ?
Aaron s’éloigne de la DS.
Aaron Febvre
Ne devriez-vous pas écarter votre véhicule de police du centre de la route ?
Policière
Après que vous ayez répondu à ma question.
Aaron Febvre
Je suis venu en Suisse pour acheter un chalet avec ma mère.
Policière
Un chalet… Dans la région ? Bientôt, la Suisse sera envahie par les Français.
Aaron Febvre
Vous n’aimez pas les Français ?
Policière
Je n’aime pas les gens qui ont des choses à cacher. Et tous les Français ont leurs petits secrets…
Aaron Febvre
Je n’ai aucun secret…
Policière
Vous avez été adopté ?
Aaron sourit.
Aaron Febvre
Vous êtes une très belle femme… On vous l’a déjà dit ?
Policière
Seulement avant que je ne passe les bracelets à ces hommes. Après, ils deviennent moins bavards.
Aaron Febvre
Bon, alors, que décidez-vous ? Vous restez ici avec moi ou vous vaquez à vos occupations ?
Policière
Quelle question ! Je reste.
Juillet 1967. Nuit.
Suisse. Canton d’Uri.
Aaron Febvre et la policière sont assis dans la voiture de police. Elle à l’avant, lui à l’arrière. La voiture est à l’arrêt, garée sur le bas-côté.
Policière
Avez-vous des frères et sœurs, Monsieur Febvre ?
Aaron Febvre
Oui. Je suis le plus âgé…
Policière
Et avez-vous un lien avec la Febvre Corporation ?
Aaron Febvre
Elle appartient à mon père. C’est lui qui l’a créée.
Policière
Vraiment ?
Aaron Febvre
Vous aimeriez rencontrer mon père.
Policière
Pourquoi, c’est un menteur ?
Aaron Febvre
Oui mais il est plus doué que moi.
La policière joue avec un bouton de sa radio.
Aaron Febvre
Pourquoi n’appelez-vous pas vos collègues ?
Policière
J’ai tout le temps pour ça.
Aaron Febvre
Personne ne vous attend ?
Policière
Je fais des rondes, cette nuit. Tant qu’on ne m’appelle pas, je suis tranquille.
Aaron Febvre
On ne risque pas de vous appeler.
Policière
Pourquoi ?
Aaron Febvre
Votre radio est cassée.
Policière
Vous aviez remarqué ?
Aaron Febvre
Les fils, sous la radio, sont débranchés.
Policière
Vous êtes très observateur…
Aaron Febvre
Pourquoi avez-vous coupé les fils ?
Policière
Ils ne sont pas coupés. Ils sont débranchés. Je fais cela quand je veux avoir la paix.
Aaron Febvre
Quelle conscience professionnelle !
Policière
Il ne se passe jamais rien, dans la région. Je ne risque pas de manquer grand-chose.
Aaron croise les bras derrière sa nuque.
Aaron Febvre
Etes-vous vraiment policière ?
Policière
Etes-vous vraiment venu acheter un chalet en Suisse ?
Aaron Febvre
Oui.
Policière
Moi aussi.
La policière rebranche les fils de sa radio.
Policière
Je vais vous le prouver…
Aaron Febvre
Non, ce ne sera pas la peine, je vous crois.
Policière
Mon petit secret restera entre nous ?
Aaron Febvre
N’auriez-vous pas du sang français, finalement, vous aussi ?
Policière
Cela se pourrait. Qui sait ?
Aaron Febvre
Quel est votre nom ?
Policière
Werlin.
Aaron Febvre
Comme le peintre ?
Policière
Sans le H.
La policière tourne le bouton de la radio.
Policière
Je ne capte aucune fréquence. C’est à cause du pont du Diable.
Aaron Febvre
Quel est le rapport ?
Policière
On dit que ce pont a été fait de pierres qui empêchent les ondes radio.
Aaron Febvre
Nous sommes assez éloignés du pont, vous ne pensez pas ?
Policière
Non, je ne pense pas.
Les interférences se succèdent à la radio.
Policière
Pourquoi avez-vous quitté la route ?
Aaron Febvre
Je ne vous l’ai pas dit ?
Policière
Non.
Aaron Febvre
Je croyais… Eh bien, j’ai vu le Diable.
Policière
Vraiment ?
Aaron Febvre
Je ne plaisante pas.
Policière
J’espère bien le contraire, sinon, je vous emmène au poste pour vous faire examiner.
Aaron Febvre
Il portait une cape blanche.
Policière
Qu’est-ce que vous racontez ?
Aaron Febvre
Cet homme, ou cette femme, est sorti du bois vêtu d’un costume noir et d’un masque blanc.
Policière
Que viendrait faire un tel homme ici ?
Aaron Febvre
Je vous l’ai dit, c’est le Diable…
Policière
Ne dîtes donc pas de sottise !
Aaron ouvre sa portière.
Aaron Febvre
Je descends quelques instants.
Policière
Non, vous restez ici, avec moi.
Aaron Febvre
Croyez-moi, là où je vais, vous n’avez pas envie de m’accompagner…
Policière
Je comprends mais soyez rapide, c’est compris ?
Aaron Febvre
Je ferai aussi vite que je le pourrai.
Aaron avance jusque dans les bois. Il disparait derrière les arbres. La policière débranche de nouveau les fils de sa radio. Puis elle descend à son tour de la voiture. Elle s’approche du coffre de la DS.
Policière
J’aimerais bien savoir ce que vous me cachez, Monsieur Febvre…
Elle tente d’ouvrir le coffre mais celui-ci est fermé.
Policière
Evidemment… J’aurais dû m’en douter… Mais peut-être y a-t-il une manette pour ouvrir ce coffre à l’avant de la voiture ?
La policière contourne la DS et approche de la portière du conducteur entrouverte. Elle regarde avec attention le siège puis découvre un petit levier.
Policière
Et voilà… Il suffisait de chercher…
La policière soulève la manette. Le coffre s’ouvre.
Policière
Ah ! Ah…
La policière avance vers le coffre. Aaron surgit du bois.
Aaron Febvre
Que faîtes-vous ?
Policière
Monsieur Febvre, je…
Aaron Febvre
Reculez immédiatement !
Policière
Pourquoi ?
Aaron Febvre
Je vous interdis de regarder ce que contient ce coffre.
Policière
J’ai besoin de savoir.
Aaron Febvre
Vous attendiez que je m’éloigne… Depuis le commencement vous n’aviez que cette idée en tête…
Policière
Oui, je l’avoue.
Aaron Febvre
Vous n’êtes pas quelqu’un d’honnête.
Policière
Je veux vous empêcher de commettre un acte irréparable.
Aaron Febvre
Vous ignorez ce que renferme ce coffre.
Policière
Je me doute un peu de ce qu’il contient… De l’argent ?
Aaron Febvre
Non.
Aaron avance verts le coffre et le ferme brusquement.
Policière
De la drogue ?
Aaron Febvre
Non plus. Cessez de poser des questions !
Policière
Je ne fais que mon travail.
Aaron Febvre
Arrêtez-moi ou allez-vous en !
Policière
Je ne peux pas vous abandonner, Monsieur Febvre.
Aaron Febvre
Pourquoi ? Vous n’êtes même pas policière !
Policière
Que…
Aaron Febvre
Croyez-vous que je ne l’ai pas compris ? Les fils de la radio débranchés, votre conduite étrange… Werlin, c’est vraiment votre nom ou c’était un mensonge, ça aussi ?
La policière met sa main sur son arme rangée à sa ceinture.
Policière
Taisez-vous !
Aaron Febvre
Vous êtes en cavale, n’est-ce pas ?
Policière
Je vous ordonne de vous taire !
Aaron Febvre
Pas tant que vous ne serez pas honnête avec moi !
Policière
Que voulez-vous ?
Aaron Febvre
Le policier à qui appartient cet uniforme, le vrai Werlin, est-il mort ?
La policière sort son arme et la brandit sur Aaron.
Policière
Cela suffit avec vos questions !
Aaron Febvre
Votre arme est vide…
Policière
Comment… Comment pouvez-vous le savoir ?
Aaron Febvre
Sans ça vous l’auriez utilisée depuis longtemps. Vous vous cachez ici, dans ces montagnes… Pourquoi ?
Policière
Je suis Werlin, vous vous trompez…
Aaron Febvre
Je ne crois pas. Posez votre arme ! Parlons posément. Nous pouvons peut-être nous entraider.
Policière
Oh, oui, vous pouvez m’aider, Monsieur Febvre ! Vous pouvez m’être d’une grande aide.
Aaron Febvre
Qu’attendez-vous de moi ?
Policière
Vous et votre mère serez mes otages ! C’est pour cette raison que je ne vous ai pas encore enlevé. Je préfère avoir deux vies entre mes mains plutôt qu’une.
Aaron Febvre
Vous êtes idiote si vous pensez que je vais me laisser faire par une femme non armée.
Aaron avance vers la policière et lui fait baisser son arme.
Policière
Qu’attendez-vous de moi ?
Aaron Febvre
Je vous l’ai dit, vous pourriez m’aider.
Policière
Comment ?
Aaron Febvre
Lorsque ma mère sera revenue, vous aurez disparu.
Policière
Comment cela ?
Aaron Febvre
Avec le contenu de mon coffre.
Policière
Et qu’y a-t-il dedans ?
Aaron Febvre
Tout ce que je veux, c’est que vous fassiez chuter votre voiture depuis le pont du Diable. A défaut d’empêcher les ondes radio de nous atteindre, il pourrait s’avérer utile.
Policière
De quoi voulez-vous tant vous débarrasser ?
Aaron Febvre
D’un objet encombrant.
Policière
Qui est à l’intérieur de ce coffre ?
Aaron Febvre
M’aiderez-vous ?
Policière
Cela dépend, qu’est-ce que j’y gagne ?
Aaron Febvre
J’ai beaucoup d’argent. Retrouvez-moi chez mon père, à Cannes, au Castel dans une semaine…
Policière
Au Castel ? Vous habitez un château ?
Aaron Febvre
Précisément.
Policière
Je veux une garantie.
Aaron Febvre
Je suis navré. Il va falloir me faire confiance.
Policière
C’est facile à dire...
Aaron Febvre
Une femme en cavale telle que vous doit avoir un réel besoin d’argent. Je me trompe ?
Policière
Non, mais je…
Aaron Febvre
Il va falloir vous décider, Werlin… Me donnerez-vous un coup de main ?
Policière
Je… Je ne sais pas.
Aaron Febvre
Voyons, vous étiez prête à m’enlever et voici que maintenant, vous vous posez des questions existentielles.
Policière
Si je lance la voiture que je possède dans le précipice, comment échapperai-je à la police ?
Aaron s’approche du coffre.
Aaron Febvre
Ma mère possède une tenue de rechange dans mon coffre. Je vais vous la donner.
Policière
Vous voulez vraiment que je me fasse passer pour votre mère ?
Aaron Febvre
Bien sûr que non. Vous échapper sera votre problème, pas le mien.
Policière
Mon problème ?
Aaron Febvre
Vous trouverez bien un moyen. Rejoignez-moi au Castel dans une semaine… Vous aurez votre argent.
Aaron ouvre le coffre.
Aaron Febvre
Il va falloir transporter son contenu dans votre voiture.
Policière
Et donc, qui est dedans ?
Aaron Febvre tend une valise à Werlin.
Aaron Febvre
Tenez, changez-vous !
Policière
Très bien…
La policière avance dans les bois, là où avait disparu Aaron.
Aaron Febvre
A nous deux…
Aaron saisit un corps capuchonné dans le coffre de la DS.
Juillet 1967. Petit matin.
Suisse. Canton d’Uri.
Le soleil commence à se lever. Werlin s’est changé. Elle porte désormais une tenue de Isabelle Febvre. Elle ouvre le coffre de la voiture de police garée sur le pont du Diable. Aaron Febvre l’aide à sortir le corps.
Werlin
Je veux un million de francs.
Aaron Febvre
Tout ce que vous voudrez mais aidez-moi !
Werlin
Je vous fais confiance, ne me trahissez pas !
Aaron Febvre
Soyez plus efficace. Si ma mère revient et qu’elle ne me trouve pas au lieu de l’accident, elle aura des soupçons et je ne veux pas être impliqué dans ce meurtre.
Werlin
Et quand me direz-vous qui est cet homme que vous avez tué ?
Aaron Febvre
Il n’est pas encore mort…
Werlin
Vous plaisantez ?
Aaron Febvre
Je vous donne l’air de m’amuser follement, là ?
Werlin
Il est en vie ?
Aaron Febvre
Juste endormi.
Werlin
Mais vous êtes fou !
Werlin lâche le corps qui tombe au sol, sur le goudron (elle tenait la tête).
Aaron Febvre
Ressaisissez-vous, bon sang, Werlin ! Nous n’avons pas toute la nuit.
Werlin
Je n’ai jamais tué quiconque autrement que par nécessité.
Aaron Febvre
Je suis très impressionné, vous êtes une sainte. Maintenant, aidez-moi !
Werlin
Non !
Aaron Febvre
Comment ça, non ?
Werlin
Le policier que j’aie tué… C’était un accident. Je ne voulais pas… Il me fallait sa voiture… Il s’est approché de moi… J’ai vu une occasion de lui échapper… Je me suis emparée de son arme et j’ai tiré. Mais c’était lui ou moi.
Aaron Febvre
Là aussi, vous n’avez pas le choix.
Werlin
Monsieur Febvre, vous n’avez jamais tué personne, n’est-ce pas ?
Aaron Febvre
Non.
Werlin
Ne commettez pas cette erreur !
Aaron Febvre
Je le fais pour le bien de ma famille.
Werlin
Mais qui est-ce, à la fin ?
Aaron Febvre
Mon père !
Werlin retire le capuchon du visage du corps ligoté au sol. Bertrand Febvre est inconscient.
Werlin
Votre propre père…
Aaron Febvre
Cet homme est un monstre. Il a violé mes sœurs…
Werlin
Il mérite la prison, pas la mort !
Aaron Febvre
On voit bien que ce n’était pas vos sœurs ! Depuis l’âge de dix ans, je le vois faire sans jamais agir ! Savez-vous à quel point tout cela m’a rendu fou ?
Werlin
Ecoutez, je peux tout à fait imaginer ce que vous ressentez mais…
Aaron Febvre
Non, non, vous ne pouvez pas…
Aaron retire ses gants, dévoilant ses mains brûlées.
Aaron Febvre
Incapable de dénoncer mon père ni de m’opposer à lui, je me suis brûlé.
Werlin
Brûlé ?
Aaron Febvre
Je me suis aspergé d’essence et je me suis mis le feu.
Werlin
Mon Dieu !
Aaron Febvre
C’est lui ou moi… Mon père ou ses enfants… Et j’ai choisi mon camp.
Werlin
Vous ne voulez pas devenir aussi dangereux que votre père, Aaron, n’est-ce pas ?
Aaron Febvre
Ce n’est pas une meurtrière en cavale qui me fera changer d’avis…
Aaron tire son père vers un côté du pont.
Aaron Febvre
Je voulais me débarrasser du corps de Bertrand au cours de ces deux jours en Suisse, là où personne ne serait venu chercher le corps mais cet étrange personnage sur la route a compromis mes plans… Hélas pour lui, seulement pour un temps.
Aaron soulève le corps de Bertrand Febvre.
Aaron Febvre
Je vais enfin libérer ma famille de ce monstre !
Werlin
Non ! Ne faîtes pas ça !
Werlin saisit Aaron par les hanches. Bertrand tombe de nouveau au sol.
Aaron Febvre
Lâchez-moi, Werlin !
Werlin
Non ! Je suis là pour vous aider ! Je vais vous apporter mon soutien mais pas comme vous le désirez…
Aaron Febvre
Ne me mettez pas en colère !
Werlin
Vous pourriez trouver une autre solution.
Aaron Febvre
Laquelle ? Mon père est un criminel ! Il ne s’arrêtera jamais !
Werlin
Il peut changer !
Aaron Febvre
Il ne changera jamais ! Je le connais !
Werlin
Moi, si je le pouvais, je changerais tout ce qu’il m’est arrivé ces dernières heures. La mort de ce policier qui cherchait une simple voleuse, notre rencontre, les menaces que j’ai proféré à votre encontre.
Aaron Febvre
Si vous ne me laissez pas agir, Werlin, je vais devoir vous en empêcher !
Werlin
Alors quoi ? Quand vous arrêterez-vous, Aaron ? Quand ?
Aaron Febvre
Quand mon père sera mort !
Aaron prend le corps de son père entre ses mains et le soulève.
Aaron Febvre
Cette fois, j’en finis une bonne fois pour toutes avec ce violeur d’enfants !
Aaron s’apprête à jeter son père dans les gorges de la Schöllenen quand il reçoit une balle qui perfore son thorax. Il tombe au sol. Sa vue se trouble. Werlin monte dans la voiture et disparait. Avant de s’évanouir, Aaron entend des pas qui se rapprochent de lui.
Juillet 1967. Quelques heures plus tard.
Suisse. Canton d’Uri.
Aaron Febvre reprend péniblement connaissance dans la DS accidentée, allongé à la place du mort. Isabelle Febvre est à ses côtés, assise à la place du conducteur.
Aaron Febvre
Maman ?
Isabelle Febvre
Mon petit Aaron, comment vas-tu ?
Aaron Febvre
Que… Que m’est-il arrivé ?
Isabelle Febvre
On t’a tiré dessus.
Aaron Febvre
Qui ?
Isabelle Febvre
La police recherche une femme d’une trentaine d’année qui a tué un policier dans la journée d’hier.
Aaron Febvre
Werlin…
Isabelle Febvre
Oui, c’est bien ce nom. Où l’as-tu entendu ?
Aaron Febvre
A… A la station –service. J’ai entendu un journaliste qui parlait de ce pauvre homme à la radio.
Isabelle Febvre
Cette femme serait une voleuse qu’on aurait prise sur le fait. Elle aurait abattu ce policier et prit la fuite en empruntant cette route. Tu as dû la croiser sans même t’en apercevoir…
Aaron Febvre
Et papa ?
Isabelle Febvre
Oui ?
Aaron Febvre
Où est Papa ?
Isabelle Febvre
Au Castel, où veux-tu qu’il soit ?
Aaron Febvre
Bien sûr…
Aaron regarde autour de lui et aperçoit une dépanneuse sur la route.
Aaron Febvre
Alors, tu as trouvé quelqu’un pour nous aider…
Isabelle Febvre
Oui mais cela n’a pas été sans mal.
Aaron Febvre
Moi, j’ai mal.
Isabelle Febvre
Je ne pouvais pas savoir que tu avais été blessé. Je n’ai pas été chercher du secours mais dès que nous serons arrivés en ville, je t’amènerai à l’hôpital.
Aaron Febvre
Merci.
Isabelle Febvre
Ne me remercie pas… Prie plutôt ton ange gardien.
Aaron regarde son torse, brûlé mais bandé.
Aaron Febvre
Qui m’a soigné ?
Isabelle Febvre
Je l’ignore…
Aaron Febvre
Werlin ?
Isabelle Febvre
Je la vois mal te soigner après t’avoir abattu.
Aaron Febvre
Qui, alors ?
Isabelle Febvre
Et pourquoi pas l’homme que tu as aperçu ?
Aaron Febvre
Celui qui portait une cape blanche ? Celui qui a causé l’accident ?
Isabelle Febvre
Oui.
Aaron Febvre
Je ne comprends pas pourquoi il aurait fait cela. Et puis, que faisait-il sur la route, pour commencer ?
Isabelle Febvre
Je ne sais pas. C’est comme s’il avait cherché à nous empêcher d’aller au chalet suisse. Comme s’il…
Aaron Febvre
Comme s’il s’avait…
Isabelle Febvre
Mais savait quoi ?
Aaron rit mais cela lui fait mal.
Aaron Febvre
Tu avais raison. C’est bien mon ange gardien. J’étais devenu fou… Il m’a rendu la raison. Maman, oh, maman, si tu savais ce que je m’apprêtais à faire.
Isabelle Febvre
Mais qu’as-tu donc fait ?
Aaron Febvre
Rien. Il m’a empêché d’agir. La première fois, il a causé notre accident pour me permettre de réfléchir… Et puis, comme je n’ai pas changé d’avis, il m’a tiré dessus mais il ne voulait pas me tuer et il m’a sauvé. Mais à la réflexion, je me demande si c’est réellement moi qu’il a sauvé.
Isabelle Febvre
Qui d’autre ?
Aaron Febvre
Il semble très protecteur avec celui que je m’apprêtais à… Quel lien peut-il bien les unir ?
Isabelle Febvre
Je ne comprends rien à ce que tu dis…
Aaron Febvre
Tu n’as qu’à te convaincre que je dis des choses sans fondement.
Isabelle Febvre
A cause de la balle que tu as reçue ?
Aaron Febvre
C’est cela.
Isabelle caresse les cheveux de son fils.
Aaron Febvre
Maman…
Isabelle Febvre
Oui ?
Aaron Febvre
Peux-tu me rendre un service ?
Isabelle Febvre
Lequel ?
Aaron Febvre
Veux-tu bien ouvrir le coffre de notre voiture ?
Isabelle Febvre
Le coffre ? Mais pour quoi faire ?
Aaron Febvre
Veux-tu bien faire plaisir à ton fils blessé ?
Isabelle Febvre
Très bien… Mais tu dis des choses de plus en plus étranges…
Aaron Febvre
Je voudrais juste être sûr…
Isabelle embrasse son fils sur la joue et lève la manette d’ouverture puis elle quitte le véhicule et s’approche du coffre.
Aaron Febvre
Alors ? Qu’y a-t-il dedans ?
Isabelle Febvre
Ma valise ! Ca alors ! Elle a disparu !
Aaron Febvre
Et, c’est tout ?
Isabelle Febvre
Oui, quoi d’autre ?
Aaron sourit en regardant l’endroit d’où Cape Blanche avait surgit.
Juillet 1967. Le soir venu.
Cannes. Castel.
Bertrand Febvre, inconscient, est allongé sous les draps rouges du lit de sa chambre. Cape Blanche l’observe en silence.
Cape Blanche
Bertrand, réveille-toi !
Bertrand ouvre les yeux.
Cape Blanche
Il faut que je te parle.
Bertrand Febvre
Père ? Que faîtes-vous ici ?
Cape Blanche
Je t’ai sauvé la vie, aujourd’hui.
Bertrand Febvre
Je ne me souviens de rien… Et je me sens si mal…
Cape Blanche
Tu as été drogué…
Bertrand Febvre
Par qui ?
Cape Blanche
Peu importe…
Bertrand Febvre
Avez-vous essayé de me tuer, Père ?
Cape Blanche
Non, pas moi… Bertrand, si je suis venu, c’était pour te sauver la vie, pas pour t’achever…
Bertrand Febvre
Père, je n’ai pas besoin de votre aide. Je sais que vous m’avez pardonné.
Cape Blanche
Je t’avais pardonné en 1947 mais vingt ans ont passé depuis et tes péchés n’ont cessé de s’accroître.
Bertrand Febvre
Je suis désolé.
Cape Blanche
Tu es toujours désolé.
Bertrand Febvre
Me retirez-vous votre pardon ?
Cape Blanche
Tôt ou tard, Bertrand, tu devras payer pour tes actes.
Bertrand Febvre
Père, n’êtes-vous pas en âge de mourir ?
Cape Blanche
Notre affrontement est inéluctable.
Bertrand Febvre
Vous voulez vous battre ? Vous ? Un vieillard ! Contre moi ? Ah ! Ah ! Ah !
Cape Blanche
Tu ne me laisses pas le choix.
Bertrand Febvre
Quand ?
Cape Blanche
Je te laisse décider du jour et de la date.
Bertrand Febvre
Depuis le temps que vous souhaitez me voir mourir… Vous n’avez d’yeux que pour Bernard.
Cape Blanche
Bernard est aussi perdu que toi.
Cape Blanche se lève et s’approche de Bertrand.
Cape Blanche
Juliette naîtra, à présent, je n’ai plus aucun intérêt à te laisser la vie sauve.
Bertrand Febvre
Qui est Juliette ?
Cape Blanche
Tu le sauras bien un jour…
Bertrand Febvre
Vous voulez tout contrôler, n’est-ce pas, Père ? Mais c’est impossible ! Je suis un homme libre ! Les chaînes dont vous m’avez entravé ont été brisées ! Je n’ai plus rien à craindre de vous…
Cape Blanche se dirige vers la porte de la chambre. Il l’ouvre. Avant de la franchir, il ajoute :
Cape Blanche
A bientôt, mon fils…
Bertrand Febvre
C’est cela, Père ! Revenez vite ! Je vous attends !
Cape Blanche
Je ne suis plus aussi faible qu’avant, Bertrand… J’ai tiré sur un homme, aujourd’hui… Ce n’est qu’une question de temps avant que je ne sois prêt.
Bertrand Febvre
J’ai hâte !
A suivre…
- Awalie
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Re: Presentez vous
A chaud, mes premières impressions sur ton histoire avec Aaron sont plutôt bonnes... L'idée est intrigante à souhait et donne envie d'en savoir plus. Donc, de ce côté là je trouve ça plutôt réussi ! ^^
Quelques coquilles se sont glissées dans le texte et ce premier jet mérite donc quelques petites corrections orthographiques, mais rien de bien méchant je trouve...
En revanche, une chose qui a vraiment gêné ma lecture : Ta façon de mettre ton texte en forme, comme s'il s'agissait d'une pièce de théâtre, fait que ça alourdit beaucoup et rend les dialogues moins simples à identifier.
Je te conseille de plutôt utiliser les repères courant en la matière dans les romans. Ce type de forme, par exemple :
Elle s'approcha :
- Patati patata
Et lui, de rétorquer :
- Blabla Pouet Pouet
- Impossible ! s'écria-t-elle. Elle était coincée...
Voilà donc mes premières impressions perso.
Par contre, je crois que tu devrais plutôt créer un sujet dédié à tes écrits, dans la partie "Patati Patata" du forum ici : http://www.planete-aventure.net/forums/ ... um.php?f=6
Ainsi, ça laisse la partie présentation aux nouveaux arrivants qui souhaitent se présenter à leur tour
Quelques coquilles se sont glissées dans le texte et ce premier jet mérite donc quelques petites corrections orthographiques, mais rien de bien méchant je trouve...
En revanche, une chose qui a vraiment gêné ma lecture : Ta façon de mettre ton texte en forme, comme s'il s'agissait d'une pièce de théâtre, fait que ça alourdit beaucoup et rend les dialogues moins simples à identifier.
Je te conseille de plutôt utiliser les repères courant en la matière dans les romans. Ce type de forme, par exemple :
Elle s'approcha :
- Patati patata
Et lui, de rétorquer :
- Blabla Pouet Pouet
- Impossible ! s'écria-t-elle. Elle était coincée...
Voilà donc mes premières impressions perso.

Par contre, je crois que tu devrais plutôt créer un sujet dédié à tes écrits, dans la partie "Patati Patata" du forum ici : http://www.planete-aventure.net/forums/ ... um.php?f=6
Ainsi, ça laisse la partie présentation aux nouveaux arrivants qui souhaitent se présenter à leur tour

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1997 Saison X Roman feuilleton
Episode 6 CREATION
1917. Hiver. Fin d’après-midi.
Aux alentours de Verdun. Tranchée.
Le corps de Cape Blanche se reconstitue pixel par pixel sur un tas de cadavres ensanglantés de soldats français. Il est encore menotté aux mains et aux jambes. Un homme d’une quarantaine d’années, brun, barbu, vêtu d’une capote bleue, assiste à la scène, médusé.
Soldat
Bon Dieu ! Mais qu’est-ce que c’est que ça ?
Le soldat français s’approche de Cape Blanche en dressant sa baïonnette devant lui.
Soldat
Qui es-tu, toi ?
Cape Blanche reprend péniblement ses esprits.
Soldat
Je t’ai posé une question !
Cape Blanche découvre la tête d’un cadavre à côté de lui. Il se redresse en poussant un cri de frayeur.
Cape Blanche
Oh, mon Dieu !
Soldat
Plus un geste !
Cape Blanche dévisage le soldat.
Soldat
Ton nom ! Quel est ton nom ?
Cape Blanche
Febvre. Stéphane Febvre.
Soldat
Moi, je m’appelle Jean. Maintenant, dis-moi ce que tu fais là… C’est les Bosch qui t’envoient ?
Cape Blanche
Les Bosch ? Les Allemands ?
Soldat
Qui d’autre ?
Cape Blanche marche sur les cadavres pour gagner la terre ferme.
Cape Blanche
Votre uniforme… Cet endroit… Nous sommes en guerre, n’est-ce pas ?
Soldat
Finement bien observé, l’Inconnu.
Cape Blanche
C’est la Première Guerre !
Soldat
La Première ?
Cape Blanche
En quelle année sommes-nous ?
Soldat
Tu l’ignores ?
Cape Blanche
Répondez simplement à ma question ! Quel jour sommes-nous ?
Soldat
Le jour précis ? Aucune idée… J’ai cessé de compter. J’ai essayé de m’y astreindre, le premier mois mais je n’y suis pas parvenu. Je suppose que nous ne devons pas être loin de Noël.
Cape Blanche observe la tranchée.
Cape Blanche
1916 ?…
Soldat
1917…
Cape Blanche
Le conflit ne devrait plus tarder à cesser… Il faut tenir encore quelques temps…
Soldat
Qu’en sais-tu, toi ?
Cape Blanche
Je… C’est ce que j’ai entendu dire…
Soldat
Admettons…
Le soldat agite la pointe de sa baïonnette devant le masque de Cape Blanche.
Soldat
Comment as-tu fait ça ?
Cape Blanche
Vous voulez savoir comment je suis arrivé ici ?... Si seulement je le savais…
Soldat
Je t’ai vu apparaître ! Tu es constitué d’un milliard de particules étranges…
Cape Blanche
Je ne suis pas dangereux pour vous… Je ne vous veux aucun mal…
Soldat
En ce cas, quelles sont tes origines ? Réponds !
Cape Blanche
Je… Vous ne me croiriez pas même si je vous le disais…
Cape Blanche pose sa main sur la pointe de la baïonnette et fait baisser son arme au soldat.
Soldat
Tous les hommes qui étaient avec moi sont morts… Un véritable massacre… Je suis seul, ici, désormais, à Verdun… Je n’ai plus aucune compagnie… A part toi…
Cape Blanche
Très bien, je vais essayer de tout vous expliquer… Disons que je suis… une sorte de machine…
Soldat
Une machine ?
Cape Blanche
Oui… Envoyée du futur pour venir en aide aux gens… Certains disent de moi que je suis un justicier… Mais lors de ma première mission qui vient de s’achever, j’ai lamentablement échoué… Tous les hommes avec qui je voyageais sont morts… A part une petite fille…
Soldat
Alors, tu sais ce que je ressens…
Cape Blanche
Oui… Je comprends…
Soldat
Tu es ici pour m’aider, alors ?
Cape Blanche
Je suppose.
Soldat
De quelle époque viens-tu ?
Cape Blanche
De 2009.
Soldat
2009 ! Et quelle est ta nationalité ?
Cape Blanche s’adosse contre le mur en terre.
Cape Blanche
Je suis français.
Soldat
Et qui dirige ton pays ? Un allemand ou un français ?
Cape Blanche
Un français… Nous avons gagné cette guerre… Celle-ci et toutes les autres. Là d’où je viens, les hommes sont libres… Je vous l’ai dit, la guerre prendra fin d’ici quelques mois…
Le soldat baisse son arme.
Soldat
Je ne croirais jamais à cette histoire si je ne t’avais pas vu apparaître devant moi…
Cape Blanche
Je vous assure que je ne mens pas… Je ne veux pas vous attaquer… J’ignore ce que je fais ici… Mes « sauts » dans le temps et les dimensions sont chaotiques.
Soldat
Et cette cape blanche ? Cette combinaison noire ? Qu’est-ce que cela représente ?
Cape Blanche
C’est mon uniforme… Comme vous, vous avez un manteau et votre casque…
Soldat
Et vous possédez une arme qui pourrait nous aider ?
Cape Blanche
Une arme ?... Non, je n’en ai pas…
Soldat
Alors, vous ne me serez pas bien utile…
Cape Blanche
Vos compagnons sont morts mais vous devez bien avoir conservé leurs armes ?
1917. Hiver. Nuit.
Aux alentours de Verdun. Tranchée.
Cape Blanche et Jean sont assis, adossés à la tranchée. Deux couvertures recouvrent le soldat. Leurs armes sont posées à portée de main, à leur droite et à leur gauche. Ils ont fait un feu devant eux avec des vêtements déchirés qui brûlent.
Jean
Tu es sûr que tu ne crains pas le froid, Stéphane ?
Cape Blanche
Oui, Jean. Je te remercie de t’inquiéter mais je vais bien. J’imagine qu’une machine comme moi ne craint pas les variations de températures…
Jean
Moi, je suis gelé.
Jean glisse une main dans sa poche.
Jean
Je voudrais te montrer quelque chose, Stéphane… C’est une photographie de ma femme.
Jean tend une photographie en noir et blanc froissée à Cape Blanche.
Cape Blanche
Votre épouse est très belle… Comment s’appelle-t-elle ?
Jean
Victoria.
Cape Blanche
Avez-vous des enfants ?
Jean
Huit.
Cape Blanche
Huit ?
Jean
Oui… Et toi ? Tu n’as pas d’enfants ?
Cape Blanche
Si… deux… Un garçon et une fille… Louise et Jacob… Ils me manquent.
Jean
Quel âge as-tu ? Difficile à deviner sous cette panoplie et avec cette voix étrange que tu as…
Cape Blanche
Pas loin de la trentaine.
Jean
Tu es marié ?
Cape Blanche
Non.
Jean
Fiancé ?
Cape Blanche
Je l’ai été…
Jean
Que s’est-il passé ?
Cape Blanche
J’ai… rompu mes fiançailles avec la mère de mes enfants pour vivre avec la femme que j’aimais…
Jean
Et les enfants ?
Cape Blanche
J’ai pensé que ce serait mieux pour eux…
Jean range sa photographie dans sa poche.
Jean
Tiens ! Qu’est-ce que c’est que ça ?
Cape Blanche
Qu’est-ce qu’il y a ?
Jean
Il y a autre chose dans ma poche…
Cape Blanche
Vraiment ?
Jean sort une seconde photographie de sa poche. Elle représente deux adolescents assis sur le bord d’une fontaine.
Cape Blanche
Qui est-ce ?
Jean
Je…
Cape Blanche
L’un d’eux vous ressemble…
Jean
Vous trouvez ?…
Cape Blanche
Oui ! Regardez bien, l’homme à gauche…
Jean observe la photographie avec attention.
Jean
C’est impossible !
Cape Blanche tourne la photographie un instant mais il n’y a rien d’inscrit au dos.
Cape Blanche
Oui… Vous avez les mêmes yeux… Sans la barbe, cela pourrait être vous… Vous avez un frère, peut-être ?
Jean
Un frère… Ai-je un frère ?... Je… Je ne crois pas, non…
Cape Blanche
Comment cela, vous ne croyez pas ?
Jean
Je n’ai aucun souvenir précis de mon enfance… Tout est flou dans ma tête… C’est ainsi depuis que la guerre a commencé… Je n’ai aucune peine à me rappeler du visage de ma femme et de celui de mes enfants mais le reste de ma vie, mon enfance, mon travail à l’usine, je l’ai oublié…
Cape Blanche
C’est probablement la vie dans ces tranchées qui affecte votre mémoire mais je suis sûr que tout vous reviendra une fois que vous serez sorti d’ici.
Jean
Si jamais je parviens à m’échapper un jour… A chaque instant, les allemands peuvent décider d’avancer… Je fais tout pour leur faire croire que nous sommes encore nombreux, ici… J’ai mis au point un stratagème pour les duper… Mais si jamais un avion venait à survoler la zone, il verrait que je suis seul… et alors, les Bosch n’hésiteraient pas : ils donneraient l’assaut…
Cape Blanche
Vous n’avez jamais songé à vous échapper ? A battre en retraite ?
Jean
Le barrage derrière nous a sauté et les eaux ont inondé les environs. Nous sommes piégés… Nous ne pouvons ni avancer, ni reculer… Nous sommes faits comme des rats…
Cape Blanche
Je vous aiderai, Jean. Ensemble, nous trouverons un moyen de survivre…
Jean
J’aimerais bien vous croire…
1917. Hiver. Nuit. Quelques heures plus tard.
Aux alentours de Verdun. Tranchée.
Le feu est éteint. La Lune éclaire la tranchée. Cape Blanche est endormi. Jean, debout, pose une main sur son épaule pour le réveiller.
Jean
Réveille-toi, Stéphane ! J’ai entendu tirer !
Cape Blanche
Comment ça ?
Jean
Devant nous ! Sur les lignes ennemies !
Cape Blanche
En pleine nuit ?
Jean
Tais-toi ! Je veux savoir ce qu’il se passe là-bas.
Cape Blanche se redresse, s’empare de sa baïonnette et se met derrière un parapet, à côté de Jean.
Cape Blanche
Je n’entends rien…
Jean
C’est normal, tu dormais… On dirait que les tirs ont cessé…
Cape Blanche
Mais sur qui pouvaient-ils tirer en pleine nuit ?
Jean
Je n’en ai pas la moindre idée… Si un soldat français s’est aventuré là-bas, il est foutu, c’est certain.
Cape Blanche
Oui, il n’a pas la moindre chance.
Jean
Ils ont dû l’abattre…
Cape Blanche se rassied.
Cape Blanche
Dommage que je n’ai pas de vision infra-rouge.
Jean
De quoi ?
Cape Blanche
C’est… un matériel qui permet de voir dans la nuit comme en plein jour.
Jean
Alors, à ton époque, la guerre ne doit jamais s’arrêter…
Cape Blanche
Et non…
Jean
Nous, au moins, la nuit, normalement, nous avons un peu de répit… Sauf ce soir, je me demande ce qui a provoqué ces tirs…
Cape Blanche
Nous ne le saurons sans doute jamais…
Jean
Non, mais ce qui est sûr, c’est qu’ils sont encore là… Et ils se rapprochent… Jamais je n’avais entendu aussi distinctement leurs tirs… C’est mauvais signe…
Cape Blanche remarque la photographie des deux hommes posée sur le sol, devant lui. Il s’en empare.
Cape Blanche
Il fait froid, non ?
Il commence à neiger.
1917. Hiver. Le lendemain matin.
Aux alentours de Verdun. Tranchée.
La tranchée est couverte d’une fine couche de neige. Jean ouvre les yeux. Il est allongé sur des lattes de bois et découvre Cape Blanche, une baïonnette à la main qui tente de casser de sa pointe la serrure des menottes qui serrent ses pieds.
Jean
Tu n’y arriveras pas comme cela, Stéphane…
Cape Blanche
Cela fait plus de dix minutes que j’essaie…
Jean
Je pense qu’un coup de fusil suffirait à les faire sauter.
Cape Blanche
Difficile de tirer seul dans les menottes qui cerclent ses propres mains.
Jean
Je sais… Je vais t’aider.
Cape Blanche
Merci… Je voudrais vraiment les ôter. C’est un mauvais souvenir.
Jean
Je comprends… Ne bouge pas !
Jean s’empare d’un fusil posé debout contre une paroi et vise les menottes autour des jambes de Cape Blanche.
Jean
Prêt ?
Cape Blanche
Oui.
Jean tire. La chaîne explose sous l’impact de la balle mais les bracelets restent accrochés.
Jean
Je ne t’ai pas touché ?
Cape Blanche
Non, rassure-toi.
Jean
Tant mieux. On passe a ux mains, maintenant.
Cape Blanche lève haut les bras devant lui. Jean vise et tire. Il est libre.
Cape Blanche
Enfin ! Merci, Jean… Merci beaucoup.
Jean
C’est naturel.
Cape Blanche
Je sais que vous ignorez beaucoup de choses sur mon compte et que vous me faîtes entièrement confiance malgré l’histoire abracadabrante que je vous ai racontée. Vous auriez pu vous sentir plus en sécurité en me laissant mes menottes mais je vous promets que vous ne le regretterez pas.
Jean
Je le souhaite…
Un aboiement retentit sur la terre qui sépare les eaux de la tranchée.
Cape Blanche
Qu’est-ce que c’est ? Un chien ? Ici ?
Jean
Oui. Un cocker dressé pour la guerre. Il vient m’apporter nourriture et soin d’urgence.
Cape Blanche
C’est une plaisanterie ?
Cape Blanche se place devant le parados et distingue un animal noir et blanc qui arrive au loin.
Jean
Avant, une infirmière venait jusqu’ici pour nous apporter son soutien.
Cape Blanche
Pourquoi ne viens-elle plus ? Elle a été tuée ?
Jean
Non… Elle est enceinte.
Le chien porte une boîte de conserve dans sa gueule et sur son dos est accroché un paquet blanc entouré de tissus.
Cape Blanche
C’est un moyen ingénieux mais j’imagine que les bêtes aussi sont la cible des ennemis…
Jean
Oui mais celui-ci survit depuis le début de la guerre.
Cape Blanche
Formidable ! Il doit être très intelligent.
Jean
Il sait éviter les mines. Il les renifle, il les repère et parvient à traverser la rivière et le champ de bataille sans se faire tirer dessus. Sans lui, je serais probablement mort de faim.
Cape Blanche
Dieu bénisse les cockers…
Le chien arrive à hauteur de la tranchée. Il saute au-dessus des sacs de terre et s’approche de Jean.
Jean
Tu arrives toujours au bon moment, mon brave…
Cape Blanche
Quel est son nom ?
Le chien dépose la boîte de conserve au sol, aux pieds de Jean.
Jean
Je l’ai su mais j’ai oublié… Encore une fois… J’oublie tout…
Cape Blanche
Avez-vous un ouvre-boîte ?
Jean
Bien sûr !
Jean sort un ouvre-boîte de la poche de son manteau.
Jean
Et voilà !
Cape Blanche
Parfait ! Vous allez pouvoir vous restaurer.
Jean
Et toi ? Tu ne manges rien ?
Cape Blanche
Je ne peux pas ôter mon masque et je ne ressens pas la faim.
Jean
Quelle chance tu as… Si tous les soldats étaient comme toi…
Cape Blanche
Et sur son dos ? Qu’est-ce que c’est ? Les fameux médicaments ?
Jean
Exactement !
Jean dénoue les morceaux de tissus pour récupérer le paquet blanc.
Jean
Il faut les avaler sans jamais poser la moindre question. Ce sont les ordres…
Jean ouvre le paquet.
Cape Blanche
Qu’est-ce que c’est ?
Jean
Trois petites pilules vertes.
Cape Blanche
Oui, d’accord, mais que contiennent-elles ?
Jean
Je ne sais pas avec précision. A l’armée, on nous a dit de les prendre… Qu’elles nous aideraient à rester éveiller. Grâce à elles, nos sens seraient décuplés…
Cape Blanche
Je n’ai jamais entendu parler de cela… A l’époque de la Guerre du Golfe, certainement mais pas en 1917…
Jean
Et puis quoi, ensuite ? Tu vas me dire qu’elles sont empoisonnées !
Cape Blanche
Non… Non… Depuis quand en prenez-vous ?
Jean
Un an, peut-être plus…
Cape Blanche
Et cela ne vous a pas tué… Je n’ai rien à redire… Vous pouvez les prendre si vous le voulez…
Jean
Merci… Ta sollicitude me touche, Stéphane.
Cape Blanche
Pas la peine d’être sarcastique…
Jean avance vers Cape Blanche et caressant le chien.
Jean
Donne-moi ta cape, s’il te plaît…
Cape Blanche
Pardon ?
Jean
Il me faut ta cape !
Cape Blanche
Pour quoi faire ?
Jean
Je vais la nouer autour du chien pour que les infirmiers sachent que je ne suis plus seul dans la tranchée…
Cape Blanche
Ils n’ont pas besoin de le savoir…
Jean
Ta cape !
Cape Blanche détache sa cape.
Cape Blanche
Je m’y étais habitué…
Jean
Tu la récupéreras mais pour le moment, ce n’est pas un mal. Tu es trop voyant lorsque tu la portes.
Cape Blanche
Toutes les excuses sont bonnes…
Jean
Je sais que tu as survécu miraculeusement à l’explosion d’un vaisseau spatial mais qui sait ce que pourraient te faire les armes des Bosch…
Cape Blanche
Très bien, j’obéis…
Cape Blanche tend sa cape à Jean.
Jean
Quel étrange symbole !
Cape Blanche
Ce n’est pas un huit, beaucoup de gens le pensent mais ils se trompent, c’est le symbole de l’infini.
Jean
L’infini…
Jean noue la cape autour du ventre du chien.
Jean
Allez, va, mon petit !
Jean prend l’animal dans ses bras et le pose par-delà le parados. Il part en courant.
Jean
Voilà une bonne chose de faite ! Maintenant, à table !
Cape Blanche
Ca manque d’eau.
Jean
Ils ne nous en enverront pas les jours de neige…
Cape Blanche
Ah, je vois… Il faut boire la neige, je présume.
Jean
Bien vu…
Jean s’assied sur les lattes de bois puis il s’attelle à ouvrir la boîte de conserve. Cape Blanche, lui, fait le guet.
1917. Hiver. Jour. Après-midi.
Aux alentours de Verdun. Tranchée.
Cape Blanche examine les cadavres des soldats entassés les uns sur les autres tandis que Jean observe le terrain ennemi entre deux sacs de terre.
Cape Blanche
Comment sont-ils morts ?
Jean
… tués…
Cape Blanche
Oui, j’avais deviné, merci… Je voulais dire… Est-ce qu’il y a eu un assaut ?
Jean
Je… Je ne me souviens plus…
Cape Blanche
Comment cela ? Certains corps n’ont même pas encore commencé leur décomposition.
Jean
Je n’ai pas envie d’en parler. C’étaient mes amis et ils sont morts. Tu peux comprendre ça ?
Cape Blanche
Oui, mais c’est que…
Jean
C’est que quoi… ?
Cape Blanche
L’impact des balles est troublant.
Jean
Comment cela ?
Cape Blanche saisit un cadavre et le tire jusque vers Jean.
Cape Blanche
Regardez !
Jean
Je n’ai pas le temps !
Cape Blanche
Vous allez le prendre, pourtant !
Jean
Ne me parle pas sur ce ton ! Je t’ai aidé, il me semble. Tu me dois le respect.
Cape Blanche
Je ne suis pas fâché, je constate, simplement…
Jean
Tu poses trop de question.
Cape Blanche
Ces hommes ont-ils quitté cette tranchée ?
Jean
Non. Personne ne quitte la tranchée… S’en aller, c’est la garantie de se faire tuer.
Cape Blanche
Alors comment cet homme a-t-il pu être blessé à la jambe ?
Jean
Comment ?
Jean tourne la tête vers le cadavre du soldat. Il a effectivement une blessure par balle à la jambe droite.
Jean
C’est impossible ! Cet idiot aurait quitté cet abri ? Pourquoi aurait-il fait cela ?
Cape Blanche
C’est là ma question.
Jean
Mais je ne sais pas, moi.
Cape Blanche
Allons, ne me mentez pas ! Cet homme est mort hier au plus tard alors vous vous souvenez forcément de ce qu’il s’est passé…
Jean
Non…
Cape Blanche
Je ne vous crois pas !
Jean s’approche de Cape Blanche en pointant son fusil sur son cœur.
Jean
Tu commences à m’énerver avec tes questions, Stéphane !
Cape Blanche
Tire, si tu l’oses !
Jean
Ne me tente pas !
Cape Blanche
Tire ! Je ne mourrai pas !
Jean
Essayons !
Jean tire. La balle ricoche sur la tenue de Stéphane et s’enfonce dans la terre de la tranchée.
Jean
Merde, alors, c’était vrai ! Tu es immortel !
Cape Blanche
Immortel, je ne le pense pas mais invincible, il semblerait bien, oui.
Cape Blanche donne un violent coup de poing à Jean qui tombe au sol en lâchant son fusil.
Cape Blanche
Maintenant, je veux savoir ce que vous me cachez, Jean ! Je veux connaître toute la vérité, maintenant !
Jean
Je ne sais pas ! Je ne sais rien !
Cape Blanche
Je peux t’aider à te rafraîchir la mémoire, si tu veux.
Cape Blanche s’empare de l’arme de Jean.
Jean
Ne tire pas !
Cape Blanche
Toi, tu n’as pourtant pas hésité…
Jean
Je t’en prie… Je ne veux pas mourir… Pas de la main d’un des miens…
Cape Blanche
Alors parle ! Quoi que tu aies fait, je veux le savoir !
Jean
Je n’ai rien fait… Je n’ai rien fait…
Jean se met à pleurer. Cape Blanche est déconcerté, il baisse son arme.
Jean
Hier, je me suis réveillé, et ils étaient morts. Tous morts…
Cape Blanche
Tous sauf toi ?
Jean
Oui, tous sauf moi…
Cape Blanche
De quoi sont-ils morts ?
Jean
Je ne sais pas.
Cape Blanche
Comment ?
Jean
Par balle.
Cape Blanche
Donc, vous avez bien subi un assaut des Allemands ?
Jean
Non.
Cape Blanche
Il y avait un traître parmi vous ?
Jean
Un traître ? Jamais !
Cape Blanche
C’était toi, le traître ? C’est toi qui les as tués ?
Jean
Non ! Je n’aurais jamais fait cela…
Cape Blanche
Où étais-tu quand tes amis ont été tués ?
Jean se recroqueville sur lui-même.
Jean
Je ne sais plus…
Cape Blanche
Tu avais quitté la tranchée ?
Jean
Non, je te le jure, Stéphane… J’étais là, j’étais certainement là mais je n’ai rien vu …
Cape Blanche
Moi, je pense que tu as été pris de folie et que tu les as tués !
Jean
Non !
Cape Blanche
Je pense que ton geste a été tellement violent que tu as tout fait pour oublier…
Jean
Je t’assure du contraire…
Cape Blanche
Ah oui ?
Cape Blanche saisit le casque de Jean et l’envoie rouler contre le tas de cadavres.
Cape Blanche
J’ai une preuve, pourtant…
Jean
Une preuve ?
Cape Blanche
Tu veux la connaître ?
Cape Blanche sort la photographie qu’il avait ramassée la veille.
Cape Blanche
Tu te souviens de ça, n’est-ce pas ?... Réponds ! Tu t’en souviens ?
Jean
Oui… Oui…
Cape Blanche
L’un des deux hommes sur cette photographie, c’était toi…
Jean
Non…
Cape Blanche
Si ! Et l’autre, c’était ton frère, Philémon !
Jean
Qu’est-ce que tu racontes ?
Cape Blanche soulève le cadavre du soldat qu’il a amené jusqu’à Jean.
Cape Blanche
Regarde sa tête ! Regarde attentivement !
Jean
Oh, mon Dieu ! C’est… C’est le même homme !
Cape Blanche
Oui… Oui, c’est l’autre homme.
Cape Blanche laisse tomber le corps devant Jean.
Cape Blanche
Fouille ses poches !
Jean
Comment ?
Cape Blanche
Fouille ses poches !
Jean obéit. Il trouve la même photographie que celle que possède Jean.
Jean
C’est…
Cape Blanche
Oui, la même... Sauf que sur celle-ci, il y a quelque chose d’écrit au dos… Lis !
Jean
Lire quoi ?
Cape Blanche
Si tu refuses de lire, je le fais à ta place !
Jean tourne la photographie et découvre quelques mots griffonnés.
Jean
Mon frère Jean et moi, le jour de mes seize ans, devant la fontaine de notre village. Eté 1885.
Cape Blanche
Cet homme dont tu dis ne pas te souvenir et dont le cadavre gisait à quelques mètres d’ici, c’était ton propre frère, Philémon !
Jean
Oh, mon Dieu !
Cape Blanche
Et je pense que tu l’as tué…
Jean
Je me souviens de lui, maintenant… Et du jour où cette photographie a été prise…
Cape Blanche
Et hier, te souviens-tu de hier ?
Jean se bouche aussitôt les oreilles avec ses mains.
Jean
Des cris ! J’entends leurs hurlements dans ma tête !
Cape Blanche
Ils te supplient de les épargner, c’est bien cela ?
Jean
Oui, oui…
Cape Blanche
Mais tu ne les as pas écoutés ! Tu les as tous tués !
Jean
Je crois que c’est ce qu’il s’est passé… Oh, Seigneur !
Cape Blanche
Je pense que ce sont les médicaments que tu prends ! Ils enlèvent toute inhibition ! A force de vous empêcher de dormir, d’exacerber vos sens, ils vous ont rendu fous ! Fous au point de vous entretuer !
Jean
Non !
Cape Blanche
Tu les as tous tués ou une bonne partie, tout du moins… Et quand tu as eu fini, tu as tout oublié. Tu as entassé leurs corps et tu t’es imaginé que tu vivais seul ici depuis des mois ! Ce qui est faux… Cela fait seulement quelques heures que tu es seul, ici… Peut-être même suis-je arrivé juste après le massacre…
Jean
Je… Je me rappelle, à présent…
Cape Blanche
Et alors ? Est-ce que j’ai tort ?
Jean
Je… Je n’ai tué personne…
Cape Blanche
Pardon ?
Jean
Je me suis caché dans un gourbi alors qu’ils s’entretuaient… C’est ainsi que j’ai survécu…
Cape Blanche
Pourquoi aurais-tu été épargné par cette folie ambiante ?
Jean
Parce que je refusais de prendre mes médicaments…
Cape Blanche
Tu…
Jean
J’avais des doutes… Je pensais qu’ils étaient dangereux pour notre organisme… Aujourd’hui, c’était la première fois que je les prenais… Je m’en souviens, maintenant… J’ai survécu car je me suis caché… mais je ne suis pas un meurtrier…
Cape Blanche tend sa main droite à Jean pour l’aider à se relever.
Cape Blanche
J’imagine que je n’ai pas d’autre choix que de te croire… Allez, debout, Jean… Il faut enterrer ces pauvres diables…
Jean
Ne touche à rien… C’est à moi de le faire…
Cape Blanche
« La guerre ne sert qu'à faire mourir les hommes et enrichir les marchands de canons »
1917. Hiver. Nuit. Quelques heures plus tard.
Aux alentours de Verdun. Tranchée.
Le même feu que la veille éclaire la tranchée. Jean soulève deux lattes posées sur le sol. Il en érige une dans la terre et, à l’aide d’un clou et d’un marteau, il forme une croix avec l’autre. Cape Blanche observe les alentours à travers le parapet, à la clarté de la Lune.
Cape Blanche
On devrait allumer des foyers tous les dix mètres pour tromper l’ennemi, tu ne crois pas, Jean ?
Jean
Oui, c’est une bonne idée…
Cape Blanche
Si nous ne produisons qu’une source de lumière, les Allemands vont comprendre que nos rangs ont considérablement diminué…
Jean
C’est vrai…
Jean tombe à genou.
Jean
Je n’en peux plus… Je n’ai plus la force de creuser…
Cape Blanche
Alors, arrête-toi ! Nous reprendrons demain… Ce n’est pas le temps qui nous presse…
Jean
Je ne veux plus voir leurs corps…
Cape Blanche
Je comprends…
Cape Blanche observe la tranchée dans la pénombre, où une dizaine de croix est plantée dans le sol.
Jean
Je n’avalerai plus jamais ces médicaments…
Cape Blanche
Pour sûr ! Je n’ai pas envie que tu m’attaques…
Jean
Comment tout cela va-t-il finir, selon toi ?
Cape Blanche
Il est un peu tôt pour me poser la question, tu ne crois pas ?
Jean
Chut ! Ecoute !
Le vrombissement d’un avion retentit dans le ciel.
Jean
Merde ! C’est un raid !
Cape Blanche
Ami ou ennemi ?
Jean
Aucune idée !
Cape Blanche
Il faut éteindre le feu !
Jean
Non, on n’a pas le temps ! Il faut qu’on aille se réfugier dans la cagna !
Jean court le long de la tranchée, suivi par Cape Blanche. Il entre dans une petite galerie.
Jean
C’est un refuge ! Nous devrions être en sécurité, ici !
Cape Blanche
Tu es sûr que le plafond est suffisamment solide ?
Jean
Je ne peux rien te garantir… En plus, je déteste cet endroit…
Cape Blanche
Pourquoi ?
Jean
Parce que c’est ici… Ici que je me suis caché… lorsque… les autres soldats se sont… enfin, tu vois ?
Cape Blanche
Oui.
Jean se penche vers l’extérieur pour observer l’avion.
Jean
Bien, bien, bien… J’ai deux nouvelles… Une bonne et une mauvaise…
Cape Blanche
Commence par la mauvaise…
Jean
C’est un avion allemand !
Cape Blanche
Merde !
Jean
La bonne, c’est que c’est un Halberstadt. Le modèle, en revanche, je n’en suis pas sûr…
Cape Blanche
En quoi est-ce une bonne nouvelle ? J’ai du mal à me réjouir, là…
Jean
C’est un petit avion. Il ne largue pas d’obus ni de bombes… Il est équipé de mitraillettes…
Jean avance vers le fond de la galerie.
Jean
Autrement dit, si nous restons à couvert, nous ne craignions pas grand-chose…
Cape Blanche
Tant mieux…
Jean
Le hic, c’est qu’ils se déplacent rarement seuls…
Cape Blanche
Et que fait-il ici, Jean ? Tu en as une petite idée ?
Jean
C’est évident. Il fait du repérage. Le but n’est pas à proprement parler de causer des dommages dans nos rangs mais de repérer notre nombre et nos armes… Avons-nous un canon ou pas, par exemple…
Cape Blanche
Et nous en avons un ?
Jean
Non.
Cape Blanche
Il va voir les tombes !
Jean
Pas d’inquiétude… Les Allemands aussi enterrent leurs hommes… Enfin, j’imagine… De là à ce que le pilote en déduise que nous ne sommes plus que deux, nous avons une marge.
Ils se taisent.
Cape Blanche
On dirait qu’il s’éloigne…
Jean
On peut s’attendre à une attaque en règle d’ici demain à l’aube ! Il faut foutre le camp, et vite !
1917. Hiver. Nuit. Quelques minutes plus tard.
Aux alentours de Verdun. Tranchée.
Jean et Cape Blanche sont équipés de fusils. Ils se hissent par-dessus le parados.
Jean
Ce que je suis en train de faire s’appelle de la désertion.
Cape Blanche
Non, c’est un repli stratégique…
Jean
Comment trouver son chemin dans la nuit sans lumière, à la seule lueur des étoiles ?
Cape Blanche
Suivons les traces du chien jusqu’à la rivière.
Jean
Elle est en crue… Nous ne pourrons jamais la traverser.
Cape Blanche
Nous trouverons une solution, j’en suis persuadé…
Jean
On va nous tirer comme des lapins.
Cape Blanche
Si nous marchons d’un bon pas, nous avons nos chances…
Jean
Et si un autre avion survolait la région pendant que nous sommes à découvert ?
Cape Blanche
Si nous restons dans la tranchée, c’est une mort certaine qui nous attend, c’est bien ce que tu as dit.
Jean
Oui.
1917. Hiver. Nuit. Quelques heures plus tard.
Meuse.
Jean et Cape Blanche atteignent la rivière en crue. Accrochée par une corde à un arbre, une barque en piteux état baigne entre deux morceaux de barrières submergés.
Jean
Finalement, nous sommes arrivés ici sans encombre.
Cape Blanche
Oui, mais à présent, les choses se compliquent… Comment allons-nous traverser ? Le courant est fort. Et cette barque n’est pas une embarcation sûre…
Jean
Si le chien peut le faire, nous aussi. Il doit exister un moyen ! Il nous suffit de le trouver.
Cape Blanche
Non, mais je rêve !
Jean
Quoi ?
Sur l’eau, au loin, flotte un point lumineux.
Cape Blanche
C’est une lanterne !
Jean
Un bateau !
Cape Blanche
Quelqu’un vient à nous !
Jean
Alléluia !
Jean et Cape Blanche agitent leurs bras. Le bateau se rapproche. Un jappement retentit.
Jean
Le chien ! C’est le chien !
Cape Blanche
Oui… C’est peut-être lui qui a donné l’alerte !
Jean
C’est un véritable Saint-Bernard, ce cocker !
Cape Blanche
Je ne regarderai plus jamais les bêtes de la même façon !
Le bateau arrive à hauteur de la barrière blanche. Une femme enceinte, en tenue d’infirmière, le guide.
Jean
Ombeline ! C’est vous !
Ombeline
Oui, Jean ! C’est bien moi ! Comme je suis contente de vous voir ! Mais qui est cet homme qui vous accompagne ? Est-ce à lui que la cape blanche que vous avez nouée autour de mon chien appartenait ?
Jean
Précisément.
Ombeline
Quel est son nom ?
Jean
Febvre.
Ombeline
Pourquoi cette tenue ?
Jean
Peu importe ! Filons d’ici !
Ombeline
Mais pourquoi êtes-vous venus ? Où sont les autres ? Restés dans la tranchée ?
Jean
Non… C’est-à-dire qu’ils…
Ombeline
Eh bien quoi ? Parlez, Jean, vous m’inquiétez !
Jean
Ils sont… morts… Je suis désolé…
Ombeline
Morts ?
Jean
Oui… Nous avions commencé à les enterrer quand un avion allemand a survolé notre tranchée. Nous nous sommes enfuis.
Ombeline
Je comprends… Ne restez pas sur la rive ! Montez !
Jean
Très bien…
Jean et Cape Blanche font quelques pas dans l’eau, qui leur arrive jusqu’à la taille, puis montent dans l’embarcation.
Ombeline
Pourriez-vous ramer jusque de l’autre côté ? Je suis épuisée…
Jean
Bien sûr…
Le chien jappe. Ombeline et Jean échangent leurs places.
Ombeline
Tais-toi, veux-tu ? Sois sage… Oui, tu es un bon chien… Un bon chien…
Cape Blanche observe la barrière blanche qui disparait dans l’obscurité tandis que le bateau s’éloigne.
Cape Blanche
Ce chien…
Ombeline
Oui ?
Cape Blanche
Pourquoi ne transportait-il que des provisions pour un seul homme ?
Ombeline
Il ne pourrait pas en transporter davantage…
Cape Blanche
J’entends bien mais les hommes qui étaient avec Jean ne sont morts qu’hier, pour la plupart… Comment les alimentiez-vous en provisions ?
Ombeline
Qui vous a dit que nous faisions cela ?
Cape Blanche
Et bien, c’est Jean… Votre chien ne sert-il pas à transporter des médicaments ?
Ombeline
Non…
Cape Blanche se tourne vers Jean.
Cape Blanche
A quoi sert-il, alors ?
Ombeline
A transporter des messages…
Cape Blanche
Des messages ?
Ombeline
Tout dépend de la couleur du paquet que le chien porte sur son dos.
Cape Blanche
Comment cela ?
Ombeline
Les hommes ont suffisamment de vivres dans les tranchées pour tenir un siège mais en cas de problème, ce chien est le seul moyen de communication avec la base.
Cape Blanche
Très bien, alors que signifie le blanc ?
Ombeline
Que tout va bien…
Cape Blanche
Et le tissu doit être différent à l’aller et au retour.
Ombeline
Evidemment. Pour confirmer qu’il a bien été lu. Si un jour le tissu est rouge, cela signifie que les hommes dans la tranchée ont subi de lourdes pertes…
Cape Blanche caresse le chien et dénoue la cape qui entoure son ventre.
Cape Blanche
Alors, pourquoi Jean ne vous a-t-il pas prévenu de ce qu’il s’était passé dans la tranchée ? Pourquoi vous a-t-il envoyé un tissu blanc ?
Ombeline
Je pense qu’il s’était résigné…
Cape Blanche
Résigné ? Résigné à quoi ?
Ombeline
Lorsque la situation est désespérée, les ordres sont de continuer à envoyer un tissu blanc.
Cape Blanche
Pourquoi ?
Ombeline
A l’infirmerie, nous continuons à envoyer un chien jusqu’à ce que le tissu ne soit plus changé… Alors, nous savons que… tout est perdu. Nous n’envoyons des renforts que si c’est utile… Que si le tissu est rouge.
Cape Blanche
Et la boîte de conserve ? Et les pilules vertes, à quoi servent-elles ?
Ombeline
Les vivres servent à tromper l’ennemi. Si les Allemands voient le chien, ils penseront qu’il apporte de la nourriture à nos hommes.
Cape Blanche
Oui, mais les médicaments ?
Ombeline
Nous disons à nos soldats que ce sont des stimulants… Nous envoyons trois pilules par chien pour les plus faibles…
Cape Blanche
Alors, il n’y a pas assez de médicaments pour tout le monde.
Ombeline
Non. Et en vérité, ce ne sont pas des stimulants… C’est du sucre…
Cape Blanche
Alors, les hommes ne se sont pas entretués à cause d’eux !
Ombeline
Entretués ? De quoi parlez-vous ?
Cape Blanche
Jean m’a dit que les hommes qui l’accompagnaient s’étaient donné la mort, pris de folie… Il m’a laissé entendre que c’était à cause des médicaments que vous leur prescriviez mais…
Ombeline
Vous voulez dire qu’ils n’ont pas été abattus par nos ennemis ?
Soudain, Jean lâche les rames, attache la corde à un tronc d’arbre, et porte la main à son fusil.
Jean
Le premier qui bouge, je le descends…
Ombeline
Grand Dieu ! Jean ! Qu’est-ce qu’il vous prend ?
Jean
Vous ne gagnerez pas cette guerre…
Ombeline
Vous… Vous êtes passé à l’ennemi ?
Jean
Nous avons perdu cette guerre avant même de l’avoir commencée… Nous ne sommes dirigés que par des incapables… A un moment, il faut choisir son camp.
Ombeline
Pourquoi… Pourquoi êtes-vous venu jusqu’ici ?
Jean
Ma mission est de faire un maximum de victimes parmi nos rangs… Et cela inclut les équipes de secours…
Ombeline
Traitre !
Jean tire dans le ventre de Ombeline. Elle pousse un cri et tombe à l’eau.
Cape Blanche
Non !
Jean
Tu sais que si je me débrouille bien, je pourrais en tuer une dizaine d’autres, encore…
Cape Blanche
Pourriture !
Jean
Tu viens du futur, n’est-ce pas ?
Cape Blanche
Oui, moi, je n’ai pas menti.
Jean
Je l’ai su à l’instant même où je t’ai vu… Je venais de refroidir mon idiot de frère quand tu es arrivé… Alors, on t’envoie de 2009 pour changer le cours de l’histoire ?
Cape Blanche
Non, mes déplacements dans les époques sont aléatoires, je te l’ai dit… Et je n’ai pas à changer le cours de l’histoire. Cette guerre, les Allemands l’ont perdu.
Jean
Alors, que fais-tu ici ?
Cape Blanche
Je l’ignore… Quelque chose m’a attiré mais je ne sais pas ce dont il s’agit… Toi, dis-moi quand tu as décidé de travailler pour les Allemands !
Jean
Dès 1914…
Cape Blanche
Saleté !
Jean
Depuis bientôt cinq ans, j’attends mes ordres… Bien sagement… Récemment, nous avons fait un prisonnier… Un Bosch, comme ils disent… Et il m’a transmis le message… Il m’a dit de passer à l’action… Ce que j’ai fait. Je ne pensais pas survivre mais j’ai profité d’une attaque des Allemands pour frapper nos hommes par surprise… Et j’ai réussi. J’allais rejoindre l’autre camp quand tu es arrivé…
Cape Blanche
Ils t’auraient tué avant même que tu les aies rejoints !
Jean
Non. J’aurais même reçu une médaille pour mon acte de bravoure !
Cape Blanche
Tu peux toujours rêver… Cela a dû te peiner d’avoir à enterrer tes hommes, ton propre frère…
Jean
Oh, oui, j’étais en rage… Si tu n’avais pas été insensible à mes balles, je t’aurais tué aussi depuis longtemps… Après, j’ai cherché une opportunité de me débarrasser de toi.
Cape Blanche
Et comment comptes-tu t’y prendre ?
Jean
Tu vas rejoindre cette idiote de Ombeline dans cette rivière !
Cape Blanche
J’aimerais bien voir ça !
Jean
Eh bien, regarde…
Jean tire dans le fond de la barque qui se remplit d’eau.
Jean
Tu t’en sortiras certainement mais moi aussi, je suis excellent nageur et d’ici que tu aies atteint la rive, je serai loin !
Cape Blanche saute sur Jean. Ils se battent. La barque s’enfonce dans l’eau.
Cape Blanche
Tu as trahi ta patrie ! Tu as tué tes amis ! Tu as abattu ton frère ! Tu as assassiné une infirmière enceinte !
Jean
Et maintenant, je m’apprête à mettre en échec un justicier venu du futur !
Cape Blanche
Un tueur en série, un train et une météorite n’ont pas eu raison de moi ! Ce n’est pas un minable militaire qui y parviendra !
Jean
Qui est le minable ? Qui a laissé mourir tous les passagers de la tour F. C. M. ?
Cape Blanche
Ne te sers pas de mes confidences contre moi !
Jean
Qui a laissé mourir Ombeline à l’instant ?
Soudain, un bras sort de l’eau, se saisit du pied droit de Jean, tire violemment et le fait tomber dans la rivière.
Cape Blanche
Qui a pu… ?
De toutes ses forces, Ombeline tente de se hisser dans le bateau.
Cape Blanche
Ombeline ! Vous êtes en vie !
Ombeline
Aidez-moi !
Cape Blanche
Nous allons nous en sortir ! Comptez sur moi !
1917. Hiver. Matinée. Quelques heures plus tard.
Meuse. Autre rive.
Cape Blanche tient entre ses bras deux petits garçons nouveau-nés, serrés dans sa cape blanche. Ombeline est étendue, contre un peuplier, mourante. Elle vient d’accoucher. Le chien dort auprès d’eux.
Cape Blanche
Ce sont deux enfants magnifiques…
Ombeline
Stéphane… Etes-vous sûr qu’ils vont bien ?
Cape Blanche
Oui. La balle que vous avez reçue dans le ventre a provoqué les contractions et l’accouchement mais elle n’a pas blessé les jumeaux.
Ombeline
Grâce au ciel…
Ombeline ferme les yeux. Cape Blanche se penche vers elle, un bébé dans chaque bras.
Cape Blanche
Restez éveillée, Ombeline, je vous en prie !
Ombeline
Je… Je n’arrive pas à garder les yeux ouverts…
Cape Blanche
Je suis sûr que si j’allais à l’hôpital où vous travaillez…
Ombeline
Non. J’ai perdu trop de sang. On ne peut plus rien faire pour moi.
Cape Blanche s’assied à côté de Ombeline.
Cape Blanche
Je suis désolé, Ombeline… Je n’ai pas su vous protéger.
Ombeline
Vous avez aidé mes enfants à venir au monde. Vous êtes un héros…
Cape Blanche
Vous avez survécu à une balle de fusil et à la noyade : c’est vous l’héroïne…
Ombeline
Prenez soin… Prenez soin de mes fils…
Cape Blanche
Je vous le promets.
Ombeline
M… Merci.
Un des bébés se met à pleurer.
Ombeline
Il leur faut un prénom. Deux prénoms… mais je pensais n’attendre qu’un enfant… Si j’avais eu une fille, je l’aurais appelé Béatrice… mais… comme ce sont des garçons… Pour un garçon, j’avais pensé à Bernard.
Cape Blanche
Bernard, c’est très bien.
Ombeline
Oui, j’aime beaucoup… Et puis, pour son jumeau, je me disais que Bertrand...
Cape Blanche se redresse brusquement.
Cape Blanche
Seigneur, qui… Qui est le père de ces enfants ?
Ombeline
P… Pourquoi ?
La respiration de Cape Blanche s’accélère.
Cape Blanche
Des jumeaux… nés en 1917… s’appelant Bertrand et Bernard… Est-ce que ce pourrait-être… ?
Ombeline
De qui parlez-vous ?
Cape Blanche
Mon… mon grand-père s’appelait Bertrand… Et son frère, son frère jumeau, Bernard…
Ombeline
Je ne comprends pas bien…
Cape Blanche
Si je suis venu ici, si j’ai été attiré, c’était pour assister à la naissance de mon grand-père… Cape Rouge !
Ombeline
Votre grand-père ?
Cape Blanche
Ainsi, j’aurais pu empêcher Bertrand de naître et ainsi sauver des centaines de victimes…
Ombeline
Vous voulez tuer mon bébé ?
Cape Blanche
Non… Non… malgré tout ce qu’il fera, je ne pourrais pas tuer mon grand-père et si je le faisais, je… je mourrais. Mais cela veut dire que vous êtes mon… mon arrière-grand-mère…
Ombeline
Je… me sens si faible… Si faible…
Cape Blanche pose les enfants dans l’herbe et retire sa cape.
Ombeline
Amenez mes enfants en lieu sûr, je vous en prie, Stéphane… Sauvez-les !
Cape Blanche glisse sa cape dans son costume.
Cape Blanche
Je le ferai, Ombeline… Je vous le promets…
Ombeline
Merci, Stéphane… Mer… ci…
Ombeline meurt. Cape Blanche observe les jumeaux avec attention.
Cape Blanche
Il suffirait… Il suffirait que je tue le bon… Mais lequel est Bertrand et lequel est Bernard ? Comment savoir ?
Cape Blanche observe le soleil qui se lève.
Cape Blanche
Je te déteste tellement, Bertrand ! Pour tout le mal que tu as fait… Et j’ai enfin l’opportunité de changer le passé. De tout empêcher de nier ma propre existence…
Cape Blanche se penche et pose sa main autour du cou d’un des garçons. Pixel par pixel, il commence à disparaître.
Cape Blanche
Ce serait si simple… Je n’aurais qu’à serrer…
Cape Blanche résiste à la tentation. Il se relève. La moitié de son corps s’est décomposé.
Cape Blanche
Mais si je te tuais, Bertrand, si je vous tuais tous les deux… Juliette… Juliette ne naîtrait pas… Et je ne peux pas vivre sans la femme que j’aime…
Cape Blanche s’évanouit.
Cape Blanche, voix off
Vous tous, pardonnez-moi !
Les jumeaux restent seuls, à côté du cadavre de leur mère.
A suivre…
1917. Hiver. Fin d’après-midi.
Aux alentours de Verdun. Tranchée.
Le corps de Cape Blanche se reconstitue pixel par pixel sur un tas de cadavres ensanglantés de soldats français. Il est encore menotté aux mains et aux jambes. Un homme d’une quarantaine d’années, brun, barbu, vêtu d’une capote bleue, assiste à la scène, médusé.
Soldat
Bon Dieu ! Mais qu’est-ce que c’est que ça ?
Le soldat français s’approche de Cape Blanche en dressant sa baïonnette devant lui.
Soldat
Qui es-tu, toi ?
Cape Blanche reprend péniblement ses esprits.
Soldat
Je t’ai posé une question !
Cape Blanche découvre la tête d’un cadavre à côté de lui. Il se redresse en poussant un cri de frayeur.
Cape Blanche
Oh, mon Dieu !
Soldat
Plus un geste !
Cape Blanche dévisage le soldat.
Soldat
Ton nom ! Quel est ton nom ?
Cape Blanche
Febvre. Stéphane Febvre.
Soldat
Moi, je m’appelle Jean. Maintenant, dis-moi ce que tu fais là… C’est les Bosch qui t’envoient ?
Cape Blanche
Les Bosch ? Les Allemands ?
Soldat
Qui d’autre ?
Cape Blanche marche sur les cadavres pour gagner la terre ferme.
Cape Blanche
Votre uniforme… Cet endroit… Nous sommes en guerre, n’est-ce pas ?
Soldat
Finement bien observé, l’Inconnu.
Cape Blanche
C’est la Première Guerre !
Soldat
La Première ?
Cape Blanche
En quelle année sommes-nous ?
Soldat
Tu l’ignores ?
Cape Blanche
Répondez simplement à ma question ! Quel jour sommes-nous ?
Soldat
Le jour précis ? Aucune idée… J’ai cessé de compter. J’ai essayé de m’y astreindre, le premier mois mais je n’y suis pas parvenu. Je suppose que nous ne devons pas être loin de Noël.
Cape Blanche observe la tranchée.
Cape Blanche
1916 ?…
Soldat
1917…
Cape Blanche
Le conflit ne devrait plus tarder à cesser… Il faut tenir encore quelques temps…
Soldat
Qu’en sais-tu, toi ?
Cape Blanche
Je… C’est ce que j’ai entendu dire…
Soldat
Admettons…
Le soldat agite la pointe de sa baïonnette devant le masque de Cape Blanche.
Soldat
Comment as-tu fait ça ?
Cape Blanche
Vous voulez savoir comment je suis arrivé ici ?... Si seulement je le savais…
Soldat
Je t’ai vu apparaître ! Tu es constitué d’un milliard de particules étranges…
Cape Blanche
Je ne suis pas dangereux pour vous… Je ne vous veux aucun mal…
Soldat
En ce cas, quelles sont tes origines ? Réponds !
Cape Blanche
Je… Vous ne me croiriez pas même si je vous le disais…
Cape Blanche pose sa main sur la pointe de la baïonnette et fait baisser son arme au soldat.
Soldat
Tous les hommes qui étaient avec moi sont morts… Un véritable massacre… Je suis seul, ici, désormais, à Verdun… Je n’ai plus aucune compagnie… A part toi…
Cape Blanche
Très bien, je vais essayer de tout vous expliquer… Disons que je suis… une sorte de machine…
Soldat
Une machine ?
Cape Blanche
Oui… Envoyée du futur pour venir en aide aux gens… Certains disent de moi que je suis un justicier… Mais lors de ma première mission qui vient de s’achever, j’ai lamentablement échoué… Tous les hommes avec qui je voyageais sont morts… A part une petite fille…
Soldat
Alors, tu sais ce que je ressens…
Cape Blanche
Oui… Je comprends…
Soldat
Tu es ici pour m’aider, alors ?
Cape Blanche
Je suppose.
Soldat
De quelle époque viens-tu ?
Cape Blanche
De 2009.
Soldat
2009 ! Et quelle est ta nationalité ?
Cape Blanche s’adosse contre le mur en terre.
Cape Blanche
Je suis français.
Soldat
Et qui dirige ton pays ? Un allemand ou un français ?
Cape Blanche
Un français… Nous avons gagné cette guerre… Celle-ci et toutes les autres. Là d’où je viens, les hommes sont libres… Je vous l’ai dit, la guerre prendra fin d’ici quelques mois…
Le soldat baisse son arme.
Soldat
Je ne croirais jamais à cette histoire si je ne t’avais pas vu apparaître devant moi…
Cape Blanche
Je vous assure que je ne mens pas… Je ne veux pas vous attaquer… J’ignore ce que je fais ici… Mes « sauts » dans le temps et les dimensions sont chaotiques.
Soldat
Et cette cape blanche ? Cette combinaison noire ? Qu’est-ce que cela représente ?
Cape Blanche
C’est mon uniforme… Comme vous, vous avez un manteau et votre casque…
Soldat
Et vous possédez une arme qui pourrait nous aider ?
Cape Blanche
Une arme ?... Non, je n’en ai pas…
Soldat
Alors, vous ne me serez pas bien utile…
Cape Blanche
Vos compagnons sont morts mais vous devez bien avoir conservé leurs armes ?
1917. Hiver. Nuit.
Aux alentours de Verdun. Tranchée.
Cape Blanche et Jean sont assis, adossés à la tranchée. Deux couvertures recouvrent le soldat. Leurs armes sont posées à portée de main, à leur droite et à leur gauche. Ils ont fait un feu devant eux avec des vêtements déchirés qui brûlent.
Jean
Tu es sûr que tu ne crains pas le froid, Stéphane ?
Cape Blanche
Oui, Jean. Je te remercie de t’inquiéter mais je vais bien. J’imagine qu’une machine comme moi ne craint pas les variations de températures…
Jean
Moi, je suis gelé.
Jean glisse une main dans sa poche.
Jean
Je voudrais te montrer quelque chose, Stéphane… C’est une photographie de ma femme.
Jean tend une photographie en noir et blanc froissée à Cape Blanche.
Cape Blanche
Votre épouse est très belle… Comment s’appelle-t-elle ?
Jean
Victoria.
Cape Blanche
Avez-vous des enfants ?
Jean
Huit.
Cape Blanche
Huit ?
Jean
Oui… Et toi ? Tu n’as pas d’enfants ?
Cape Blanche
Si… deux… Un garçon et une fille… Louise et Jacob… Ils me manquent.
Jean
Quel âge as-tu ? Difficile à deviner sous cette panoplie et avec cette voix étrange que tu as…
Cape Blanche
Pas loin de la trentaine.
Jean
Tu es marié ?
Cape Blanche
Non.
Jean
Fiancé ?
Cape Blanche
Je l’ai été…
Jean
Que s’est-il passé ?
Cape Blanche
J’ai… rompu mes fiançailles avec la mère de mes enfants pour vivre avec la femme que j’aimais…
Jean
Et les enfants ?
Cape Blanche
J’ai pensé que ce serait mieux pour eux…
Jean range sa photographie dans sa poche.
Jean
Tiens ! Qu’est-ce que c’est que ça ?
Cape Blanche
Qu’est-ce qu’il y a ?
Jean
Il y a autre chose dans ma poche…
Cape Blanche
Vraiment ?
Jean sort une seconde photographie de sa poche. Elle représente deux adolescents assis sur le bord d’une fontaine.
Cape Blanche
Qui est-ce ?
Jean
Je…
Cape Blanche
L’un d’eux vous ressemble…
Jean
Vous trouvez ?…
Cape Blanche
Oui ! Regardez bien, l’homme à gauche…
Jean observe la photographie avec attention.
Jean
C’est impossible !
Cape Blanche tourne la photographie un instant mais il n’y a rien d’inscrit au dos.
Cape Blanche
Oui… Vous avez les mêmes yeux… Sans la barbe, cela pourrait être vous… Vous avez un frère, peut-être ?
Jean
Un frère… Ai-je un frère ?... Je… Je ne crois pas, non…
Cape Blanche
Comment cela, vous ne croyez pas ?
Jean
Je n’ai aucun souvenir précis de mon enfance… Tout est flou dans ma tête… C’est ainsi depuis que la guerre a commencé… Je n’ai aucune peine à me rappeler du visage de ma femme et de celui de mes enfants mais le reste de ma vie, mon enfance, mon travail à l’usine, je l’ai oublié…
Cape Blanche
C’est probablement la vie dans ces tranchées qui affecte votre mémoire mais je suis sûr que tout vous reviendra une fois que vous serez sorti d’ici.
Jean
Si jamais je parviens à m’échapper un jour… A chaque instant, les allemands peuvent décider d’avancer… Je fais tout pour leur faire croire que nous sommes encore nombreux, ici… J’ai mis au point un stratagème pour les duper… Mais si jamais un avion venait à survoler la zone, il verrait que je suis seul… et alors, les Bosch n’hésiteraient pas : ils donneraient l’assaut…
Cape Blanche
Vous n’avez jamais songé à vous échapper ? A battre en retraite ?
Jean
Le barrage derrière nous a sauté et les eaux ont inondé les environs. Nous sommes piégés… Nous ne pouvons ni avancer, ni reculer… Nous sommes faits comme des rats…
Cape Blanche
Je vous aiderai, Jean. Ensemble, nous trouverons un moyen de survivre…
Jean
J’aimerais bien vous croire…
1917. Hiver. Nuit. Quelques heures plus tard.
Aux alentours de Verdun. Tranchée.
Le feu est éteint. La Lune éclaire la tranchée. Cape Blanche est endormi. Jean, debout, pose une main sur son épaule pour le réveiller.
Jean
Réveille-toi, Stéphane ! J’ai entendu tirer !
Cape Blanche
Comment ça ?
Jean
Devant nous ! Sur les lignes ennemies !
Cape Blanche
En pleine nuit ?
Jean
Tais-toi ! Je veux savoir ce qu’il se passe là-bas.
Cape Blanche se redresse, s’empare de sa baïonnette et se met derrière un parapet, à côté de Jean.
Cape Blanche
Je n’entends rien…
Jean
C’est normal, tu dormais… On dirait que les tirs ont cessé…
Cape Blanche
Mais sur qui pouvaient-ils tirer en pleine nuit ?
Jean
Je n’en ai pas la moindre idée… Si un soldat français s’est aventuré là-bas, il est foutu, c’est certain.
Cape Blanche
Oui, il n’a pas la moindre chance.
Jean
Ils ont dû l’abattre…
Cape Blanche se rassied.
Cape Blanche
Dommage que je n’ai pas de vision infra-rouge.
Jean
De quoi ?
Cape Blanche
C’est… un matériel qui permet de voir dans la nuit comme en plein jour.
Jean
Alors, à ton époque, la guerre ne doit jamais s’arrêter…
Cape Blanche
Et non…
Jean
Nous, au moins, la nuit, normalement, nous avons un peu de répit… Sauf ce soir, je me demande ce qui a provoqué ces tirs…
Cape Blanche
Nous ne le saurons sans doute jamais…
Jean
Non, mais ce qui est sûr, c’est qu’ils sont encore là… Et ils se rapprochent… Jamais je n’avais entendu aussi distinctement leurs tirs… C’est mauvais signe…
Cape Blanche remarque la photographie des deux hommes posée sur le sol, devant lui. Il s’en empare.
Cape Blanche
Il fait froid, non ?
Il commence à neiger.
1917. Hiver. Le lendemain matin.
Aux alentours de Verdun. Tranchée.
La tranchée est couverte d’une fine couche de neige. Jean ouvre les yeux. Il est allongé sur des lattes de bois et découvre Cape Blanche, une baïonnette à la main qui tente de casser de sa pointe la serrure des menottes qui serrent ses pieds.
Jean
Tu n’y arriveras pas comme cela, Stéphane…
Cape Blanche
Cela fait plus de dix minutes que j’essaie…
Jean
Je pense qu’un coup de fusil suffirait à les faire sauter.
Cape Blanche
Difficile de tirer seul dans les menottes qui cerclent ses propres mains.
Jean
Je sais… Je vais t’aider.
Cape Blanche
Merci… Je voudrais vraiment les ôter. C’est un mauvais souvenir.
Jean
Je comprends… Ne bouge pas !
Jean s’empare d’un fusil posé debout contre une paroi et vise les menottes autour des jambes de Cape Blanche.
Jean
Prêt ?
Cape Blanche
Oui.
Jean tire. La chaîne explose sous l’impact de la balle mais les bracelets restent accrochés.
Jean
Je ne t’ai pas touché ?
Cape Blanche
Non, rassure-toi.
Jean
Tant mieux. On passe a ux mains, maintenant.
Cape Blanche lève haut les bras devant lui. Jean vise et tire. Il est libre.
Cape Blanche
Enfin ! Merci, Jean… Merci beaucoup.
Jean
C’est naturel.
Cape Blanche
Je sais que vous ignorez beaucoup de choses sur mon compte et que vous me faîtes entièrement confiance malgré l’histoire abracadabrante que je vous ai racontée. Vous auriez pu vous sentir plus en sécurité en me laissant mes menottes mais je vous promets que vous ne le regretterez pas.
Jean
Je le souhaite…
Un aboiement retentit sur la terre qui sépare les eaux de la tranchée.
Cape Blanche
Qu’est-ce que c’est ? Un chien ? Ici ?
Jean
Oui. Un cocker dressé pour la guerre. Il vient m’apporter nourriture et soin d’urgence.
Cape Blanche
C’est une plaisanterie ?
Cape Blanche se place devant le parados et distingue un animal noir et blanc qui arrive au loin.
Jean
Avant, une infirmière venait jusqu’ici pour nous apporter son soutien.
Cape Blanche
Pourquoi ne viens-elle plus ? Elle a été tuée ?
Jean
Non… Elle est enceinte.
Le chien porte une boîte de conserve dans sa gueule et sur son dos est accroché un paquet blanc entouré de tissus.
Cape Blanche
C’est un moyen ingénieux mais j’imagine que les bêtes aussi sont la cible des ennemis…
Jean
Oui mais celui-ci survit depuis le début de la guerre.
Cape Blanche
Formidable ! Il doit être très intelligent.
Jean
Il sait éviter les mines. Il les renifle, il les repère et parvient à traverser la rivière et le champ de bataille sans se faire tirer dessus. Sans lui, je serais probablement mort de faim.
Cape Blanche
Dieu bénisse les cockers…
Le chien arrive à hauteur de la tranchée. Il saute au-dessus des sacs de terre et s’approche de Jean.
Jean
Tu arrives toujours au bon moment, mon brave…
Cape Blanche
Quel est son nom ?
Le chien dépose la boîte de conserve au sol, aux pieds de Jean.
Jean
Je l’ai su mais j’ai oublié… Encore une fois… J’oublie tout…
Cape Blanche
Avez-vous un ouvre-boîte ?
Jean
Bien sûr !
Jean sort un ouvre-boîte de la poche de son manteau.
Jean
Et voilà !
Cape Blanche
Parfait ! Vous allez pouvoir vous restaurer.
Jean
Et toi ? Tu ne manges rien ?
Cape Blanche
Je ne peux pas ôter mon masque et je ne ressens pas la faim.
Jean
Quelle chance tu as… Si tous les soldats étaient comme toi…
Cape Blanche
Et sur son dos ? Qu’est-ce que c’est ? Les fameux médicaments ?
Jean
Exactement !
Jean dénoue les morceaux de tissus pour récupérer le paquet blanc.
Jean
Il faut les avaler sans jamais poser la moindre question. Ce sont les ordres…
Jean ouvre le paquet.
Cape Blanche
Qu’est-ce que c’est ?
Jean
Trois petites pilules vertes.
Cape Blanche
Oui, d’accord, mais que contiennent-elles ?
Jean
Je ne sais pas avec précision. A l’armée, on nous a dit de les prendre… Qu’elles nous aideraient à rester éveiller. Grâce à elles, nos sens seraient décuplés…
Cape Blanche
Je n’ai jamais entendu parler de cela… A l’époque de la Guerre du Golfe, certainement mais pas en 1917…
Jean
Et puis quoi, ensuite ? Tu vas me dire qu’elles sont empoisonnées !
Cape Blanche
Non… Non… Depuis quand en prenez-vous ?
Jean
Un an, peut-être plus…
Cape Blanche
Et cela ne vous a pas tué… Je n’ai rien à redire… Vous pouvez les prendre si vous le voulez…
Jean
Merci… Ta sollicitude me touche, Stéphane.
Cape Blanche
Pas la peine d’être sarcastique…
Jean avance vers Cape Blanche et caressant le chien.
Jean
Donne-moi ta cape, s’il te plaît…
Cape Blanche
Pardon ?
Jean
Il me faut ta cape !
Cape Blanche
Pour quoi faire ?
Jean
Je vais la nouer autour du chien pour que les infirmiers sachent que je ne suis plus seul dans la tranchée…
Cape Blanche
Ils n’ont pas besoin de le savoir…
Jean
Ta cape !
Cape Blanche détache sa cape.
Cape Blanche
Je m’y étais habitué…
Jean
Tu la récupéreras mais pour le moment, ce n’est pas un mal. Tu es trop voyant lorsque tu la portes.
Cape Blanche
Toutes les excuses sont bonnes…
Jean
Je sais que tu as survécu miraculeusement à l’explosion d’un vaisseau spatial mais qui sait ce que pourraient te faire les armes des Bosch…
Cape Blanche
Très bien, j’obéis…
Cape Blanche tend sa cape à Jean.
Jean
Quel étrange symbole !
Cape Blanche
Ce n’est pas un huit, beaucoup de gens le pensent mais ils se trompent, c’est le symbole de l’infini.
Jean
L’infini…
Jean noue la cape autour du ventre du chien.
Jean
Allez, va, mon petit !
Jean prend l’animal dans ses bras et le pose par-delà le parados. Il part en courant.
Jean
Voilà une bonne chose de faite ! Maintenant, à table !
Cape Blanche
Ca manque d’eau.
Jean
Ils ne nous en enverront pas les jours de neige…
Cape Blanche
Ah, je vois… Il faut boire la neige, je présume.
Jean
Bien vu…
Jean s’assied sur les lattes de bois puis il s’attelle à ouvrir la boîte de conserve. Cape Blanche, lui, fait le guet.
1917. Hiver. Jour. Après-midi.
Aux alentours de Verdun. Tranchée.
Cape Blanche examine les cadavres des soldats entassés les uns sur les autres tandis que Jean observe le terrain ennemi entre deux sacs de terre.
Cape Blanche
Comment sont-ils morts ?
Jean
… tués…
Cape Blanche
Oui, j’avais deviné, merci… Je voulais dire… Est-ce qu’il y a eu un assaut ?
Jean
Je… Je ne me souviens plus…
Cape Blanche
Comment cela ? Certains corps n’ont même pas encore commencé leur décomposition.
Jean
Je n’ai pas envie d’en parler. C’étaient mes amis et ils sont morts. Tu peux comprendre ça ?
Cape Blanche
Oui, mais c’est que…
Jean
C’est que quoi… ?
Cape Blanche
L’impact des balles est troublant.
Jean
Comment cela ?
Cape Blanche saisit un cadavre et le tire jusque vers Jean.
Cape Blanche
Regardez !
Jean
Je n’ai pas le temps !
Cape Blanche
Vous allez le prendre, pourtant !
Jean
Ne me parle pas sur ce ton ! Je t’ai aidé, il me semble. Tu me dois le respect.
Cape Blanche
Je ne suis pas fâché, je constate, simplement…
Jean
Tu poses trop de question.
Cape Blanche
Ces hommes ont-ils quitté cette tranchée ?
Jean
Non. Personne ne quitte la tranchée… S’en aller, c’est la garantie de se faire tuer.
Cape Blanche
Alors comment cet homme a-t-il pu être blessé à la jambe ?
Jean
Comment ?
Jean tourne la tête vers le cadavre du soldat. Il a effectivement une blessure par balle à la jambe droite.
Jean
C’est impossible ! Cet idiot aurait quitté cet abri ? Pourquoi aurait-il fait cela ?
Cape Blanche
C’est là ma question.
Jean
Mais je ne sais pas, moi.
Cape Blanche
Allons, ne me mentez pas ! Cet homme est mort hier au plus tard alors vous vous souvenez forcément de ce qu’il s’est passé…
Jean
Non…
Cape Blanche
Je ne vous crois pas !
Jean s’approche de Cape Blanche en pointant son fusil sur son cœur.
Jean
Tu commences à m’énerver avec tes questions, Stéphane !
Cape Blanche
Tire, si tu l’oses !
Jean
Ne me tente pas !
Cape Blanche
Tire ! Je ne mourrai pas !
Jean
Essayons !
Jean tire. La balle ricoche sur la tenue de Stéphane et s’enfonce dans la terre de la tranchée.
Jean
Merde, alors, c’était vrai ! Tu es immortel !
Cape Blanche
Immortel, je ne le pense pas mais invincible, il semblerait bien, oui.
Cape Blanche donne un violent coup de poing à Jean qui tombe au sol en lâchant son fusil.
Cape Blanche
Maintenant, je veux savoir ce que vous me cachez, Jean ! Je veux connaître toute la vérité, maintenant !
Jean
Je ne sais pas ! Je ne sais rien !
Cape Blanche
Je peux t’aider à te rafraîchir la mémoire, si tu veux.
Cape Blanche s’empare de l’arme de Jean.
Jean
Ne tire pas !
Cape Blanche
Toi, tu n’as pourtant pas hésité…
Jean
Je t’en prie… Je ne veux pas mourir… Pas de la main d’un des miens…
Cape Blanche
Alors parle ! Quoi que tu aies fait, je veux le savoir !
Jean
Je n’ai rien fait… Je n’ai rien fait…
Jean se met à pleurer. Cape Blanche est déconcerté, il baisse son arme.
Jean
Hier, je me suis réveillé, et ils étaient morts. Tous morts…
Cape Blanche
Tous sauf toi ?
Jean
Oui, tous sauf moi…
Cape Blanche
De quoi sont-ils morts ?
Jean
Je ne sais pas.
Cape Blanche
Comment ?
Jean
Par balle.
Cape Blanche
Donc, vous avez bien subi un assaut des Allemands ?
Jean
Non.
Cape Blanche
Il y avait un traître parmi vous ?
Jean
Un traître ? Jamais !
Cape Blanche
C’était toi, le traître ? C’est toi qui les as tués ?
Jean
Non ! Je n’aurais jamais fait cela…
Cape Blanche
Où étais-tu quand tes amis ont été tués ?
Jean se recroqueville sur lui-même.
Jean
Je ne sais plus…
Cape Blanche
Tu avais quitté la tranchée ?
Jean
Non, je te le jure, Stéphane… J’étais là, j’étais certainement là mais je n’ai rien vu …
Cape Blanche
Moi, je pense que tu as été pris de folie et que tu les as tués !
Jean
Non !
Cape Blanche
Je pense que ton geste a été tellement violent que tu as tout fait pour oublier…
Jean
Je t’assure du contraire…
Cape Blanche
Ah oui ?
Cape Blanche saisit le casque de Jean et l’envoie rouler contre le tas de cadavres.
Cape Blanche
J’ai une preuve, pourtant…
Jean
Une preuve ?
Cape Blanche
Tu veux la connaître ?
Cape Blanche sort la photographie qu’il avait ramassée la veille.
Cape Blanche
Tu te souviens de ça, n’est-ce pas ?... Réponds ! Tu t’en souviens ?
Jean
Oui… Oui…
Cape Blanche
L’un des deux hommes sur cette photographie, c’était toi…
Jean
Non…
Cape Blanche
Si ! Et l’autre, c’était ton frère, Philémon !
Jean
Qu’est-ce que tu racontes ?
Cape Blanche soulève le cadavre du soldat qu’il a amené jusqu’à Jean.
Cape Blanche
Regarde sa tête ! Regarde attentivement !
Jean
Oh, mon Dieu ! C’est… C’est le même homme !
Cape Blanche
Oui… Oui, c’est l’autre homme.
Cape Blanche laisse tomber le corps devant Jean.
Cape Blanche
Fouille ses poches !
Jean
Comment ?
Cape Blanche
Fouille ses poches !
Jean obéit. Il trouve la même photographie que celle que possède Jean.
Jean
C’est…
Cape Blanche
Oui, la même... Sauf que sur celle-ci, il y a quelque chose d’écrit au dos… Lis !
Jean
Lire quoi ?
Cape Blanche
Si tu refuses de lire, je le fais à ta place !
Jean tourne la photographie et découvre quelques mots griffonnés.
Jean
Mon frère Jean et moi, le jour de mes seize ans, devant la fontaine de notre village. Eté 1885.
Cape Blanche
Cet homme dont tu dis ne pas te souvenir et dont le cadavre gisait à quelques mètres d’ici, c’était ton propre frère, Philémon !
Jean
Oh, mon Dieu !
Cape Blanche
Et je pense que tu l’as tué…
Jean
Je me souviens de lui, maintenant… Et du jour où cette photographie a été prise…
Cape Blanche
Et hier, te souviens-tu de hier ?
Jean se bouche aussitôt les oreilles avec ses mains.
Jean
Des cris ! J’entends leurs hurlements dans ma tête !
Cape Blanche
Ils te supplient de les épargner, c’est bien cela ?
Jean
Oui, oui…
Cape Blanche
Mais tu ne les as pas écoutés ! Tu les as tous tués !
Jean
Je crois que c’est ce qu’il s’est passé… Oh, Seigneur !
Cape Blanche
Je pense que ce sont les médicaments que tu prends ! Ils enlèvent toute inhibition ! A force de vous empêcher de dormir, d’exacerber vos sens, ils vous ont rendu fous ! Fous au point de vous entretuer !
Jean
Non !
Cape Blanche
Tu les as tous tués ou une bonne partie, tout du moins… Et quand tu as eu fini, tu as tout oublié. Tu as entassé leurs corps et tu t’es imaginé que tu vivais seul ici depuis des mois ! Ce qui est faux… Cela fait seulement quelques heures que tu es seul, ici… Peut-être même suis-je arrivé juste après le massacre…
Jean
Je… Je me rappelle, à présent…
Cape Blanche
Et alors ? Est-ce que j’ai tort ?
Jean
Je… Je n’ai tué personne…
Cape Blanche
Pardon ?
Jean
Je me suis caché dans un gourbi alors qu’ils s’entretuaient… C’est ainsi que j’ai survécu…
Cape Blanche
Pourquoi aurais-tu été épargné par cette folie ambiante ?
Jean
Parce que je refusais de prendre mes médicaments…
Cape Blanche
Tu…
Jean
J’avais des doutes… Je pensais qu’ils étaient dangereux pour notre organisme… Aujourd’hui, c’était la première fois que je les prenais… Je m’en souviens, maintenant… J’ai survécu car je me suis caché… mais je ne suis pas un meurtrier…
Cape Blanche tend sa main droite à Jean pour l’aider à se relever.
Cape Blanche
J’imagine que je n’ai pas d’autre choix que de te croire… Allez, debout, Jean… Il faut enterrer ces pauvres diables…
Jean
Ne touche à rien… C’est à moi de le faire…
Cape Blanche
« La guerre ne sert qu'à faire mourir les hommes et enrichir les marchands de canons »
1917. Hiver. Nuit. Quelques heures plus tard.
Aux alentours de Verdun. Tranchée.
Le même feu que la veille éclaire la tranchée. Jean soulève deux lattes posées sur le sol. Il en érige une dans la terre et, à l’aide d’un clou et d’un marteau, il forme une croix avec l’autre. Cape Blanche observe les alentours à travers le parapet, à la clarté de la Lune.
Cape Blanche
On devrait allumer des foyers tous les dix mètres pour tromper l’ennemi, tu ne crois pas, Jean ?
Jean
Oui, c’est une bonne idée…
Cape Blanche
Si nous ne produisons qu’une source de lumière, les Allemands vont comprendre que nos rangs ont considérablement diminué…
Jean
C’est vrai…
Jean tombe à genou.
Jean
Je n’en peux plus… Je n’ai plus la force de creuser…
Cape Blanche
Alors, arrête-toi ! Nous reprendrons demain… Ce n’est pas le temps qui nous presse…
Jean
Je ne veux plus voir leurs corps…
Cape Blanche
Je comprends…
Cape Blanche observe la tranchée dans la pénombre, où une dizaine de croix est plantée dans le sol.
Jean
Je n’avalerai plus jamais ces médicaments…
Cape Blanche
Pour sûr ! Je n’ai pas envie que tu m’attaques…
Jean
Comment tout cela va-t-il finir, selon toi ?
Cape Blanche
Il est un peu tôt pour me poser la question, tu ne crois pas ?
Jean
Chut ! Ecoute !
Le vrombissement d’un avion retentit dans le ciel.
Jean
Merde ! C’est un raid !
Cape Blanche
Ami ou ennemi ?
Jean
Aucune idée !
Cape Blanche
Il faut éteindre le feu !
Jean
Non, on n’a pas le temps ! Il faut qu’on aille se réfugier dans la cagna !
Jean court le long de la tranchée, suivi par Cape Blanche. Il entre dans une petite galerie.
Jean
C’est un refuge ! Nous devrions être en sécurité, ici !
Cape Blanche
Tu es sûr que le plafond est suffisamment solide ?
Jean
Je ne peux rien te garantir… En plus, je déteste cet endroit…
Cape Blanche
Pourquoi ?
Jean
Parce que c’est ici… Ici que je me suis caché… lorsque… les autres soldats se sont… enfin, tu vois ?
Cape Blanche
Oui.
Jean se penche vers l’extérieur pour observer l’avion.
Jean
Bien, bien, bien… J’ai deux nouvelles… Une bonne et une mauvaise…
Cape Blanche
Commence par la mauvaise…
Jean
C’est un avion allemand !
Cape Blanche
Merde !
Jean
La bonne, c’est que c’est un Halberstadt. Le modèle, en revanche, je n’en suis pas sûr…
Cape Blanche
En quoi est-ce une bonne nouvelle ? J’ai du mal à me réjouir, là…
Jean
C’est un petit avion. Il ne largue pas d’obus ni de bombes… Il est équipé de mitraillettes…
Jean avance vers le fond de la galerie.
Jean
Autrement dit, si nous restons à couvert, nous ne craignions pas grand-chose…
Cape Blanche
Tant mieux…
Jean
Le hic, c’est qu’ils se déplacent rarement seuls…
Cape Blanche
Et que fait-il ici, Jean ? Tu en as une petite idée ?
Jean
C’est évident. Il fait du repérage. Le but n’est pas à proprement parler de causer des dommages dans nos rangs mais de repérer notre nombre et nos armes… Avons-nous un canon ou pas, par exemple…
Cape Blanche
Et nous en avons un ?
Jean
Non.
Cape Blanche
Il va voir les tombes !
Jean
Pas d’inquiétude… Les Allemands aussi enterrent leurs hommes… Enfin, j’imagine… De là à ce que le pilote en déduise que nous ne sommes plus que deux, nous avons une marge.
Ils se taisent.
Cape Blanche
On dirait qu’il s’éloigne…
Jean
On peut s’attendre à une attaque en règle d’ici demain à l’aube ! Il faut foutre le camp, et vite !
1917. Hiver. Nuit. Quelques minutes plus tard.
Aux alentours de Verdun. Tranchée.
Jean et Cape Blanche sont équipés de fusils. Ils se hissent par-dessus le parados.
Jean
Ce que je suis en train de faire s’appelle de la désertion.
Cape Blanche
Non, c’est un repli stratégique…
Jean
Comment trouver son chemin dans la nuit sans lumière, à la seule lueur des étoiles ?
Cape Blanche
Suivons les traces du chien jusqu’à la rivière.
Jean
Elle est en crue… Nous ne pourrons jamais la traverser.
Cape Blanche
Nous trouverons une solution, j’en suis persuadé…
Jean
On va nous tirer comme des lapins.
Cape Blanche
Si nous marchons d’un bon pas, nous avons nos chances…
Jean
Et si un autre avion survolait la région pendant que nous sommes à découvert ?
Cape Blanche
Si nous restons dans la tranchée, c’est une mort certaine qui nous attend, c’est bien ce que tu as dit.
Jean
Oui.
1917. Hiver. Nuit. Quelques heures plus tard.
Meuse.
Jean et Cape Blanche atteignent la rivière en crue. Accrochée par une corde à un arbre, une barque en piteux état baigne entre deux morceaux de barrières submergés.
Jean
Finalement, nous sommes arrivés ici sans encombre.
Cape Blanche
Oui, mais à présent, les choses se compliquent… Comment allons-nous traverser ? Le courant est fort. Et cette barque n’est pas une embarcation sûre…
Jean
Si le chien peut le faire, nous aussi. Il doit exister un moyen ! Il nous suffit de le trouver.
Cape Blanche
Non, mais je rêve !
Jean
Quoi ?
Sur l’eau, au loin, flotte un point lumineux.
Cape Blanche
C’est une lanterne !
Jean
Un bateau !
Cape Blanche
Quelqu’un vient à nous !
Jean
Alléluia !
Jean et Cape Blanche agitent leurs bras. Le bateau se rapproche. Un jappement retentit.
Jean
Le chien ! C’est le chien !
Cape Blanche
Oui… C’est peut-être lui qui a donné l’alerte !
Jean
C’est un véritable Saint-Bernard, ce cocker !
Cape Blanche
Je ne regarderai plus jamais les bêtes de la même façon !
Le bateau arrive à hauteur de la barrière blanche. Une femme enceinte, en tenue d’infirmière, le guide.
Jean
Ombeline ! C’est vous !
Ombeline
Oui, Jean ! C’est bien moi ! Comme je suis contente de vous voir ! Mais qui est cet homme qui vous accompagne ? Est-ce à lui que la cape blanche que vous avez nouée autour de mon chien appartenait ?
Jean
Précisément.
Ombeline
Quel est son nom ?
Jean
Febvre.
Ombeline
Pourquoi cette tenue ?
Jean
Peu importe ! Filons d’ici !
Ombeline
Mais pourquoi êtes-vous venus ? Où sont les autres ? Restés dans la tranchée ?
Jean
Non… C’est-à-dire qu’ils…
Ombeline
Eh bien quoi ? Parlez, Jean, vous m’inquiétez !
Jean
Ils sont… morts… Je suis désolé…
Ombeline
Morts ?
Jean
Oui… Nous avions commencé à les enterrer quand un avion allemand a survolé notre tranchée. Nous nous sommes enfuis.
Ombeline
Je comprends… Ne restez pas sur la rive ! Montez !
Jean
Très bien…
Jean et Cape Blanche font quelques pas dans l’eau, qui leur arrive jusqu’à la taille, puis montent dans l’embarcation.
Ombeline
Pourriez-vous ramer jusque de l’autre côté ? Je suis épuisée…
Jean
Bien sûr…
Le chien jappe. Ombeline et Jean échangent leurs places.
Ombeline
Tais-toi, veux-tu ? Sois sage… Oui, tu es un bon chien… Un bon chien…
Cape Blanche observe la barrière blanche qui disparait dans l’obscurité tandis que le bateau s’éloigne.
Cape Blanche
Ce chien…
Ombeline
Oui ?
Cape Blanche
Pourquoi ne transportait-il que des provisions pour un seul homme ?
Ombeline
Il ne pourrait pas en transporter davantage…
Cape Blanche
J’entends bien mais les hommes qui étaient avec Jean ne sont morts qu’hier, pour la plupart… Comment les alimentiez-vous en provisions ?
Ombeline
Qui vous a dit que nous faisions cela ?
Cape Blanche
Et bien, c’est Jean… Votre chien ne sert-il pas à transporter des médicaments ?
Ombeline
Non…
Cape Blanche se tourne vers Jean.
Cape Blanche
A quoi sert-il, alors ?
Ombeline
A transporter des messages…
Cape Blanche
Des messages ?
Ombeline
Tout dépend de la couleur du paquet que le chien porte sur son dos.
Cape Blanche
Comment cela ?
Ombeline
Les hommes ont suffisamment de vivres dans les tranchées pour tenir un siège mais en cas de problème, ce chien est le seul moyen de communication avec la base.
Cape Blanche
Très bien, alors que signifie le blanc ?
Ombeline
Que tout va bien…
Cape Blanche
Et le tissu doit être différent à l’aller et au retour.
Ombeline
Evidemment. Pour confirmer qu’il a bien été lu. Si un jour le tissu est rouge, cela signifie que les hommes dans la tranchée ont subi de lourdes pertes…
Cape Blanche caresse le chien et dénoue la cape qui entoure son ventre.
Cape Blanche
Alors, pourquoi Jean ne vous a-t-il pas prévenu de ce qu’il s’était passé dans la tranchée ? Pourquoi vous a-t-il envoyé un tissu blanc ?
Ombeline
Je pense qu’il s’était résigné…
Cape Blanche
Résigné ? Résigné à quoi ?
Ombeline
Lorsque la situation est désespérée, les ordres sont de continuer à envoyer un tissu blanc.
Cape Blanche
Pourquoi ?
Ombeline
A l’infirmerie, nous continuons à envoyer un chien jusqu’à ce que le tissu ne soit plus changé… Alors, nous savons que… tout est perdu. Nous n’envoyons des renforts que si c’est utile… Que si le tissu est rouge.
Cape Blanche
Et la boîte de conserve ? Et les pilules vertes, à quoi servent-elles ?
Ombeline
Les vivres servent à tromper l’ennemi. Si les Allemands voient le chien, ils penseront qu’il apporte de la nourriture à nos hommes.
Cape Blanche
Oui, mais les médicaments ?
Ombeline
Nous disons à nos soldats que ce sont des stimulants… Nous envoyons trois pilules par chien pour les plus faibles…
Cape Blanche
Alors, il n’y a pas assez de médicaments pour tout le monde.
Ombeline
Non. Et en vérité, ce ne sont pas des stimulants… C’est du sucre…
Cape Blanche
Alors, les hommes ne se sont pas entretués à cause d’eux !
Ombeline
Entretués ? De quoi parlez-vous ?
Cape Blanche
Jean m’a dit que les hommes qui l’accompagnaient s’étaient donné la mort, pris de folie… Il m’a laissé entendre que c’était à cause des médicaments que vous leur prescriviez mais…
Ombeline
Vous voulez dire qu’ils n’ont pas été abattus par nos ennemis ?
Soudain, Jean lâche les rames, attache la corde à un tronc d’arbre, et porte la main à son fusil.
Jean
Le premier qui bouge, je le descends…
Ombeline
Grand Dieu ! Jean ! Qu’est-ce qu’il vous prend ?
Jean
Vous ne gagnerez pas cette guerre…
Ombeline
Vous… Vous êtes passé à l’ennemi ?
Jean
Nous avons perdu cette guerre avant même de l’avoir commencée… Nous ne sommes dirigés que par des incapables… A un moment, il faut choisir son camp.
Ombeline
Pourquoi… Pourquoi êtes-vous venu jusqu’ici ?
Jean
Ma mission est de faire un maximum de victimes parmi nos rangs… Et cela inclut les équipes de secours…
Ombeline
Traitre !
Jean tire dans le ventre de Ombeline. Elle pousse un cri et tombe à l’eau.
Cape Blanche
Non !
Jean
Tu sais que si je me débrouille bien, je pourrais en tuer une dizaine d’autres, encore…
Cape Blanche
Pourriture !
Jean
Tu viens du futur, n’est-ce pas ?
Cape Blanche
Oui, moi, je n’ai pas menti.
Jean
Je l’ai su à l’instant même où je t’ai vu… Je venais de refroidir mon idiot de frère quand tu es arrivé… Alors, on t’envoie de 2009 pour changer le cours de l’histoire ?
Cape Blanche
Non, mes déplacements dans les époques sont aléatoires, je te l’ai dit… Et je n’ai pas à changer le cours de l’histoire. Cette guerre, les Allemands l’ont perdu.
Jean
Alors, que fais-tu ici ?
Cape Blanche
Je l’ignore… Quelque chose m’a attiré mais je ne sais pas ce dont il s’agit… Toi, dis-moi quand tu as décidé de travailler pour les Allemands !
Jean
Dès 1914…
Cape Blanche
Saleté !
Jean
Depuis bientôt cinq ans, j’attends mes ordres… Bien sagement… Récemment, nous avons fait un prisonnier… Un Bosch, comme ils disent… Et il m’a transmis le message… Il m’a dit de passer à l’action… Ce que j’ai fait. Je ne pensais pas survivre mais j’ai profité d’une attaque des Allemands pour frapper nos hommes par surprise… Et j’ai réussi. J’allais rejoindre l’autre camp quand tu es arrivé…
Cape Blanche
Ils t’auraient tué avant même que tu les aies rejoints !
Jean
Non. J’aurais même reçu une médaille pour mon acte de bravoure !
Cape Blanche
Tu peux toujours rêver… Cela a dû te peiner d’avoir à enterrer tes hommes, ton propre frère…
Jean
Oh, oui, j’étais en rage… Si tu n’avais pas été insensible à mes balles, je t’aurais tué aussi depuis longtemps… Après, j’ai cherché une opportunité de me débarrasser de toi.
Cape Blanche
Et comment comptes-tu t’y prendre ?
Jean
Tu vas rejoindre cette idiote de Ombeline dans cette rivière !
Cape Blanche
J’aimerais bien voir ça !
Jean
Eh bien, regarde…
Jean tire dans le fond de la barque qui se remplit d’eau.
Jean
Tu t’en sortiras certainement mais moi aussi, je suis excellent nageur et d’ici que tu aies atteint la rive, je serai loin !
Cape Blanche saute sur Jean. Ils se battent. La barque s’enfonce dans l’eau.
Cape Blanche
Tu as trahi ta patrie ! Tu as tué tes amis ! Tu as abattu ton frère ! Tu as assassiné une infirmière enceinte !
Jean
Et maintenant, je m’apprête à mettre en échec un justicier venu du futur !
Cape Blanche
Un tueur en série, un train et une météorite n’ont pas eu raison de moi ! Ce n’est pas un minable militaire qui y parviendra !
Jean
Qui est le minable ? Qui a laissé mourir tous les passagers de la tour F. C. M. ?
Cape Blanche
Ne te sers pas de mes confidences contre moi !
Jean
Qui a laissé mourir Ombeline à l’instant ?
Soudain, un bras sort de l’eau, se saisit du pied droit de Jean, tire violemment et le fait tomber dans la rivière.
Cape Blanche
Qui a pu… ?
De toutes ses forces, Ombeline tente de se hisser dans le bateau.
Cape Blanche
Ombeline ! Vous êtes en vie !
Ombeline
Aidez-moi !
Cape Blanche
Nous allons nous en sortir ! Comptez sur moi !
1917. Hiver. Matinée. Quelques heures plus tard.
Meuse. Autre rive.
Cape Blanche tient entre ses bras deux petits garçons nouveau-nés, serrés dans sa cape blanche. Ombeline est étendue, contre un peuplier, mourante. Elle vient d’accoucher. Le chien dort auprès d’eux.
Cape Blanche
Ce sont deux enfants magnifiques…
Ombeline
Stéphane… Etes-vous sûr qu’ils vont bien ?
Cape Blanche
Oui. La balle que vous avez reçue dans le ventre a provoqué les contractions et l’accouchement mais elle n’a pas blessé les jumeaux.
Ombeline
Grâce au ciel…
Ombeline ferme les yeux. Cape Blanche se penche vers elle, un bébé dans chaque bras.
Cape Blanche
Restez éveillée, Ombeline, je vous en prie !
Ombeline
Je… Je n’arrive pas à garder les yeux ouverts…
Cape Blanche
Je suis sûr que si j’allais à l’hôpital où vous travaillez…
Ombeline
Non. J’ai perdu trop de sang. On ne peut plus rien faire pour moi.
Cape Blanche s’assied à côté de Ombeline.
Cape Blanche
Je suis désolé, Ombeline… Je n’ai pas su vous protéger.
Ombeline
Vous avez aidé mes enfants à venir au monde. Vous êtes un héros…
Cape Blanche
Vous avez survécu à une balle de fusil et à la noyade : c’est vous l’héroïne…
Ombeline
Prenez soin… Prenez soin de mes fils…
Cape Blanche
Je vous le promets.
Ombeline
M… Merci.
Un des bébés se met à pleurer.
Ombeline
Il leur faut un prénom. Deux prénoms… mais je pensais n’attendre qu’un enfant… Si j’avais eu une fille, je l’aurais appelé Béatrice… mais… comme ce sont des garçons… Pour un garçon, j’avais pensé à Bernard.
Cape Blanche
Bernard, c’est très bien.
Ombeline
Oui, j’aime beaucoup… Et puis, pour son jumeau, je me disais que Bertrand...
Cape Blanche se redresse brusquement.
Cape Blanche
Seigneur, qui… Qui est le père de ces enfants ?
Ombeline
P… Pourquoi ?
La respiration de Cape Blanche s’accélère.
Cape Blanche
Des jumeaux… nés en 1917… s’appelant Bertrand et Bernard… Est-ce que ce pourrait-être… ?
Ombeline
De qui parlez-vous ?
Cape Blanche
Mon… mon grand-père s’appelait Bertrand… Et son frère, son frère jumeau, Bernard…
Ombeline
Je ne comprends pas bien…
Cape Blanche
Si je suis venu ici, si j’ai été attiré, c’était pour assister à la naissance de mon grand-père… Cape Rouge !
Ombeline
Votre grand-père ?
Cape Blanche
Ainsi, j’aurais pu empêcher Bertrand de naître et ainsi sauver des centaines de victimes…
Ombeline
Vous voulez tuer mon bébé ?
Cape Blanche
Non… Non… malgré tout ce qu’il fera, je ne pourrais pas tuer mon grand-père et si je le faisais, je… je mourrais. Mais cela veut dire que vous êtes mon… mon arrière-grand-mère…
Ombeline
Je… me sens si faible… Si faible…
Cape Blanche pose les enfants dans l’herbe et retire sa cape.
Ombeline
Amenez mes enfants en lieu sûr, je vous en prie, Stéphane… Sauvez-les !
Cape Blanche glisse sa cape dans son costume.
Cape Blanche
Je le ferai, Ombeline… Je vous le promets…
Ombeline
Merci, Stéphane… Mer… ci…
Ombeline meurt. Cape Blanche observe les jumeaux avec attention.
Cape Blanche
Il suffirait… Il suffirait que je tue le bon… Mais lequel est Bertrand et lequel est Bernard ? Comment savoir ?
Cape Blanche observe le soleil qui se lève.
Cape Blanche
Je te déteste tellement, Bertrand ! Pour tout le mal que tu as fait… Et j’ai enfin l’opportunité de changer le passé. De tout empêcher de nier ma propre existence…
Cape Blanche se penche et pose sa main autour du cou d’un des garçons. Pixel par pixel, il commence à disparaître.
Cape Blanche
Ce serait si simple… Je n’aurais qu’à serrer…
Cape Blanche résiste à la tentation. Il se relève. La moitié de son corps s’est décomposé.
Cape Blanche
Mais si je te tuais, Bertrand, si je vous tuais tous les deux… Juliette… Juliette ne naîtrait pas… Et je ne peux pas vivre sans la femme que j’aime…
Cape Blanche s’évanouit.
Cape Blanche, voix off
Vous tous, pardonnez-moi !
Les jumeaux restent seuls, à côté du cadavre de leur mère.
A suivre…
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Re: Les histoires de benjamin
MERCI ENORMEMENT D'AVOIR LU MON HISTOIRE !!!
Cela me fait très plaisir d'avoir un commentaire
Si la structure est théâtrale, c'est parce que c'est fait pour être joué, dit, prononcé. Un peu comme un script.
Mais mon idée ne prend pas. Les gens ne se connectent pas, ne commentent pas.
Je sais que c'est mal lu mais honnêtement, l'histoire tient la route alors pourquoi personne n'y va depuis une semaine ?
Je suis dépité. Une bonne histoire, gratis, lue en plus, je pensais que ça marcherait mais il n'y a que cinq personnes qui ont écouté ma première histoire en entier.
En plus, je propose à qui le veut de lire mes textes, j'en ai proposé plusieurs mais les gens n'écoutent pas...
http://www.youtube.com/watch?v=ldNruvJ4F5w[/youtube]



Cela me fait très plaisir d'avoir un commentaire

Si la structure est théâtrale, c'est parce que c'est fait pour être joué, dit, prononcé. Un peu comme un script.
Mais mon idée ne prend pas. Les gens ne se connectent pas, ne commentent pas.
Je sais que c'est mal lu mais honnêtement, l'histoire tient la route alors pourquoi personne n'y va depuis une semaine ?
Je suis dépité. Une bonne histoire, gratis, lue en plus, je pensais que ça marcherait mais il n'y a que cinq personnes qui ont écouté ma première histoire en entier.

En plus, je propose à qui le veut de lire mes textes, j'en ai proposé plusieurs mais les gens n'écoutent pas...

http://www.youtube.com/watch?v=ldNruvJ4F5w[/youtube]
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Re: Les histoires de benjamin
J'écris des romans feuilleton sur les super héros. Voici une histoire qui traite de ma première tentative de suicide. Elle comporte 47 pages. Voici les trois premières. J'espère que cela vous plaira.
Vendredi 14 novembre 2008. 19h50.
2 rue Molière.
Ava Caret entre dans la cuisine. Elle s’approche d’une table où se trouve une bouteille de whisky. Elle ôte le bouchon et boit son contenu au goulot.
Ava Caret
La fin est proche…
Ava finit de boire la bouteille avec difficulté, puis elle s’assoit sur une chaise. Sa tête penche sur le côté. L’alcool commence à faire son effet.
Ava Caret
Il n’existe pas d’autre issue pour moi.
Ava se lève et traverse la cuisine en titubant. Elle avance dans le salon et arrive devant une porte entrouverte. Elle la pousse doucement et découvre la salle de bain. Elle avance vers un lavabo sur lequel est posé un petit poste de radio. Elle l’allume.
Animateur, voix off
« Vous écoutez (chuintements) Radio. Il est dix-sept heures. Dans une heure, très exactement, je recevrai Monsieur Van Devere, le maire de Velours sur Saône qui viendra défendre dans nos studios le nouveau projet du Conseil Municipal de sa localité. Un projet qui, je n’en doute pas, est au cœur de vos préoccupations de Bourguignon. Si vous avez des questions à lui poser, si vous désirez nous faire part de vos réactions, n’hésitez pas à nous téléphoner. L’appel est gratuit et la ligne est ouverte pendant une heure. Demandez Valérie, notre standardiste ! Elle enregistrera votre appel. Celui-ci sera ensuite peut-être diffusé à l’antenne, en intégralité ou en partie… »
Ava change de fréquence. Parasites puis son : Under the bridge des Red Hot Chili Peppers.
Ava Caret
« Je ne veux plus jamais me sentir comme je me suis senti ce jour… ». C’est une chanson d’amour, mais elle fera l’affaire….
Ava se dirige vers la douche. Elle tire le rideau et se déshabille.
Ava Caret
« Conduis-moi aux endroits que j’aime… Take me all the way…”
Ava se laisse tomber. L’eau couvre son corps. Elle pleure. La chanson se termine… Jingle.
Jingle, voix de femme
Radio Paradis ! Paradis, le meilleur endroit pour débuter votre soirée…
Yesterday des Beatles.
Ava tire le rideau et sort de la douche en rampant. Elle attrape une serviette suspendue à un crochet et s’essuie du mieux possible. Elle se lève et s’habille très maladroitement puis quitte chancelante la pièce et gagne une petite chambre. Sur le sol sont posés un téléphone portable et un revolver. La radio est presque inaudible. Ava s’empare du téléphone portable, allongée sur le dos, ivre et compose un numéro de téléphone.
Grégoire Caret, voix off
Allô ?
Ava Caret
Grégoire, c’est moi.
Grégoire Caret, voix off
Ava ? Justement, j’allais t’appeler. Je serai à mon appartement dans cinq minutes.
Ava Caret
Je… Ca ne va pas…
Grégoire Caret, voix off
Quoi ? Tu ne te sens pas bien ?
Ava s’empare du revolver.
Ava Caret
Pardonne-moi !
Grégoire Caret, voix off
Ava ! Qu’est-ce que tu as ?
Ava Caret
Je suis désolée de n’avoir pas su te protéger de Maman et Papa. Je regrette d’être allée vivre à Paris et d’avoir fait carrière dans l’industrie du porno…
Grégoire Caret, voix off
Ava, arrête de parler et dis-moi où tu es !
Ava Caret
Embrasse Maman pour moi ! Tu voudras bien faire ça ?
Grégoire Caret, voix off
Ava !
Ava Caret
Je t’aime, Grégoire.
Ava glisse le canon du revolver dans sa bouche et tire. Grégoire pousse un cri d’horreur.
Pour Ava, tout devient noir et un son strident retentit.
A terre, elle convulse. Son visage est arraché. A la place de sa figure : une boule ensanglantée.
Ava se revoit enfant, en dessins crayonnés : jouant avec Grégoire, sautant à la corde, se promenant avec lui main dans la main, dansant...
Ava Caret, voix off
Je t’aime, Grégoire… Grégoire… Greg…
Vendredi 14 novembre 2008. 20h00.
Cannes. 13, rue du Grimpereau Brun.
Grégoire Caret raccroche son téléphone filaire. Il compose le numéro des secours et donne les informations nécessaires à la personne qui lui répond.
Il raccroche, s’empare de son manteau et quitte son bureau précipitamment. Il traverse les couloirs et pleurant. Arrivé devant l’ascenseur, il voit une foule de personnes attendre face à la cabine. Il regarde l’écran de l’appareil : il est au treizième étage. Grégoire s’éloigne, pousse une porte et gagne les escaliers de secours. Il les descend quatre à quatre.
Arrivé au rez-de-chaussée, il pousse une grande porte et gagne le hall. Là, il croise Bolkenstein et passe devant lui sans le saluer. Il quitte l’immeuble et monte dans sa voiture qui est garée à quelques pas.
Grégoire roule à vive allure dans les rues de Cannes et parvient en bas de son immeuble. Les pompiers sont déjà là : ils viennent d’arriver. Grégoire leur ouvre la porte d’entrée de l’immeuble. Ensemble, ils montent un escalier et arrivent devant la porte de l’appartement. Grégoire sort un trousseau de clés de sa poche et ouvre. Il fouille l’appartement avec les pompiers et découvre le premier le corps de sa sœur étendue sans connaissance dans une chambre.
La radio diffuse : A woman left lonely de Janis Joplin.
Grégoire Caret
Ava ! Non !
Pompier
Ecartez-vous, Monsieur ! Laissez-nous travailler…
Grégoire se blottit dans un coin de la pièce et se laisse tomber sur le parquet…
Grégoire Caret
Ava ! Qu’est-ce qu’il t’a pris ? Pourquoi as-tu fait ça ? Ava…
Les pompiers entourent Ava. Grégoire ferme les yeux… Il n’entend plus que la chanson diffusée à la radio.

Vendredi 14 novembre 2008. 19h50.
2 rue Molière.
Ava Caret entre dans la cuisine. Elle s’approche d’une table où se trouve une bouteille de whisky. Elle ôte le bouchon et boit son contenu au goulot.
Ava Caret
La fin est proche…
Ava finit de boire la bouteille avec difficulté, puis elle s’assoit sur une chaise. Sa tête penche sur le côté. L’alcool commence à faire son effet.
Ava Caret
Il n’existe pas d’autre issue pour moi.
Ava se lève et traverse la cuisine en titubant. Elle avance dans le salon et arrive devant une porte entrouverte. Elle la pousse doucement et découvre la salle de bain. Elle avance vers un lavabo sur lequel est posé un petit poste de radio. Elle l’allume.
Animateur, voix off
« Vous écoutez (chuintements) Radio. Il est dix-sept heures. Dans une heure, très exactement, je recevrai Monsieur Van Devere, le maire de Velours sur Saône qui viendra défendre dans nos studios le nouveau projet du Conseil Municipal de sa localité. Un projet qui, je n’en doute pas, est au cœur de vos préoccupations de Bourguignon. Si vous avez des questions à lui poser, si vous désirez nous faire part de vos réactions, n’hésitez pas à nous téléphoner. L’appel est gratuit et la ligne est ouverte pendant une heure. Demandez Valérie, notre standardiste ! Elle enregistrera votre appel. Celui-ci sera ensuite peut-être diffusé à l’antenne, en intégralité ou en partie… »
Ava change de fréquence. Parasites puis son : Under the bridge des Red Hot Chili Peppers.
Ava Caret
« Je ne veux plus jamais me sentir comme je me suis senti ce jour… ». C’est une chanson d’amour, mais elle fera l’affaire….
Ava se dirige vers la douche. Elle tire le rideau et se déshabille.
Ava Caret
« Conduis-moi aux endroits que j’aime… Take me all the way…”
Ava se laisse tomber. L’eau couvre son corps. Elle pleure. La chanson se termine… Jingle.
Jingle, voix de femme
Radio Paradis ! Paradis, le meilleur endroit pour débuter votre soirée…
Yesterday des Beatles.
Ava tire le rideau et sort de la douche en rampant. Elle attrape une serviette suspendue à un crochet et s’essuie du mieux possible. Elle se lève et s’habille très maladroitement puis quitte chancelante la pièce et gagne une petite chambre. Sur le sol sont posés un téléphone portable et un revolver. La radio est presque inaudible. Ava s’empare du téléphone portable, allongée sur le dos, ivre et compose un numéro de téléphone.
Grégoire Caret, voix off
Allô ?
Ava Caret
Grégoire, c’est moi.
Grégoire Caret, voix off
Ava ? Justement, j’allais t’appeler. Je serai à mon appartement dans cinq minutes.
Ava Caret
Je… Ca ne va pas…
Grégoire Caret, voix off
Quoi ? Tu ne te sens pas bien ?
Ava s’empare du revolver.
Ava Caret
Pardonne-moi !
Grégoire Caret, voix off
Ava ! Qu’est-ce que tu as ?
Ava Caret
Je suis désolée de n’avoir pas su te protéger de Maman et Papa. Je regrette d’être allée vivre à Paris et d’avoir fait carrière dans l’industrie du porno…
Grégoire Caret, voix off
Ava, arrête de parler et dis-moi où tu es !
Ava Caret
Embrasse Maman pour moi ! Tu voudras bien faire ça ?
Grégoire Caret, voix off
Ava !
Ava Caret
Je t’aime, Grégoire.
Ava glisse le canon du revolver dans sa bouche et tire. Grégoire pousse un cri d’horreur.
Pour Ava, tout devient noir et un son strident retentit.
A terre, elle convulse. Son visage est arraché. A la place de sa figure : une boule ensanglantée.
Ava se revoit enfant, en dessins crayonnés : jouant avec Grégoire, sautant à la corde, se promenant avec lui main dans la main, dansant...
Ava Caret, voix off
Je t’aime, Grégoire… Grégoire… Greg…
Vendredi 14 novembre 2008. 20h00.
Cannes. 13, rue du Grimpereau Brun.
Grégoire Caret raccroche son téléphone filaire. Il compose le numéro des secours et donne les informations nécessaires à la personne qui lui répond.
Il raccroche, s’empare de son manteau et quitte son bureau précipitamment. Il traverse les couloirs et pleurant. Arrivé devant l’ascenseur, il voit une foule de personnes attendre face à la cabine. Il regarde l’écran de l’appareil : il est au treizième étage. Grégoire s’éloigne, pousse une porte et gagne les escaliers de secours. Il les descend quatre à quatre.
Arrivé au rez-de-chaussée, il pousse une grande porte et gagne le hall. Là, il croise Bolkenstein et passe devant lui sans le saluer. Il quitte l’immeuble et monte dans sa voiture qui est garée à quelques pas.
Grégoire roule à vive allure dans les rues de Cannes et parvient en bas de son immeuble. Les pompiers sont déjà là : ils viennent d’arriver. Grégoire leur ouvre la porte d’entrée de l’immeuble. Ensemble, ils montent un escalier et arrivent devant la porte de l’appartement. Grégoire sort un trousseau de clés de sa poche et ouvre. Il fouille l’appartement avec les pompiers et découvre le premier le corps de sa sœur étendue sans connaissance dans une chambre.
La radio diffuse : A woman left lonely de Janis Joplin.
Grégoire Caret
Ava ! Non !
Pompier
Ecartez-vous, Monsieur ! Laissez-nous travailler…
Grégoire se blottit dans un coin de la pièce et se laisse tomber sur le parquet…
Grégoire Caret
Ava ! Qu’est-ce qu’il t’a pris ? Pourquoi as-tu fait ça ? Ava…
Les pompiers entourent Ava. Grégoire ferme les yeux… Il n’entend plus que la chanson diffusée à la radio.
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